Photos sur le Net : la Cnil veut protéger les internautes


Droit


27 décembre 2012

Une récente étude, commandée par la Cnil, sur la place qu’occupent aujourd’hui les photos dans la vie numérique révèle une ambivalence des comportements et des perceptions des internautes, ainsi que des pratiques très différentes selon les âges. Elle souligne également une demande sociale forte pour la simplification des paramètres de confidentialité.

Les photos, vecteur central du « marketing de soi »

« Les photos occupent aujourd’hui une place centrale dans l’activité numérique des internautes : on les publie, on les partage, on les like, on les commente, on tague ses amis… Elles représentent aussi un véritable enjeu économique pour les acteurs d’Internet », souligne la Présidente de la Commission nationale Informatique et libertés, Isabelle Falque-Pierrotin. L’étude commandée par la Cnil à TNS Sofres [1], confirme le développement de ces pratiques : plus de la moitié des internautes, et 86% des 18-24 ans, déclarent publier des photos sur des sites, blogs ou réseaux sociaux. 54 % des internautes prennent des photos d’abord dans le but de les publier et quatre sur dix utilisent le « tag » (près de 90% des 18-24 ans).
Pour rappel, le « tag » permet d’identifier une personne sur une photo, ce qui l’expose davantage, en améliorant son référencement dans le cadre d’une recherche (50% des internautes actifs sur les réseaux sociaux disent avoir été identifiés sur une photo). « Taguer » une photo n’est donc pas un geste anodin et nécessite par conséquent l’accord préalable des personnes concernées. Or, si 68% des internautes déclarent effectivement demander l’avis des personnes avant de les « taguer », seulement 34% le font systématiquement.
En revanche, l’utilisation de la reconnaissance faciale semble pour l’instant limitée puisque moins de 15% des internautes disent s’en servir (27% pour les 18-24 ans). L’avenir de cet outil est donc encore incertain en terme d’usage. En ce sens l’étude menée dévoile que 41% des internautes trouvent cette technique gênante tandis que 26% la jugent pratique.

L’accord de la personne photographiée, une obligation méconnue

Si 74% des internautes sondés déclarent demander l’avis des personnes photographiées avant de publier leur photo, en réalité seulement 44% le font systématiquement. Et pour cause, « lorsqu’on les interroge sur le type de photos qu’il ne faut pas publier sur Internet, seuls 8% citent celles où apparaissent des personnes qui n’ont pas donné leur accord ».
A ce titre, et afin d’éviter une éventuelle erreur d’appréciation sur ses obligations avant de publier une photographie sur le Net, rappelons que le droit à l’image développé par la jurisprudence française, depuis les affaires des photos volées du fils de Gérard Philippe et de celui de Brigitte Bardot à la Madrague [2], dans les années 60, impose le principe du consentement préalable de la personne photographiée avant toute diffusion publique.
Pour illustrer ce paradoxe, l’enquête relate que 88% des internautes pensent que toutes les photos ne peuvent pas être publiées, alors que dans le même temps 25% des personnes interrogées ont déjà publié une photo pour « se moquer gentiment d’une personne », un chiffre qui atteint 40% chez les 18-24 ans .
Le non respect de cette obligation du consentement préalable n’est en effet pas sans conséquence puisque 43% des internautes disent avoir déjà été gênés par une photo d’eux sur Internet, et ce taux monte à 61% pour les 18-24 ans. De plus, pour 18 % d’entre eux (27% pour les 18-24 ans), la publication de photos a déjà eu des impacts négatifs sur leur vie personnelle et 12 % sur leur vie professionnelle.

Autre enseignement, le droit à l’oubli numérique relève d’un mythe (hélas !) : 80% des internautes estiment que les photos resteront sur Internet, 66% pensent tout de même les supprimer plus tard et 73% jugent que cela sera difficile.

Paramétrage de visibilité, un faux sentiment de maîtrise

Alors que 62% des internautes qui publient des photos disent contrôler avec soin les paramètres de visibilité et 66% prétendent restreindre l’accès à leurs photos pour certaines personnes (connaissances, membres de la famille,…), seuls 31% déclarent bien connaître ces paramètres, 38% savoir exactement qui a accès aux photos ou vidéos publiées d’eux sur Internet, et enfin 60% pensent que les paramètres ne leur procurent pas le niveau de confidentialité souhaité.
Selon l’étude, « les internautes souhaitent donc des paramètres plus visibles et plus faciles à utiliser ainsi que des conseils et des informations pour leur expliquer les bonnes pratiques ».
Au regard de ces résultats, la Cnil entend donc accompagner les internautes « pour les aider à mieux maîtriser la publication de leurs photos » et demander « aux acteurs d’offrir des paramètres simples, visibles et accessibles » qui répondent aux attentes ainsi exprimées. Et vous, quel photographe êtes-vous ? ?Pour le savoir, participez au test sur www.quizphotocnil.fr.


Nicolas Samarcq, juriste, consultant TIC/Cnil