29 septembre 2024
L’édito hebdo politique de Jean Michel Chevalier s’intéresse au ministre de la Justice
Les chimistes sont bien placés pour savoir que les mélanges hasardeux peuvent provoquer des réactions imprévisibles. En dosant son gouvernement au plus juste à droite et au centre, avec une pincée de MODEM, une cuillerée à soupe de LR sur fond de sauce macroniste, Michel Barnier a aussi pris le « risque » d’introduire un électron libre d’esprit dans son équipe. Venu du PS dont il garde la sensibilité tout en étant « Macron compatible », Didier Migaud est le numéro 2 du gouvernement. Le nouveau ministre de la Justice est donc placé hiérarchiquement au-dessus de Bruno Retailleau, le très droitier ministre de l’Intérieur, qui a multiplié depuis son installation à Beauvau des déclarations aussi martiales qu’urticantes aux oreilles de certains, donc celles du garde des Sceaux. Puisqu’en physique les frottements provoquent de la chaleur, Michel Barnier a déjà été obligé de jouer les pompiers entre ses deux ministres régaliens qui vont aimer à se détester. Tout cela sous l’œil goguenard du Rassemblement National et du Nouveau Front Populaire qui attendent leur heure pour siffler la fin de la partie… On ne serait donc pas étonné que Mme Barnier dise à son mari : « mais que diable es-tu allé faire dans cette galère ? »
En prenant ses fonctions place Vendôme, le nouveau ministre de la Justice a hérité de quelques patates chaudes avec lesquelles il devra faire preuve d’imagination pour ne pas (trop) se brûler les doigts. Car le budget de son ministère a été amputé de 500 millions pour 2025 par Bercy, en recherche d’économies pour tenter de limiter le déficit public. Adieu donc le « plan pour la justice » tel qu’Éric Dupond-Moretti l’avait fait adopter, et qui se traduisait par une augmentation sans précédent du budget du ministère. Ce coup de rabot, programmé par Bruno Le Maire avant son départ, aura dès l’année prochaine des conséquences sur le fonctionnement de la machine judiciaire. D’abord en matière de recrutement, avec une progression des effectifs limitée à environ 600 postes équivalent temps plein au lieu des 1 907 prévus dans la loi de programmation. Voilà qui met déjà à mal l’objectif des 10 000 effectifs supplémentaires prévus pour la fin du quinquennat. Ensuite, avec les moyens qui lui seront alloués, la Pénitentiaire devra forcément reporter des projets de construction de prisons (elle y est habituée depuis longtemps) alors que les taux d’occupation sont très élevés et que la France est montrée du doigt par l’Europe à ce sujet depuis plusieurs années.
Le nouveau ministre devra aussi se pencher sur le dossier urgent de la réforme de la justice des mineurs et de la protection judiciaire de la jeunesse en bien mauvais état. De même sur la lutte contre le narcotrafic, dont des faits divers meurtriers récents - y compris à Nice - démontrent toute l’urgence et qui est désormais un sujet politique central, propice aux embuscades et chausse-trappes venues de tous les horizons.
C’est sûr, Didier Migaud, habitué des salons ouatés de la Cour des comptes et de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, ne va pas s’ennuyer à son nouveau poste.
Enfin, si les motions de censure du gouvernement déjà annoncées lui en laissent le temps…
Jean-Michel CHEVALIER