Avec la Grande Mission, Essyca propose de contrer un « turnover imposé »


Economie


5 mai 2023

Moins impressionnant qu’aux États-Unis, le phénomène de grande démission est toutefois loin d’être anodin en France. Une société azuréenne, Essyca, a trouvé une parade.

«  L’hémorragie est là », confirme Guillaume Andréis, responsable du développement commercial d’Agyca Group, groupe indépendant auquel appartient Essyca. Chiffres à l’appui. Il cite ceux de la Dares (Direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques), selon laquelle 500 000 Français quittent leur emploi chaque trimestre depuis début 2022. Il se réfère également à une étude d’Opinion Way indiquant que 42 % des moins de 35 ans envisagent de quitter leur emploi en 2023. Face à ce constat, aux côtés d’Yvon Grosso, président d’Agyca Group et fin connaisseur du monde des ressources humaines, Guillaume Andréis a décidé de ne « pas rester passif  » et « d’anticiper ce turnover imposé  ». Pour ce projet, ils ont appliqué la méthode du groupe Agyca : « Comprendre, proposer, agir ». Avec la Grande Mission, ils souhaitent offrir aux entreprises la possibilité de «  fidéliser leurs collaborateurs, d’attirer de nouveaux talents et de motiver l’ensemble du personnel  », c’est-à-dire tout ce qui va faire, selon M. Andréis, « la richesse humaine » de l’entreprise, expression préférée aux ressources humaines. Du côté des salariés, ils ont logiquement constaté que les attentes avaient évolué. «  Aujourd’hui il y a cinq items classés par priorité : le sens, l’appartenance, l’estime, la sécurité et le développement. Vingt ans en arrière, ou dix même, il n’y avait qu’un item majeur : la sécurité. Si on avait un emploi stable, on n’allait pas chercher ailleurs. Aujourd’hui, le paradigme a changé », raconte le responsable du développement, ancien chef d’entreprise marqué par le syndrome du «  Patron, il faut que je vous parle », qui se terminait dans la grande majorité des cas par un départ.

Préconisations


La Grande Mission proposée par Essyca est une solution qui se décline en trois étapes : une première phase d’étude et de restitution (un questionnaire d’une quarantaine de questions, totalement anonyme et confidentiel, envoyé à la direction et aux collaborateurs), une deuxième phase de préconisations et une troisième phase de mise en œuvre. Dans le questionnaire il y a 15 catégories de motivation (rémunération, ambiance de travail, sécurité de l’emploi, bien-être…), comparées à la satisfaction. Ce qui est important c’est justement cet écart entre la motivation et la satisfaction car cela permet d’avoir une photographie factuelle, neutre et précise de la situation des collaborateurs par rapport à ce que propose leur entreprise. Guillaume Andréis souligne qu’il ne faut pas confondre stimulation et motivation : « Un flipper dans la salle de pause ou un séminaire à Madrid, c’est une stimulation, pas une motivation ». Le questionnaire a été pensé par une équipe de psychologues du travail. «  L’intérêt est de le faire minimum sur cinq personnes et de le segmenter par fonction (comptabilité, marketing…) ou par unité géographique. Il s’adresse aux TPE, PME, ETI et aux grands groupes  ». Pour la deuxième phase, celle des préconisations, l’équipe d’Essyca «  s’appuie sur la culture d’entreprise, la QVCT (qualité de vie et conditions de travail) et les savoir-faire et savoir-être, détaille Guillaume Andréis. Nous trouvons dedans l’image employeur, la marque employeur, l’employé ambassadeur (qui peut recruter de manière passive d’autres personnes, qui lui ressemblent et qui ont les mêmes motivations que lui), l’épanouissement des salariés et la formation ». La dernière étape « répond aux problématiques de l’entreprise, poursuit-il. Si le marketing social est bon et permet de répondre aux attentes des collaborateurs il n’y a aucune raison que cela se passe mal. Par contre, s’il est à améliorer c’est là qu’Essyca entre en jeu et va pouvoir apporter des solutions innovantes ».

