16 avril 2014
Les élections au Parlement européen auront lieu dans à peine plus d’un mois. Le moins que l’on puisse dire, c’est que la campagne pour ce scrutin est encore d’une discrétion exemplaire. Est-ce à dire que les grandes factions n’ont pas grand chose à défendre en cette occasion, sinon la litanie ordinaire des poncifs rebattus depuis des lustres ? Telle est l’impression qui domine à l’examen de leur site officiel, qui nécessite l’usage d’un spectromètre de masse pour différencier les positionnements. Est-ce à dire que les grands partis ménagent leurs moyens, sachant que la mobilisation des citoyens est inversement proportionnelle à l’importance de Bruxelles dans leur vie quotidienne ? Encore que les faits pourraient, cette année, démentir les usages bien établis. Selon les sondages récents, ce sont les formations « eurosceptiques » qui ont le plus de faveur dans de nombreux pays. Si cette tendance devait être confirmée, le futur Parlement serait constitué en majorité d’élus opposés au processus d’intégration européenne, et favorables à une stricte limitation des pouvoirs de la Commission. Ce serait assez folklorique, mais finalement sans incidence véritable, vu que les prérogatives dudit Parlement sont plus proches de la figuration que de l’initiative législative.
En tout cas, il est sans doute préférable, pour les formations bien installées, de s’abstenir de toute campagne vigoureuse. Laquelle promet de mobiliser le pékin contre elles, si elle prend la forme de cette interview d’un pilier français de l’institution. Après trois mandats successifs, cet élu du parti majoritaire est considéré comme une « personnalité influente » de la machinerie européenne. Au point d’avoir mérité d’occuper désormais la présidence de sa faction. On peut donc se fier à la profondeur de ses convictions et à la pertinence de ses arguments, pour justifier le bien-fondé de l’Europe communautaire. Aux jeunes gens qui ne comprennent pas à quoi sert l’Union, l’Alsacien délivre un bref exemple qui vaut mieux qu’un long discours. Lorsqu’il était jeune et qu’il voulait « aller à Kehl pour voir les films pornos qui étaient interdits en France, il fallait parfois deux heures et demie pour passer la douane ! On arrivait au cinéma et le film était terminé ! ». Voilà une leçon qui résume tous les traités constitutionnels de la création. Car « Quand on leur explique les choses comme ça, aux jeunes, ils voient tout de suite à quoi sert l’Europe ! ». Merci pour le message allégorique. Avec un idéal aussi élevé, exprimé en des termes aussi peu vulgaires et aussi peu insultants pour le public, les « personnalités influentes » de l’Europe vont assurément mobiliser l’opinion. Contre elles.
Stratégie électorale
Vous êtes un politicien professionnel et à ce titre convaincu par la règle des 80/20. A savoir que 80% de la population est bouchée à l’émeri. Vous devez donc délivrer un message rudimentaire, accessible à une cervelle d’huître. Prenez garde toutefois de ne pas trop en faire. Surtout si 80% de vos électeurs ont un QI supérieur au vôtre.
Jean-Jacques Jugie