L’histoire avec des pincettes


Economie


22 juillet 2022

L’edito hebdo de Jean-Michel Chevalier pour ne pas oublier !

Comme une bombe à retardement, des propos tenus en 2013 par Caroline Cayeux en plein débat sur le mariage pour tous lui reviennent aujourd’hui en pleine face. Un passé qui ne passe décidément pas dans une partie de l’opinion, nonobstant le mea culpa public de la ministre des collectivités territoriales envers "ces gens là", expression malheureuse désignant la communauté LGBT.
En plein Tour de France, son rétropédalage sur des propos "stupides" et "maladroits" selon sa propre expression n’ont pas convaincu. Car la virulence de ses déclarations d’origine traduisaient, à l’époque du moins, une conviction profonde que de plates excuses ne sont pas suffisantes à effacer. Leur formulation abrupte fait douter aujourd’hui de la sincérité d’un repentir exprimé sous la pression.
Même au sein du gouvernement, on ne se bouscule pas trop pour voler au secours d’une collègue devenue encombrante et symbolisant l’opposé des valeurs d’ouverture et de tolérance revendiquées par la majorité. Au micro de RTL, Bruno Le Maire a d’ailleurs reconnu que les interventions passées de Mme Cayeux "remettaient en cause un droit pour lequel personnellement, je me suis battu. (...) On doit mettre au cœur du débat politique le principe de l’égalité des droits ".
Si cela ne ressemble pas au baiser de Judas...


Dans l’histoire de France, le cas de Pétain se doit toujours d’être manié avec des pincettes, même si les "choix funestes" qu’il fit pendant la seconde guerre mondiale après avoir été un "grand soldat" de la première l’emportent à l’heure du bilan. Outre la peine de mort (ensuite commuée en prison à vie en raison de son grand âge), il fut aussi sanctionné de l’indignité nationale en août 1945 après trois semaines de procès et sept heures de délibération. Peu suspect de collaboration, le général de Gaulle fit fleurir sa tombe le 11 novembre 1968 pour le 50ème anniversaire de l’Armistice. Georges Pompidou fit de même en 1973, avec cette circonstance particulière que le cercueil de Pétain fut à cette époque kidnappé par des partisans de Vichy qui voulurent l’inhumer dans l’Ossuaire de Douaumont. Valéry Giscard d’Estaing en 1978, puis François Mitterand de 1986 à 1992 firent aussi fleurir la tombe du défenseur de Verdun. Même si ces "hommages" d’anciens présidents de la République alors en exercice à un "grand soldat" ont provoqué un certain malaise, il ne s’est trouvé personne à l’époque, et pour cause, pour twitter à la va-vite une formule choc et forcément réductrice, davantage destinée à faire le buzz qu’à apporter un éclairage historique.
Le 16 juillet 1995, peu après son élection, Jacques Chirac prononça un discours qui fit date en admettant officiellement à l’occasion de la commémoration de la rafle du Vel d’Hiv la responsabilité de la France dans la déportation et l’extermination de Juifs pendant la seconde Guerre mondiale.
Il fallait aussi que cela fut rappelé.


Jean-Michel Chevalier