Guillaume Andréis et Yvon Grosso. ©S.G

Introspection

Yvon Grosso, figure de l’engagement patronal azuréen, notamment au sein de l’UPE06 et du MEDEF Sud, confirme que « les relations au travail ne sont plus les mêmes. Cet outil peut être utilisé comme une forme d’introspection, l’occasion de faire le point. Il faut choisir le bon moment. Par exemple, certaines entreprises vont choisir de le faire à l’automne afin de préparer leurs entretiens de fin d’année. L’arrivée d’une nouvelle DRH peut aussi être l’occasion de mettre en place cet outil et de faire un état des lieux ». Pour Guillaume Andréis, « c’est une forme de courage de la part de la direction » et « c’est un outil qui peut être salvateur car il peut permettre de crever l’abcès ». Le questionnaire est disponible en français, anglais et espagnol. Sous une quinzaine de jours, Essyca récupère en principe toutes les réponses et fait ses préconisations en moyenne en 48 heures. La troisième étape est la plus longue car personnalisée, du « sur-mesure ». « Depuis le lancement de la solution en janvier, nous avons approché une soixantaine d’entreprises dans différents secteurs d’activité, confie Guillaume Andréis. Et certaines commencent déjà à finaliser leur accord avec nous ».
La Grande Mission est en marche.

L’historique d’Essyca

Essyca a vu le jour récemment, en 2022, mais elle est issue de trois sociétés spécialisées beaucoup plus anciennes et peut donc revendiquer 30 années d’expertise en ressources humaines au service des entreprises. Essyca est le résultat d’une fusion entre Syncrea Institut, fondé en 1993, d’Essor Conseil, créé en 1996, et Agyca Conseil, qui date de 2008.
Elle se divise en deux entités. Il y a d’abord Essyca Formation, composée de trois pôles (deux pôles formation métiers avec des compétences techniques propres à chaque secteur : le pôle immobilier, banque et assurance et le pôle hygiène et propreté ; et un troisième pôle, formation soft skills, avec des compétences comportementales et qualités personnelles). La seconde entité est Essyca Conseil et prestations RH (audits RH, qualité, bilan de compétences, outplacement, management de projet, stratégie et organisation ; et management de transition). Essyca fait partie de la branche conseil et formation d’Agyca Group. Il existe également une branche emploi composée d’ICEM (Interim, recrutement, CDD, CDI), TPLUS (insertion par le travail temporaire) et TIMS solution (portage salarial). Agyca Group est présent en Région Sud Provence-Alpes-Côte d’Azur et en Ile-de-France avec huit établissements. En 2022, le groupe a réalisé un chiffre d’affaires de 21 millions d’euros et a employé 420 personnes équivalent temps pleins, dont 70 collaborateurs permanents.

« Great resignation », « quiet quitting », « conscious quitting » : De quoi s’agit-il ?

©DR

Le terme de « great resignation » (grande démission) est apparu courant 2021 aux États-Unis pour décrire la situation du marché du travail américain, marqué par la crise liée au Covid-19. En France, selon la Dares, fin 2021 et début 2022, le nombre de démissions a atteint un niveau historiquement haut, avec près de 520 000 démissions par trimestre, dont 470 000 démissions de personnes en CDI. Le précédent record datait du 1er trimestre 2008 avec 510 000 démissions, dont 400 000 CDI.
L’expression « quiet quitting », qui vient là aussi des États-Unis, peut se traduire par démission silencieuse. Elle ne consiste pas à proprement parler à quitter son poste mais à l’occuper en n’allant pas au-delà du strict minimum. L’expression « conscious quitting » (démission consciente, dans le sens de réfléchie) a été théorisée par le Néerlandais Paul Polman, ancien PD-G du géant Unilever et auteur avec Andrew Winston d’un ouvrage intitulé « L’entreprise Net Positive : Un business qui nous veut du bien (Comment les entreprises courageuses prospèrent en donnant plus qu’elles ne prennent) ». « Oubliez la démission silencieuse, nous sommes entrés dans l’ère de la démission consciente », assurait-il mi-février sur son site internet en même temps qu’il diffusait une très large enquête menée auprès de 2 000 Britanniques et 2 000 Américains, intitulée « Baromètre Employé Net Positif  » et sous-titrée : « De la démission silencieuse à la démission consciente ». « Nous avons mené une enquête auprès de 4 000 employés au Royaume-Uni et aux États-Unis (…) Ils veulent consacrer leur temps et leurs compétences à des entreprises qui ont un impact positif sur notre planète et sur nos sociétés et qui sont porteuses d’espoir », écrit notamment Paul Polman dans l’étude. Il relève trois axes d’action pour les entreprises : « faire preuve d’une plus grande ambition quant aux valeurs et à l’impact, mieux communiquer dessus et donner aux employés les moyens de vous aider  ». Cela rejoint les trois items prioritaires mis en avant par Essyca, du côté des salariés : le sens, l’appartenance et l’estime.


Sébastien Guiné