Migrations estivales : la SNCF veut faire aimer ses gares


Economie


20 août 2013

Avant le train, il y a la gare. Ces lieux de passage, malaimés, négligés, sont en passe de devenir des « lieux de vie », veut-on croire à la SNCF. La compagnie ne s’épargne pas les efforts pour inviter les voyageurs à prendre le temps, à consommer, voire à jouer au piano…

Hall de gare. L’expression a mauvaise réputation. Elle évoque un lieu gigantesque, bruyant et sans âme, où un vent mauvais fait tourbillonner les papiers gras et où les voyageurs pressent le pas. Un lieu surchauffé l’été et glacial l’hiver, où l’on achète un casse-croûte au buffet à un prix prohibitif juste avant le départ. La SNCF aimerait modifier cette image. « Les gares sont des lieux de centre-ville, des points d’intérêt pour le quartier », aiment à répéter les dirigeants de la compagnie ferroviaire. Pour réaliser cette ambition, la SNCF s’est dotée en 2009 d’une branche appelée « Gares et connexions » et a entrepris de rénover les principales gares. Selon Rachel Picard, directrice générale de cette branche, une gare est à la fois « un pôle d’échanges » et un « lieu de vie ». Les voyageurs doivent pouvoir y trouver rapidement l’information dont ils ont besoin et prendre leur temps s’ils sont en avance… ou que le train a du retard. Longtemps, les seules boutiques recensées en gare proposaient des journaux ou des sandwiches. Seuls certains lieux exceptionnels, comme la gare de Lyon et son Train bleu, abritaient une bonne table. Les pharmacies et les librairies ont progressivement fait leur apparition dans les halls. Désormais, on peut aussi acheter des vêtements, des appareils électroménagers, de la petite joaillerie ou des cadeaux à apporter à ses hôtes.

La gare de Lyon a fait l’objet, ces dernières années d’une intense rénovation. Le « hall 2 », le plus éloigné du parvis, a été inauguré fin juin, après trois ans de travaux dont le coût total a atteint les 60 millions d’euros. La verrière, qui date de 1927, a été réaménagée et dotée d’éléments en bois permettant de réguler la température ambiante. Des brumisateurs diffusent une douce fraîcheur les jours de canicule. Au sein du bâtiment s’impose désormais une mezzanine dévolue à la détente qui casse la hauteur sous plafond. Le voyageur qui arrive en avance peut se rafraichir, se restaurer, se fournir chez Fauchon ou Monoprix ou se connecter dans un « business lounge » équipé d’une borne wifi dédiée. Des hôtesses sont là pour l’accueillir. Pour un peu, on se croirait dans un aéroport. « La gare accueille des touristes, des étrangers, des hommes d’affaires », explique Jean-François Camarty, directeur général adjoint d’Elior, un groupe chargé de la commercialisation de l’espace et opérant sur le marché de la restauration, des concessions et des services. Les voyageurs trouvent également un service de conciergerie, que l’on associe généralement aux grands hôtels. On peut y « réserver un taxi à Lyon ou à Marseille, commander un coursier ou une place de théâtre », assure le responsable d’Elior. Désormais, dans les gares, on ne dit plus « échoppe » mais « enseigne ». Elles sont choisies avec soin, parmi les grandes marques qui plaisent au public mais qui rassurent surtout les aménageurs.

Bon pour le commerce

La gare Saint-Lazare, à Paris, est l’une des premières ayant bénéficié de ce traitement. Essentiellement vouée au trafic vers la banlieue parisienne, elle voit passer chaque jour 450 000 voyageurs pressés. Après dix ans de travaux, la verrière avait été rénovée en mars 2012, et pas moins de 80 boutiques ouvertes. La SNCF ne cesse de se féliciter des résultats de cette entreprise commerciale, tout en précisant que les revenus des concessions ne permettent pas de compenser les dépenses liées à l’exploitation de la gare. « Les recettes ne constituent que 15% du budget des gares », indique Guillaume Pépy. Le PDG de la compagnie récuse l’idée selon laquelle les commerces de gare nuiraient à l’activité du quartier. « Plus il y a de commerces, plus la fréquentation progresse. La concurrence entre enseignes est bénéfique », assure-t-il.

Les opérations de rénovation ne se limitent pas aux gares parisiennes. Gares et connexion consacre chaque année « 300 à 400 millions d’euros à la rénovation des gares, et la courbe est ascendante », précise Rachel Picard. Bordeaux, Rennes, Nantes, Nice, Montpellier ou Lille-Flandres font partie des « 80 projets » en cours. Partout, la réappropriation des gares par les voyageurs s’accompagne d’une nouvelle signalétique lancée en mai 2011. La couleur des panneaux, plus grands, a désormais un sens : bleu pour ce qui concerne les trains, vert pour les autres moyens de transport reliés à la gare et jaune pour les services.

Pianos

Les voyageurs sont par ailleurs priés, depuis quelques temps, de se présenter sur le quai au moins deux minutes avant le départ du train. Il s’agit d’éviter les retards dus aux personnes montant à la dernière seconde sur le marchepied mais aussi d’inciter les passagers à prendre davantage leur temps dans la gare. Le temps, peut-être, de jouer une petite mélodie au piano. L’installation, fin 2012, d’un instrument de musique à la gare Montparnasse, puis dans de nombreux autres lieux ferroviaires, a surpris. Guillaume Pépy lui-même n’y croyait pas. Mais les musiciens dilettantes et les mélomanes se sont approprié les pianos et il n’est plus rare, désormais, d’entendre quelques notes lorsqu’on traverse un hall au pas de course.
Sur le site de Gares et connexions, enfin, une application, Gares360, permet de se promener, virtuellement, dans les principales gares de France. Histoire d’admirer le bâtiment. Pour l’instant, seules les gares des réseaux TGV et Intercités sont toutefois répertoriées. Les gares où passent les trains régionaux, les fameux « trains du quotidien », chers à Guillaume Pépy, ne sont pas concernées.


Olivier Razemon