Les désillusions des illusions...


Politique


17 février 2023

L’edito hebdo de Jean-Michel Chevalier

Un riche pétrolier, avant la publication des résultats de sa compagnie, fit venir ses conseillers et leur parla sans témoins. « Gardez-vous, leur dit-il, de vendre l’héritage : un trésor est toujours caché dans le sous-sol. Dans les prochaines années, nos clients auront toujours besoin de gaz et de pétrole, tout le reste n’est que fariboles. Les énergies vertes ne le sont pas tant que ça et il nous faut continuer. Je ne sais pas l’endroit, mais un peu de courage vous le fera trouver, vous en viendrez à bout. Creusez, fouillez, bêchez, ne laissez nulle place où la main ne passe et repasse ». Pour les actionnaires de TotalEnergies qui se partagent des dividendes record, cette fable (arrangée, que La Fontaine me pardonne !) n’en est pas une.


Avec son succès planétaire, le robot conversationnel ChatGPT se retrouve dans toutes les discussions. Il est capable de rédiger un discours, un devoir scolaire ou universitaire, une lettre d’amour à l’être aimé(e) ou de réclamation au percepteur. Sans faire de fautes de syntaxe ou d’orthographe. La startup californienne l’ayant mis au point assure qu’il est fiable à 100 %. Tenez, devant tant de qualités alléguées, on pourrait même lui confier la rédaction d’un édito. Laissons-lui la plume : « Bonjour les amis, moi je ne commets aucune erreur quand je rédige, contrairement à ce pauvre cerveau humain atrophié et à ses terminaisons ridicules que sont de gros doigts qui s’agitent sur le clavier chaque semaine. C’est bien simple, comme toute I.A., comme toute caméra avec reconnaissance facile, je suis infaillible, faillible, faillible... error 404 ». OK, ok. On va quand même reprendre le contrôle à l’ancienne (sans aller jusqu’à la plume Sergent Major), et on évitera de lui confier la clé du code nucléaire…


« La grande muette » désignait autrefois l’armée. Elle se méfiait « des murs qui ont des oreilles » tout autant que des bavardages qui auraient pu trahir des secrets de défense. Aujourd’hui, avec le numérique tout puissant qui a envahi nos administrations, ce sont ces dernières qui restent silencieuses face aux demandes ou réclamations du public. Essayez par exemple d’évoquer le « droit à l’erreur » avec l’Urssaf : vos demandes répétées via le mail du site ne reçoit qu’un accusé de réception automatique vous assurant que votre demande sera traitée dans les meilleurs délais. Il ne se passe plus rien ensuite, vous ne serez pas gratifiés de la moindre réponse, même négative. Idem sur le site impôt.gouv où vos demandes écrites tombent dans un puits sans fond jusqu’au moment où vous ferez intervenir le médiateur. Et là, comme par miracle, vous obtiendrez en trois semaines ce que vous n’avez pas obtenu en… une année et demie. Non seulement la numérisation des rapports avec l’administration écarte 17 millions de Français qui ne maîtrisent pas l’ordinateur, mais en plus il devient de plus en plus difficile d’être reçu « dans les bureaux » pour s’expliquer. La suppression d’un fonctionnaire sur deux continue à faire des ravages…


En républicain attaché à la démocratie, « le pire des régimes à l’exception de tous les autres », je vous laisse le choix de l’adjectif qualifiant le mieux spectacle offert par les députés discutant de la réforme des retraites et je m’en vais, aux temps mauvais, verser une larme aux pieds de Marianne...


Jean-Michel Chevalier