MIDEM+ : « Un MIDEM expérientiel, augmenté et collaboratif »


Economie


20 janvier 2023

En retrait pendant la pandémie, le MIDEM (Marché international du disque et de l’édition musicale) a été repris par la Ville de Cannes, qui nourrit pour lui de très grandes ambitions. Le nouveau projet, baptisé MIDEM+, démarre ce jeudi avec une édition « zéro » riche et séduisante. Les détails avec Sophie Mouysset, directrice adjointe de cabinet du maire de Cannes, David Lisnard, chargée de l’événementiel.

Pouvez-vous nous rappeler l’historique de cet événement, dont la première édition a eu lieu en 1967 ?

- Vous faites bien de rappeler la date historique du MIDEM pour dire à quel point c’est une marque forte. C’est un congrès qui a traversé les générations en proposant à tous d’historiques concerts dont tout le monde se souvient. 2019 a été la dernière édition du MIDEM dans sa version traditionnelle, c’est-à-dire un congrès avec un marché et quelques concerts. La pandémie a eu raison de ces éditions présentielles. Nous sommes passés à des éditions uniquement numériques et à partir de là, au sein de RX France, anciennement Reed MIDEM, ils ont eu un repositionnement de groupe, sur l’ensemble de leurs congrès, et ont décidé d’arrêter le MIDEM puisque ce n’était plus rentable pour eux. Cela ne correspondait plus à leur idée de vendre des stands comme avec le MIPIM, le MIPCOM ou le MIPTV.

Sophie Mouysset, directrice adjointe de cabinet du maire de Cannes, chargée de l’événementiel ©AMF

"Le cœur de la musique, ça se passe à Cannes"

Quelle a été la volonté de la Ville de Cannes pour le MIDEM ?

- Le maire de Cannes, David Lisnard, a été extrêmement clair sur le sujet. Et il a eu le nez creux. Quand il a vu ces deux éditions sans présence, il a dit : Je veux conserver le MIDEM, voyons voir ce qu’on peut faire avec RX France. Nous avons donc racheté la marque MIDEM de façon à pouvoir utiliser cette marque forte et essayer d’inventer une nouvelle façon de faire des congrès. Le monde de la musique a une spécificité : il y a, d’un côté, une surconsommation de la musique et, de l’autre, un marché qui s’est complètement réduit. Dans les années 60 à 90, on a vu l’émergence extrêmement forte du disque, en tant qu’objet physique, et de toute une chaîne de création de valeur : producteurs, concepteurs, studios, agents... L’économie du disque était alors très florissante. Mais tout s’est effondré avec la fin du disque, le vinyle puis le CD, et l’émergence de la musique accessible en téléchargement. Malgré la forte consommation de la musique actuelle, les artistes et les labels ne sont pas payés à la même hauteur qu’à l’époque du disque.

"Mettre la création au centre de toutes les réflexions"

A quoi va ressembler ce nouveau MIDEM ?

- Il s’agit d’un MIDEM expérientiel, augmenté et collaboratif. Après avoir racheté la marque, toute l’équipe organisatrice, la Ville de Cannes et le Palais des festivals et des congrès, est allée voir les 25 personnes qui font la musique en France : les majors, comme Universal et Warner, mais aussi les petits labels indépendants, toutes les organisations professionnelles de musique, comme la SACEM et le PRODISS, des producteurs, des artistes, comme Bertrand Burgalat... Nous sommes aussi allés voir des entreprises comme PIANITY, pour la partie NFT et le Metaverse. Nous leur avons ensuite proposé un questionnaire : Quel serait votre MIDEM idéal ? Qui souhaiteriez-vous voir au MIDEM ? Quel est l’avenir de la musique ?... Leurs réponses nous ont permis d’avoir un bon cahier des charges. Ensuite nous avons délégué l’organisation à trois partenaires : HOPSCOTCH, agence internationale événementielle, PIANITY, leader des NFT pour les artistes et PANDA EVENTS, les locaux de l’étape, pour le live. Les professionnels de la musique nous ont dit : tout va trop vite, on a besoin de mieux comprendre ce qu’on doit faire avec le Web3 (Web 3.0, qui, en s’appuyant sur la technologie de la blockchain, éviterait une centralisation des données chez les géants du numérique, NDLR). On a besoin de remettre l’artiste au centre de la musique. De notre côté, nous voulons mettre la création au centre de toutes les réflexions qu’il y aura au MIDEM. Il y a un autre élément : le besoin d’appartenir à une communauté pour les professionnels de la musique est quelque chose d’essentiel. Cette édition zéro, montée en quelques mois, sera une forme de « Davos de la musique », c’est-à-dire que nous voulons réunir le Top 100 des décideurs français et internationaux de la musique. Pour participer, on leur a demandé d’être partie prenante, donc de devenir membres d’une communauté : les MUSEE+ (« music seekers »), c’est-à-dire ceux qui font la musique de demain. Les plateformes musicales en font partie, la SACEM pour la France, le SESAC pour les États-Unis, le PRODISS, syndicat le plus important des professionnels du live, les labels…

Et il y a les concerts…

- Le nouveau MIDEM+ c’est ça : d’un côté donc, un Davos de la musique pour réfléchir à la musique de demain et de l’autre, un MIDEM live très fort : l’expérience avec Jean-Michel Jarre qui va faire des concerts à 360°, le rap et le classique avec cette aventure qu’est Sofiane Pamart, un groupe local avec Hyphen Hyphen emmené par son leader Santa, une rockeuse incroyable. Et il y a aussi l’Orchestre national de Cannes, sous la houlette de Benjamin Levy, et Fatboy Slim, le roi du « Big Beat ». On aimerait que les Cannois et les Azuréens qui viennent aux concerts se disent « Waouh, on a retrouvé le MIDEM  » et que les professionnels présents se disent : « Le cœur de la musique, ça se passe à Cannes ».


Sébastien Guiné