Bail commercial : quelles charges incombent au locataire ?


Droit


11 janvier 2013

La Cour de cassation vient d’effectuer une mise au point utile sur la question des charges que le bailleur d’un local à usage commercial est en droit de récupérer sur le locataire.

Par un arrêt du 3 octobre 2012, la Cour suprême casse une décision de la Cour d’appel de Metz qui, en l’absence de toute clause du bail sur les charges récupérables, avait condamné un locataire commerçant à payer au propriétaire une quote-part des charges d’un chauffage collectif qu’il n’utilisait pas, et ce en se fondant sur les dispositions du décret du 26 août 1987 qui donne une liste des charges locatives. L’arrêt affirme que « le décret du 26 août 1987 ne peut être appliqué à un bail commercial qu’à la condition que les parties soient convenues de lui soumettre la détermination des charges locatives ».

L’arrêt rendu a été largement diffusé, au Bulletin des arrêts de la Cour de cassation, au Bulletin d’information, et il sera analysé dans le rapport annuel de la Cour. La solution affirmée a donc toutes les allures d’une solution de principe qui, face au silence du Code de commerce et du Code civil, privilégie la volonté des parties.

Le silence des codes

Il faut souligner, pour comprendre l’arrêt , que les articles L. 145-1 à L. 145-60 du Code de commerce, contenant ce qu’il est convenu d’appeler le « statut » des baux commerciaux, ne comportent pas de disposition relative aux charges locatives. Cette question reste ignorée par le Code de commerce, lequel définit le champ d’application de la propriété commerciale, la durée des baux commerciaux, leur renouvellement, le refus de renouvellement, la sous-location, le loyer, la résiliation, la déspécialisation et les règles de procédure applicables à ces questions en cas de litige, mais n’aborde pas, en revanche, les aspects plus quotidiens des relations locatives.

A défaut de règles figurant dans le Code de commerce, plus précisément dans le « statut » des baux commerciaux, les règles du Code civil relatives au contrat de bail seraient-elles utilisables ? La réponse de principe est affirmative, mais le recensement des règles susceptibles d’être invoquées pour régler la question des charges locatives est très décevant. Le Code civil ne mentionne à aucun moment les charges locatives, car il n’était pas d’usage, lors de sa rédaction, de prendre en compte, isolément du loyer, les charges engendrées par la propriété et/ou l’occupation d’un immeuble. Il est néanmoins admis que peut être invoqué par le bailleur l’article 1728 du Code civil qui énonce que le preneur est tenu de payer « le prix » du bail ; l’expression couvre le loyer et les charges locatives. Mais, encore faut-il que celles-ci soient définies.

La volonté des parties

C’est donc au final les parties au contrat de bail qui doivent, par une clause de celui-ci, énumérer les charges locatives, et organiser le mode de répartition de ces charges entre bailleur et locataire, et entre les locataires eux-mêmes au cas où ils sont plusieurs. En l’absence de clause particulière du bail, le bailleur ne pourrait pas exiger le remboursement par le locataire de quelque charge ou taxe que ce soit.

Ce rappel permet d’expliquer l’arrêt. La Cour de cassation invoque l’article 1134 du Code civil. Il ne s’agit pas d’une disposition relative aux charges de copropriété. L’article 1134 pose le célèbre principe de l’effet obligatoire du contrat en affirmant que « les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ». En l’absence quasi-totale de dispositions légales, et singulièrement en l’absence de dispositions légales impératives – c’est-à-dire susceptibles de l’emporter sur les volontés individuelles –, il incombe aux parties d’être prévoyantes sur la question des charges récupérables.

Le décret du 26 août 1987 que l’arrêt met à l’écart est un décret d’application de la loi du 6 juillet 1989 sur les baux de locaux d’habitation. Il ne pouvait donc être question de l’appliquer tel quel à un bail commercial. Le fait que la liste des charges locatives figurant en annexe de ce décret soit reproduite dans les ouvrages consacrés aux baux commerciaux ne doit pas induire en erreur. Il ne s’agit que d’une proposition faite aux parties (ou, le cas échéant, au rédacteur du bail) qui peuvent soit recopier tout ou partie de la liste figurant en annexe de ce décret, soit, plutôt (car la liste est longue), renvoyer au décret. C’est ce que dit l’arrêt du 3 octobre 2012 : « Le décret du 26 août 1987 ne peut être appliqué à un bail commercial qu’à la condition que les parties soient convenues de lui soumettre la détermination des charges locatives ».


Bernard Henri DUMORTIER Docteur en droit, avocat au (...)