Rien n’arrête le business


Economie


22 avril 2022

L’edito hebdo de jean-Michel Chevalier c’est maintenant !

La responsabilité des entreprises n’est pas celle des états. Les premières se doivent a minima d’équilibrer les comptes pour payer leurs employés, leurs fournisseurs, leurs impôts et charges, et s’il reste un petit quelque chose, leurs actionnaires.
Les seconds doivent garantir un intérêt général, pouvant parfois comprendre des intérêts catégoriels et contradictoires, mais aussi avoir une posture morale et éthique sur les grandes affaires du monde (enfin, en principe).
Aussi est-il injuste, bien assis dans son fauteuil, de clouer au pilori les entreprises qui ont décidé, malgré l’invasion de l’Ukraine, de "rester" en Russie pour y poursuivre leurs petites affaires. Car le vide qu’elles
laisseraient avec leur départ serait vite
comblé par des concurrents... pas davantage étouffés par les scrupules. Au final, elles auraient perdu un marché et pas contribué à sauver l’Ukraine.
Dans ce petit "jeu", ce sont les entreprises françaises qui ont le plus à perdre, parce qu’elles sont les premières sur le marché russe. La longue affinité culturelle qui a uni nos deux pays se traduit chez les Russes par une appétence pour le luxe français (LVMH), pour les produits hexagonaux (Renault), pour la puissance de nos
distributeurs (Carrefour, Leroy-Merlin), pour l’agro-alimentaire tricolore même si Moscou a "confisqué" avant même la guerre l’appellation Champagne pour la réserver à un jus pétillant produit en Crimée.
Alors oui, les établissements français et autres qui le peuvent restent en Russie "malgré tout", comme beaucoup de ceux dont les produits ne dépassent pas la barre des 300 euros à l’unité car ils ne font pas partie des "sanctions". D’autres s’arrangent avec des entrepreneurs locaux en créant des fiducies (structures recevant les biens à une autre
entité, charge à celle-ci d’agir au profit d’un ou plusieurs bénéficiaires) pour éviter la nationalisation promise par Poutine et récupérer leur bien à la fin de cette crise.
Bien sûr, il est a minima surprenant que des poids lourds de l’économie qui appartiennent à de riches familles continuent leur business en Russie comme si de rien n’était. Car on pourrait considérer sans aucun scrupule qu’un parfum, un carré de soie ou une grande bouteille ne sont pas des produits de
première nécessité, et que l’on pourrait en priver les oligarques russes sans risquer de faire souffrir inutilement le petit peuple.
Nous restons, comme toujours, dans l’entre-deux. Fermes sur les principes, mais accommodants pour le bilan de fin d’année.
On ne peut, en tous cas, demander aux entreprises privées de supporter seules un prix à payer alors même qu’elles ne sont pas responsables de la situation.
D’où l’idée d’une nouvelle "taxe" qui les viserait, car en France plus qu’ailleurs on sait bien que tous les problèmes sont solubles dans les prélèvements...
J.-M. CHEVALIER


Jean-Michel Chevalier