RET : La transition écologique et l’après Alex au cœur des discussions


Economie


9 décembre 2022

La 17e édition des rencontres économiques territoriales (RET), organisées par l’UPE 06 et la CCI Nice Côte d’Azur, ont eu lieu le mercredi 7 décembre au Palais de l’Europe à Menton.

« C’est un grand honneur et un grand plaisir de vous accueillir à Menton pour ces rencontres  », a déclaré en ouverture Yves Juhel, maire de Menton et président de la Communauté d’agglomération de la Riviera française (CARF). Pierre Ippolito, président de l’UPE06, a estimé qu’il était important pour l’organisation patronale d’être proche de «  tous nos territoires », justifiant plus que jamais ces rencontres initiées par son prédécesseur à l’UPE, Philippe Renaudi, actuel président de la CCI Région et présent à Menton. « Nous sommes Maralpins », a affirmé Pierre Ippolito. Il a ensuite cité le rapport du Giec pour évoquer « le rôle déterminant des activités économiques humaines dans le réchauffement climatique  » et cette «  contrainte immédiate qui s’impose à tous ». « Il s’agit d’ici 2050 d’inventer et de déployer une économie zéro carbone », a-t-il assuré, avant de participer à la première table ronde de ces rencontres économiques territoriales, « Quelle transition écologique territoriale ?  », aux côtés de Jean-Pierre Savarino, président de la CCI Nice Côte d’Azur, d’Yves Juhel, de Marc Javal, directeur général adjoint du Conseil départemental des Alpes-Maritimes qui représentait Charles Ange Ginésy, et de Xavier Pelletier, préfet délégué chargé de la reconstruction des Vallées.
Il appartenait à Jérôme Vandamme, responsable du pôle développement au sein de l’UPE06, de poser les questions et d’être le « maître des horloges ».

« Faire attention »

« Nous devons faire en 8 ans ce qui n’a pas été fait en 32 ans !  », a-t-il lancé au sujet de l’objectif de réduction de 55 % des émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030. Citant l’ADEME, il a rappelé que 15 % des émissions de gaz à effet de serre étaient dues aux collectivités locales et que ces dernières avaient une possibilité d’action sur 50 % de ces émissions.
Pour le préfet Xavier Pelletier, « les collectivités territoriales sont centrales. Elles ont des compétences et peuvent être des moteurs dans l’innovation. L’Etat détermine la voie mais il a à ses côtés les collectivités territoriales. Cette transition se fera dans le cadre d’une unité d’actions ». M. Pelletier a évoqué la planification écologique « France nation verte  », présentée il y a quelques semaines, pour tenter de relever cinq défis environnementaux : réduire les émissions de gaz à effet de serre, s’adapter aux conséquences inévitables du changement climatique, restaurer la biodiversité, réduire l’exploitation de nos ressources naturelles à un rythme soutenable et réduire toutes les pollutions qui impactent la santé. Au sujet des énergies renouvelables, le préfet a expliqué qu’il fallait de l’éolien et du photovoltaïque « mais en ne faisant pas n’importe quoi  ». «  Il faut faire attention à ce que l’on fait », a-t-il assuré, précisant qu’il fallait penser à l’attractivité touristique des territoires. « Toutes les collectivités doivent avoir un comportement exemplaire et aller dans le sens de la lutte contre le réchauffement climatique  », a souligné Marc Javal, rappelant que le Département des Alpes-Maritimes était engagé depuis 2017 dans la transition écologique avec le Green Deal, qui s’articule autour de quatre axes : l’énergie, la mobilité, l’alimentation et la biodiversité.

« Bon sens »

Jean-Pierre Savarino a lui aussi expliqué que la CCI Nice Côte d’Azur œuvrait depuis un certain nombre d’année pour la transition écologique. « Nous devons être dans une économie de bon sens. Chacun a un rôle à jouer. La notion de collectif est essentielle  », a-t-il affirmé, faisant référence, entre autres, au Passeport Transition 06 lancé avec l’association du même nom et l’UPE06 dans le but de former les entrepreneurs locaux à ces enjeux. «  Chaque entrepreneur se doit d’initier une démarche active  », a confirmé Pierre Ippolito. «  Cela coûte plus cher de produire de façon écologique  », a-t-il toutefois reconnu, appelant ainsi de ses vœux des réglementations visant à « ne pas pénaliser les précurseurs  ».
La seconde table ronde était dédiée au projet Avenir vallées, « modèle de concertation pour la transition écologique ?  ». « On poursuit nos réflexions. Sur beaucoup de sujets on est très avancés, notamment sur les mobilités douces », a confié Xavier Pelletier, prenant notamment l’exemple de la ligne de chemin de fer vers Cuneo (voir ci-dessous).

