Raid contre les bandits manchots


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15 avril 2014

Robots et logiciels seraient plus performants que l’être humain pour une quantité de taches. Ils se montrent plus disciplinés qu’un soldat spartiate, plus habiles qu’un horloger suisse, plus endurants qu’une cosette asiatique et plus sobres qu’un ascète hindou. Ils peuvent vivre sans salaire, sans congés payés, sans mutuelle de soins, sans pause-café et sans avantages acquis. Ces qualités exceptionnelles sont imputables à un cerveau totalement hermétique aux émotions et expressément dépourvu de conscience – enfin, jusqu’à maintenant. Cela n’empêche pas quelques bugs, bien entendu, vu que leurs créateurs humains ne sont eux-mêmes pas dotés de la perfection divine. A cause de gènes numériques défaillants, des informations secrètes deviennent accessibles à des concierges malveillantes, ou des robots-traders expédient en enfer les indices boursiers, en moins de temps qu’il ne vous faut pour mesurer l’ampleur du désastre. Là se situe le principal défaut de l’intelligence artificielle : elle est imperméable à la valeur de l’argent. C’est-à-dire ignorante du premier commandement des évangiles de notre civilisation.

Les conséquences, on s’en doute, sont incalculables – au moins au sens figuré. Elles ont en tout cas été calculées par des casinotiers teutons, qui viennent de se faire écorner de 10 millions en deux coups de cuillère à pot, ou plus exactement en quelques bras d’honneur des bandits manchots. Car des sorciers espiègles avaient concocté une potion démoniaque, capable de faire cracher le jackpot à chaque mise en jeu. Sans racine de mandragore ni corne de rhinocéros : il suffisait d’actionner certaines touches à un moment précis, pour faire accroire au bandit qu’il était détroussé. Le fabriquant de ces machines à sous venait précisément de découvrir la faille du système, sans encore avoir eu le temps d’y remédier. Si bien que la martingale gagnante aurait bien pu être exploitée grâce aux indiscrétions de ceux qui l’ont découverte. Seulement voilà : pour sophistiqués qu’ils soient, les bandits manchots ne sont pas encore capables de démasquer les cafteurs et les traîtres. Mais ils ont un talent fou pour attirer les pigeons.

La recette du jour

Sorcellerie politique

Dans un mortier télévisé, mêlez intimement une poignée de ragots frelatés, quelques traits de venin vipérin, une louche de bave de crapaud et une plume de blanche colombe. Diluez dans une bonne rasade de fausse sincérité. La potion décimera vos ennemis politiques. Procédez à votre décontamination soignée après usage : cette potion peut dévaster la bonne conscience de celui qui l’emploie.


Jean-Jacques Jugie