À Grasse, Lancôme prend grand soin de la rose et de son environnement


Economie


3 juin 2022

Il y a deux ans, Lancôme rachetait le Domaine de la Rose à Grasse pour y cultiver la Centifolia, au cœur de ses parfums. Avec, aussi, la volonté d’y mener un projet en tout point exemplaire.

Lucie Careri ©S.G

«  Nous ne sommes pas sur une culture intensive de la rose, même si la rose reste la star », explique Lucie Careri, responsable du domaine aux multiples casquettes, également très à l’aise dans le rôle de guide. «  Nous faisons une agriculture raisonnée. Nous sommes en polyculture : la Centifolia, les iris, la verveine, le romarin, le jasmin, le lavandin, les immortelles, les géraniums, les figuiers… La polyculture permet de ne pas avoir tous les rosiers au même endroit, afin d’éviter qu’une maladie ne se propage », explique la Niçoise d’origine, dans le groupe Lancôme depuis sept ans et partie de Paris pour venir superviser le projet grassois.
La prestigieuse marque de luxe, qui fait partie de la galaxie L’Oréal, a pris le temps de bien faire les choses et la liste de ses engagements est longue : faire « un domaine agricole et horticole pour l’innovation durable et responsable  », « développer l’expertise de la rose biologique », avoir «  un projet architectural global écologique » ou encore, créer un « refuge de la biodiversité ». Aujourd’hui, les bâtiments sont toujours en travaux mais tous les champs sont terminés. « On a recréé les chemins et rénové les restanques. Les quatre hectares du domaine étaient en friche, à l’exception de quelques plans de rosiers qui ont été gardés et les oliviers, qui étaient là  », confie Lucie Careri.

« Un laboratoire à ciel ouvert »

La récolte de roses est exceptionnelle cette année après une année 2021 décevante en raison d’un mois de mai très pluvieux ©S.G

« Nous voulons réconcilier agriculture et biodiversité, montrer que cela peut fonctionner ensemble. Nous voulions aussi un projet architectural qui corresponde au domaine agricole, cultivé en bio ». Lancôme a ainsi fait confiance à l’agence NeM, des architectes Lucie Niney et Thibault Marca, avec l’objectif de « magnifier les lignes topographiques caractéristiques du domaine, venant créer de nouvelles restanques pour intégrer les constructions agricoles réaménagées ». «  C’est un projet vertueux », abonde Lucie Careri. «  On a fait notre isolation en paille de lavande. Il n’y a ni chauffage ni climatisation dans la maison parce qu’on aura un puits canadien » (dispositif géothermique).
Et Lancôme ne s’arrête pas là : « On est en train de travailler pour être refuge de biodiversité. On a fait des inventaires avec la LPO (Ligue de Protection des Oiseaux) : on a 33 espèces d’oiseaux, 31 espèces de papillons… On a planté des arbres fruitiers, on va installer des petits ponts pour les hérissons, des nichoirs pour les oiseaux, des coins pour les chauves-souris
 », énumère la responsable du domaine, qui s’appuie sur le savoir-faire d’Antoine Leclef pour toutes les cultures (voir par ailleurs), dont la précieuse Centifolia. « On utilise la rose dans deux de nos produits : «  La vie est belle » édition limitée Domaine de la rose et Maison Lancôme « Mille et une roses  ». Ce sont juste les débuts et nous allons faire de plus en plus de parfums avec ces roses », souligne-t-elle. « On fait aussi des confitures de figues bio, en partenariat avec la confiserie Florian de Nice. On aimerait faire du miel, des bonbons à la verveine… L’idée, c’est qu’on utilise tout. On appelle cela un laboratoire un ciel ouvert ».

Ouverture en janvier ?