ZAN : « Faire de cette contrainte un atout »


Interrogé sur le Zéro artificialisation nette (ZAN), qui fait peur aux élus locaux, le préfet des Vallées a voulu se montrer rassurant. « On doit changer nos façons de penser. Un exemple concret : on sait que dans nos vallées on a un déficit d’hébergement touristique. Mais on va éviter de construire des hôtels, on va investir des immeubles qui existent, que l’on va transformer en hôtel. Ce ne seront pas des hôtels de luxe mais des hôtels proposant une offre différenciée. Cela permettrait aussi de réamorcer la pompe de l’attractivité du centre bourg des villages. En artificialisant on génère des aléas, surtout dans nos vallées, où l’on cumule tous les risques. Nous pouvons aussi travailler sur les friches industrielles, faire preuve d’inventivité et d’innovation. Il faut transformer cette contrainte du ZAN en atout  ».

La CARF, territoire expérimental


Au cours de la première table ronde, Yves Juhel est revenu sur lasignature récente d’un protocole d’accord entre sa communauté d’agglomération et Veolia, faisant de la CARF le premier territoire expérimental sur la transition climatique. « Nous avons signé il y a un peu plus de trois semaines avec notre partenaire Veolia », a annoncé Yves Juhel. « Pourquoi cette convention ? Notre approvisionnement en eau vient de la Roya, à la suite d’accords après la Seconde guerre mondiale. Depuis la tempête Alex, il y a eu un bouleversement total dans la Roya et il est compliqué d’avoir le même débit. Nous sommes obligés d’aller chercher l’eau à 50, 60 ou 70 mètres. On se heurtait à des autorisations de l’administration italienne », a expliqué le maire de Menton. Le protocole d’accord, qui se transformera prochainement en convention, ne se réduit pas à la gestion de l’eau. « Veolia va expérimenter des recherches en énergies nouvelles », a ajouté Yves Juhel. « J’espère que la CARF sera à la pointe pour les économies d’énergie ». Le protocole d’accord porte également sur les déchets.

Un avenir pour la ligne Nice-Cuneo ?


Pour le préfet des Vallées, il s’agit « d’une opportunité essentielle majeure. C’est une ligne historique  », inaugurée en 1928 et bombardée pendant la Seconde guerre mondiale. Elle a été reconstruite puis remise en circulation en 1979 après avoir « fait payer des dommages de guerre à nos amis italiens ». Xavier Pelletier a ensuite évoqué de « bonnes nouvelles », avec la mise en œuvre récente d’une étude sur cette ligne. « Il faut la moderniser. On circule à 40 km/h, à 10 km/h dans les tunnels, il faut près de trois heures pour faire Nice-Tende ! ». Le préfet voit un autre usage possible : le fret, localement et à l’international (jusqu’à l’Allemagne). «  Il n’y a jamais vraiment d’opérations de fret sur cette ligne, seulement des opérations ponctuelles. Nous allons travailler sur ce sujet. Cela peut permettre d’éviter la circulation de poids lourds dans les Vallées, ce qui n’est pas neutre d’un point de vue écologique ». Les détracteurs de cette ligne évoquent un problème de rentabilité. Pour le maire de Tende Jean-Pierre Vassalo, «  cette ligne doit être refaite. Elle a été conçue pour amener toute l’Europe à la Méditerranée. Elle a été rouverte en 1979 sans ambition. On aurait pu commencer à faire du fret, pour enlever des camions sur les routes. L’Italie s’en est peu à peu désintéressée, elle l’a laissée s’éteindre comme une bougie ». Le maire de Tende fait le pari de l’Europe. « Cette ligne peut servir au transport européen  », assure-t-il, soulignant que la moderniser pourrait permettre de faire Nice-Turin en deux heures.


Sébastien Guiné