Invasion de l’Ukraine : Quels arguments juridiques avancés par la Russie ?


Droit


10 juin 2022

Retour sur la conférence "Guerre en Ukraine et droit international du recours à la force".

Le professeur Jean-Christophe Martin, directeur de l’Institut de la Paix et du Développement (IdPD) de l’Université Côte d’Azur, est revenu il y a quelques jours lors d’une conférence sur les arguments avancés par la Russie de Vladimir Poutine pour justifier son "opération militaire spéciale" en Ukraine.

Pour le professeur, aucun des arguments russes ne résiste véritablement à l’analyse. La conférence, intitulée "Guerre en Ukraine et droit international du recours à la force : agression et réactions", s’est tenue le 31 mai à Nice, au CUM (Centre universitaire méditerranéen) devant plus de cinquante personnes. En introduction, le Pr Martin a rappelé qu’il fallait distinguer le "jus ad bellum", le droit du recours à la force, du "jus in bello", qui sont les règles et les moyens des méthodes de guerre. Il a également rappelé qu’en vertu de l’article 2, paragraphe 4 de la Charte de l’ONU, il existait une interdiction générale du recours à la force entre États. Mais il y a des exceptions : un mécanisme de sécurité collective, la légitime défense et
l’intervention d’humanité.

Légitime défense ?

La Russie a mentionné la menace que faisaient peser sur elle l’OTAN et l’Ukraine et a alors avancé qu’elle exerçait son droit à la légitime défense pour envahir son voisin. Or, selon le directeur de l’IdPD, pour pouvoir invoquer la légitime défense, l’agression doit être imminente et ni l’OTAN ni l’Ukraine ne représentaient une menace imminente pour la Russie. Cette dernière a également utilisé l’argument de la légitime défense collective, assurant qu’il fallait protéger les Républiques populaires du Donbass, Donetsk et Lougansk, situées dans l’est de l’Ukraine, au nom d’un traité d’amitié, de coopération et d’entraide ratifié le 22 février, au lendemain de la reconnaissance de ces deux Républiques par la Russie. Mais la reconnaissance par l’État russe, trois jours avant l’invasion de l’Ukraine, n’est pas constitutive pour ces États et n’a aucune portée juridique, a assuré Jean-Christophe Martin. D’après lui, l’Ukraine n’a pas perpétré d’agression contre ces deux régions. Avant sa présentation, le Pr Martin, qui est également membre du Laboratoire de droit international européen (LADIE), s’est vu remettre, au nom de Christian Estrosi, la médaille de la Ville de Nice par le Colonel Marie-Christine Fix-Varnier, conseillère municipale déléguée au Monde combattant et au Lien armées-nation.


Sébastien Guiné