10 janvier 2025
Emmanue brancaleoni et Valérie Serra : « Nous souhaitons être là pour tous nos confrères »
À mi-mandat, le bâtonnier et la vice-bâtonnière du barreau de Nice reviennent sur leurs actions de 2024 et ciblent comme axes prioritaires la santé des avocats et l’IA en 2025.
Emmanuel Brancaleoni et Valérie Serra sont déjà fiers d’avoir appliqué ce qu’ils projetaient il y a un an : une disponibilité de tous les instants et une complémentarité exemplaire. « Je suis heureuse de notre entente », confie Me Serra dans un grand sourire, juste après avoir accueilli la promotion 2025. « Nous sommes au palais tous les jours, nous sommes présents sur le terrain », appuie-t-elle. « Nous avons su entretenir cette cohésion, cet esprit d’entraide », se félicite, assis à ses côtés dans la bibliothèque de l’ordre des avocats, Me Brancaleoni. « Sur le plan des actions qu’on a menées, je suis assez fier d’avoir donné aux confrères des outils numériques supplémentaires intégrant de l’intelligence artificielle. Je pense notamment à Juri’Predis (un moteur de recherche de jurisprudence, édité par la Conférence des bâtonniers). Je suis fier qu’on ait relancé le centre de justice amiable », ajoute-t-il. Beaucoup de formations ont été organisées, « avec un accent mis sur les formations pénales dans le cadre du groupe de défense d’urgence », complète Me Serra. Un moment fort de l’année a été la tenue d’un colloque sur Jean Moulin. « La mémoire c’est très important », souligne la vice-bâtonnière, ravie également des nombreuses interventions à la faculté de Droit, en lien avec l’UJA de Nice : « Il est important de donner envie aux étudiants de venir dans notre profession, de démystifier certaines choses ». Ils assurent, au sujet de l’affaire de l’avocat niçois récemment convoqué pour une audition libre par les services de gendarmerie, qu’ils seront « extrêmement vigilants » et « intransigeants sur le respect dû à notre robe ». « Comme toujours, il ne faut pas faire d’amalgame entre un cas particulier et des généralités qui concerneraient les forces de l’ordre », relève Me Brancaleoni, qui considère que « dans le déroulé des faits, le premier à avoir fauté est le gendarme ».
Pour 2025, le binôme prévoit de continuer les actions de communication et de formation, avec une volonté forte, celle d’accompagner les confrères pour qu’ils « apprennent à se servir des outils d’intelligence artificielle, que ce soient les outils génériques ou les logiciels métier ». Me Brancaleoni précise qu’ils réfléchissent à une action sur le modèle de celle du barreau de Paris, qui a offert à de très nombreux avocats des accès à des logiciels d’IA. « Ce n’est pas l’avenir de la profession, c’est maintenant, on n’a pas le choix. L’avocat augmenté n’est pas une option, cela doit devenir un réflexe. On sait que c’est très long parce que c’est un changement de paradigme. Certains risquent de décrocher et il y a derrière tout cela la notion d’égalité des armes. Il faut que tout le monde soit à peu près au même niveau d’outils, afin de rester compétitif ». Autre chantier important pour le bâtonnier et la vice-bâtonnière : la santé des avocats. « Nous souhaitons être là pour tous nos confrères et pour ceux qui souffrent, qui ne prennent pas soin d’eux et qui ne disent rien », avance Valérie Serra. « Nous avons déjà une aide psychologique pour les confrères qui sont en burn-out et il y a aussi des confrères qui sont toujours dans le jus et qui négligent leur santé. Nous aimerions faire une convention avec le CHU de Nice afin que les confrères puissent bénéficier d’un bilan de santé une fois par an », explique-t-elle. « Il vaut mieux prévenir que guérir », rappelle Emmanuel Brancaleoni. « Ce qui est terrible c’est que les avocats le font pour leurs clients mais ils ne le font pas pour eux ». Enfin, ils n’oublient pas que dès le mois de juin ils entreront dans une période de passation avec leurs successeurs. « Nous ferons en sorte que la transition soit la plus fluide possible et nous serons dans l’accompagnement », indique à ce sujet l’actuel bâtonnier.
Interrogé sur le secret professionnel, dont il a beaucoup été question dans le cadre de l’affaire des écoutes dite « Paul Bismuth », Emmanuel Brancaleoni a tout d’abord souhaité rappeler que « le secret professionnel des avocats n’est pas un privilège des avocats. C’est un droit du citoyen. Ce que l’on veut protéger c’est la liberté totale d’un individu dans une démocratie, dans un système judiciaire digne de ce nom, d’être valablement défendu. C’est absolument essentiel. Il n’y a pas de défense véritable sans secret professionnel. Le dossier Sarkozy est emblématique parce que les seuls éléments incriminants du dossier, ce sont les échanges entre Nicolas Sarkozy et son avocat, Thierry Herzog. Si on reste dans cette logique du secret professionnel, cela ne devrait pas pouvoir être utilisé contre lui », affirme le bâtonnier du barreau de Nice. Il estime qu’après la décision de la Cour de cassation, la France, comme cela a déjà pu se produire, pourrait bien être sanctionnée par la Cour européenne des droits de l’Homme. Elle pourrait selon lui rappeler que « quelles que soient les circonstances, le secret professionnel, qui est absolu, doit être préservé ». Il ajoute qu’il y a « une forme d’inquiétude » chez les avocats à ce sujet : « Ce qui est redoutable, dans tous les systèmes, c’est la technique du pied dans la porte. On fait une première encoche dans le principe et après on ne sait pas où l’on s’arrête ».
Depuis ce 1er janvier, les avocats titulaires du CAPA doivent être accompagnés, pendant deux ans, par un avocat référent. Ce dernier, selon le Conseil national des barreaux (CNB) est « chargé de parfaire la formation pratique de l’avocat qu’il accompagne et de l’aider dans son parcours professionnel conformément aux règles et usages définis par le CNB ». « L’idée est de les accompagner dans tout ce qui relève du pratico-pratique, de la vie professionnelle, avec des questions qu’ils n’oseraient pas forcément poser », complète Emmanuel Brancaleoni, qui précise que la liste est établie par le conseil de l’ordre, sur la base du volontariat. « Il y aura un référent pour plusieurs jeunes confrères », ajoute-t-il. « Le risque c’est qu’ils aient un peu le sentiment que l’on veuille les contrôler mais cela n’a pas du tout été pensé comme cela. C’est à la demande, à chaque fois que le besoin se fera sentir. Les problématiques peuvent être très diverses, déontologiques ou pratico-pratiques. Ce sont pour nous des choses qui font partie du quotidien, des petits arbitrages que l’on finit par faire de manière automatique mais qui sont pour eux de vrais sujets » . Valérie Serra ajoute que cela permettra « d’expliquer certaines règles, certains usages ». D’autant que « vous pouvez maintenant vous installer directement en tant qu’avocat. Ce que nous nous ne pouvions pas faire puisque nous avions un collaborant pendant deux ans ».