8 octobre 2024
Le 25 septembre, la Nation a rendu hommage aux harkis et aux autres membres des formations supplétives qui ont combattu aux côtés de l’armée française pendant la guerre d’Algérie, de 1954 à 1962.
En 1954, tandis que des Algériens vont rejoindre le front de libération national (FLN) afin de se battre pour l’indépendance de leur pays, d’autres font le choix de la France et rejoignent l’armée française. Ces derniers, pour la majorité des civils armés par la France, ont pour mission d’assurer la sécurité de points stratégiques, de villages ou de zones parfois plus étendues mais aussi de participer à des opérations militaires aux côtés de l’armée française. La fin du conflit se traduit, pour les pieds noirs comme pour les anciens supplétifs – ceux que l’on a pris l’habitude de désigner sous le nom de harkis – par le déchirement, l’exil, ou l’horreur pour ceux restés au pays, jugés traîtres à leur pays.
« Ce furent aussi des moments particulièrement douloureux pour toutes et celles et ceux qui durent fuir leur pays pour rejoindre la France, cette France qui ne sut pas les accueillir, encore moins les intégrer. Écoutons Djillali Sahlaoui, harki de première génération, ancien combattant et victime de guerre, qui s’interrogeait, sur son statut dans ce pays pour lequel il s’était battu et qui n’avait pas su les accueillir dignement, sa famille et lui. Son témoignage participe de notre mémoire collective. Il est une richesse pour nous tous », a lancé Philippe Leonelli.
À 81 ans, Djillali n’a rien oublié : « Ma mémoire reste très vive et très douloureuse sur cette tragédie de la guerre d’Algérie et, je revis ces traumatismes toutes les nuits avec des sueurs froides quand j’arrive à dormir en prenant un, deux, trois somnifères. À 18 ans à peine, insouciant, beau et fort avec une rage de vivre, je suis enrôlé en tant que supplétif de l’armée française, engagé dans une Algérie en pleine tourmente et ébullition pour servir le drapeau tricolore dans le maquis durant 4 ans et demi et combattre le FLN (…).
Je décide de fuir l’Algérie le pays qui m’a vu naître, le pays de mes parents, de mes ancêtres, mes racines, mon village, ma terre, ma ferme, mes arbres, mes oliviers, mes figues, mon puits, ma maison, mes chèvres, mon âne, une jeunesse, des odeurs, des souvenirs heureux. Je suis un harki, un traître de la nation, voilà comment je suis reconnu et considéré en France et en Algérie. Mon cœur saigne toujours avec une mémoire meurtrie, des traumatismes, une blessure physique qui me rappelle chaque jour cette cruelle tragédie (…).
Nous y avons vécu en supportant la faim, la soif, le manque d’hygiène, l’isolement, la solitude, l’inquiétude de ne pas avoir de nouvelles de notre famille laissée en Algérie, le manque de repères, la violence au quotidien, les vols, les cris, les pleurs, l’angoisse, les insultes, sans entrevoir d’avenir. Sans repères, désorientés, sans aide, abandonnés, livrés à nous-mêmes dans ce pays inconnu, ne comprenant que le vocabulaire de guerre, sans connaître la langue, l’écriture, les us et coutumes nous vivions au jour le jour avec l’angoisse du lendemain (...).
« Le 20 septembre 2021, le président de la République prenait la parole devant les harkis et leurs familles. Il demande pardon aux harkis, reconnaît les dommages dont ils ont été victimes, admet qu’ils ont été abandonnés par la France et que certains ont été accueillis dans des conditions indignes en métropole, à partir de 1962. La loi, portant reconnaissance de la Nation envers les harkis et les autres rapatriés d’Algérie, inclut également la réparation des préjudices subis. Elle est promulguée le 23 février 2022.
Il a fallu 60 ans.
60 ans pour permettre à notre pays de porter un regard lucide sur les blessures du passé et pour construire, dans le temps long, une réconciliation des mémoires », a conclu Philippe Leonelli.