La suite du projet ? « C’est quelque chose d’inédit pour Lancôme. C’est la première fois qu’on achète un domaine agricole, qu’on le rénove. On était déjà présent à Grasse puisqu’on achetait la rose Centifolia à Grasse. On aura également une distillerie, pour montrer le parcours de la rose : les techniques de récolte, comment se passe la cueillette, à quel moment de l’année... On expliquera ensuite comment est transformée la rose ». La distillerie et le hangar agricole devraient être bientôt terminés. La Maison rose, qui hébergera un orgue à parfums, va nécessiter encore quelques mois de travaux. Ouverture espérée du domaine en janvier 2023. « Il est nécessaire qu’on ouvre ce domaine au public, pour transmettre, pour expliquer le parcours de la rose, la biodiversité », relève Lucie Careri. Toute l’équipe réfléchit actuellement aux horaires, aux visites et aux ateliers à mettre en place, ainsi qu’à la possibilité de tout faire gratuitement. « On veut s’inscrire dans la vie locale et rendre à Grasse ce qu’elle nous donne ».

Visuel du domaine avec, au premier plan, le hangar agricole et la distillerie et, derrière, la Maison rose. ©Lancôme

Antoine Leclef : « J’assouvis ma passion au quotidien »

Antoine Leclef ©S.G

Il est le responsable des cultures du Domaine de la Rose. Antoine Leclef, Grassois historique (15 générations !), se présente comme un agriculteur et un paysagiste. Malgré les heures passées parmi les roses (de 6h30 à 17h30 en ce moment) mais aussi ailleurs (il s’occupe de plusieurs jardins potagers), il ne voit rien de tout cela comme un travail. « J’assouvis ma passion au quotidien  », dit-il. Au moins six personnes l’aident à prendre soin de toutes les plantations du Domaine de la rose. Et ils sont actuellement neuf de plus pour la cueillette, en plein pic de floraison de la rose Centifolia. Ce pic est survenu plus tôt cette année. «  On travaille comme un domaine agricole, il faut se plier aux exigences de la nature. C’est la rose qui décide », commente Antoine Leclef. Sa démarche est « plus bio que bio ». «  En bio, vous pouvez utiliser des pesticides. Nous n’en utilisons pas et nous utilisons de l’engrais de façon extrêmement limitée. On nourrit la terre plutôt que la plante. C’est un énorme travail. On apporte du fumier et cela représente 500 tonnes de fumier par an, à porter à la main ». Antoine Leclef travaillait déjà en partenariat avec Lancôme sur d’autres terres agricoles avant de se voir confier la responsabilité des cultures du Domaine de la Rose. « Je ne me suis pas posé la question et je ne regrette rien. C’est une aventure fantastique  ».

Les travailleurs saisonniers sont indispensables pour récolter les roses dans les meilleurs délais ©S.G

Jérôme Viaud : « Une démarche respectueuse »

Jérôme Viaud ©DR

Le maire de Grasse, Jérôme Viaud, se réjouit de la venue de Lancôme, encore plus pour y mener un tel projet. « Je suis convaincu que ce Domaine inspirera des fragrances qui marqueront la longue histoire de la parfumerie  », a-t-il dit au cours d’une inauguration il y a quelques jours. « Ce Domaine de la Rose consacre l’ancrage de votre marque dans le berceau de la parfumerie. Un ancrage qui s’inscrit parfaitement dans notre stratégie de développement économique de la filière arômes et parfums. Un ancrage en cohérence avec notre politique de soutien à l’agriculture des plantes à parfum. Un ancrage qui récompense les efforts menés pour préserver et mettre en valeur notre patrimoine. Enfin, un ancrage prestigieux qui nous honore et fera rayonner notre territoire. Dès le début de votre projet, vous avez adopté une démarche respectueuse de cet environnement d’exception et de l’histoire de notre territoire. Cela doit être salué. Ce domaine agricole, pluri centenaire, était certifié depuis de nombreuses années en agriculture biologique. Vous avez su respecter et comprendre ce domaine et mettre en valeur son capital agricole et horticole avec le plus haut niveau d’exigence du respect de l’environnement. Vous vous êtes inscrits avec enthousiasme dans le Contrat de Transition Ecologique de notre territoire en réalisant un inventaire de la biodiversité en lien avec la Ligue de Protection des Oiseaux et l’association SAXICOLA et le bureau d’études LBO environnement ».


Sébastien Guiné