Luxe (2) : Tracfin trop souvent hors circuit


Droit


1er juin 2022

Les paiements en espèces supérieurs à 10 000 € doivent être contrôlés par les professionnels

Si les fabricants et les revendeurs d’objets de luxe contrôlés basés en province hésitent à solliciter et à conserver des copies de pièces d’identité de leurs clients, les maisons de haute joaillerie, les grands magasins et les revendeurs parisiens vérifient et conservent une copie des pièces d’identité des clients, et ce, de façon systématique pour les acquéreurs étrangers, notamment afin de respecter leurs obligations en matière de formalités douanières relatives à la TVA.

En revanche, aucune mesure n’est établie pour l’identification des bénéficiaires effectifs. Il ressort de l’enquête que les achats sont souvent réalisés pour le compte d’autres personnes physiques. Par exception, les transactions peuvent aussi s’effectuer avec des personnes morales.
Enfin, l’obligation de contrôler la provenance des fonds utilisés pour les achats de produits de luxe est totalement ignorée par les professionnels du secteur qui faisaient valoir une impossibilité de demander ce type de renseignement à leurs clients.

Les enquêteurs ont également constaté que les opérateurs méconnaissaient leurs obligations relatives à la mise en place de mesures de vigilance complémentaires, telles que l’identification des personnes politiquement exposées (personnes considérées, au niveau international, comme exposées à des risques plus élevés de blanchiment de capitaux, cf. art. L. 561-10 du code monétaire et financier) et des personnes établies dans un pays non coopératif (personnes physiques ou morales sises dans un État ou un territoire dont la législation ou les pratiques font obstacle à la lutte contre le blanchiment ou le financement du terrorisme). Les professionnels concernés se contentaient de noter la résidence de ces personnes, sans effectuer de vérification, avant d’accepter des paiements en espèces supérieurs à 10 000 €. Ignorant l’existence de Tracfin, ils n’effectuaient pas de déclaration de soupçon auprès de celui-ci, alors même qu’il s’agit d’une obligation réglementaire (cf. art. R. 561-23 du code monétaire et financier). Plusieurs transactions susceptibles de présenter un caractère délictuel en raison de l’absence de connaissance sur l’origine des fonds de l’achat ou au regard de leur justification économique, ont ainsi été effectuées sans déclaration de soupçon à Tracfin.
Les agents de la DGCCRF se sont donc soit substitués aux opérateurs défaillants, soit ont enjoint aux entreprises concernées de procéder à cette déclaration.

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Jean-Michel Chevalier