Energie : l’Allemagne passera t-elle l’hiver ?


Economie


29 juin 2022

Nos voisins en viennent à regretter d’avoir cessé la production d’énergie nucléaire

Entre pacifisme et écologisme, les nouvelles générations allemandes ont diamétralement tourné le dos à un passé historique qui continue à hanter le pays. Sans doute faut-il voir dans cet encombrant héritage les raisons de l’évolution politique outre Rhin depuis la fin de la seconde guerre mondiale, entre un « plus jamais ça » ayant abouti à un (relatif) désarmement du pays, et un rejet massif du nucléaire même civil dans la population.

Placée sous le parapluie américain et de l’OTAN, l’Allemagne a dormi sur ses deux oreilles pendant 80 ans. Le réveil est brutal, avec la guerre toute proche en Ukraine (à 500 kilomètres à vol d’oiseau) et des forces armées qui en l’état actuel ne feraient pas « le poids » en cas d’attaque de la Russie. Il y a une prise de conscience du pays de Scholtz, qui a brutalement jeté aux orties la doxa jusqu’ici en vigueur pour augmenter l’effort financier afin de doter ses soldats d’armes modernes. Voilà qui était encore impensable il y a six mois, avant l’invasion de l’Ukraine, tant la volonté de paix et de non-intervention était largement partagé dans l’opinion.

Nos voisins en viennent aussi à regretter d’avoir décidé, au lendemain de la catastrophe de Fukushima, de mettre un terme à la production d’énergie nucléaire. Car l’Allemagne a besoin d’énergie, de beaucoup d’énergie, pour faire tourner son parc industriel, et sa dépendance extérieure en la matière devient préoccupante avec les récentes limitations des livraisons de gaz russe. A tel point qu’il est envisagé de fermer des usines cet hiver pour éviter que les particuliers ne grelottent de froid dans leurs logements. Les grands patrons allemands, avec beaucoup de prudence rhétorique, commencent à défendre l’idée qu’il serait souhaitable de ne pas arrêter les trois dernières centrales nucléaires encore en activité mais de poursuivre leur exploitation. Ce que le patron de la CDU a résumé par la formule suivante : « si la France peut exploiter cinquante centrales, nous pouvons aussi en laisser trois en vie ». Une telle phrase aurait provoqué un scandale il y a six mois, aujourd’hui, elle passe comme une lettre à la poste.

On imagine bien que die Grüne, version « hard » des écolos, ne l’entendent pas de cette oreille et qu’ils vont continuer à réclamer la fin des centrales comme promis par Angela Merkel. Ce à quoi ceux qui défendent un « réalisme pragmatique » rétorquent que les centrales à charbon remises en activité sont une catastrophe pour l’environnement…

En appuyant sur le bouton « on » le 24 février, Poutine ne s’attendait sûrement pas à voir l’Allemagne - et au-delà l’Europe - évoluer aussi profondément.

Il a réussi ce que le monde occidental n’osait même pas rêver : parler d’une seule voix, faire face en bloc, élargir l’OTAN, renforcer la coopération économique et militaire. Pour le Kremlin, en termes peu diplomatiques, cela s’appelle un fiasco.


Jean-Michel Chevalier