L’UE et l’ingénierie budgétaire


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25 avril 2014

On sent bien que les élections européennes approchent. On sent bien qu’il convient de mettre les petits plats dans les grands, afin d’encourager le citoyen à faire bonne figure pour la cérémonie. Et de le convaincre qu’il faut déposer des pétales de roses dans l’urne, alors qu’il s’apprête à y jeter des boules puantes. Tel est du moins le sentiment qui ressort des multiples sondages relatifs aux intentions de vote. Il apparaît ainsi que le pékin européen est un ingrat : il ignore les efforts du conseil de famille pour assurer la prospérité commune ; il néglige la bienveillance de la Commission à l’égard des cousins dans le besoin ; il ne comprend pas que c’est à contrecœur que les intendants de la maison ont imposé l’austérité aux populations. Pour leur bien, évidemment. Le régime est sévère, mais il est juste. La preuve, c’est que les sinistrés d’hier, mis au pain sec et à l’eau claire, retrouvent aujourd’hui une forme olympique.

La Commission vient ainsi de claironner les succès de la Grèce, qui après de longues années d’ascèse et de perfusions financières, « a dégagé un excédent primaire en 2013 ». C’est-à-dire que son solde budgétaire est dans le vert, avant paiement des intérêts de sa dette. Cela valait donc la peine que les Grecs se serrassent la ceinture. Tel est le message adressé par l’Union à ses populations : la souffrance est la voie de la rédemption ; votez pour l’austérité et vous serez sauvé. La réalité est hélas moins hollywoodienne. Comme l’observe cruellement le Wall Street Journal, ce résultat miraculeux a été obtenu grâce à un traitement comptable « sur mesure » des chiffres grecs, afin de « mieux refléter la situation budgétaire structurelle  ». Ont ainsi été éliminées les opérations supposées non récurrentes, comme les concours du pays à son système bancaire – qui ont pourtant déjà eu lieu par le passé et devront se poursuivre à l’avenir. En foi de quoi les contribuables devront payer (beaucoup) pour le maintien à flot de leurs banques, mais leurs subventions compteront pour du beurre dans les statistiques publiques. De fait, en 2013, la Grèce a dégagé un déficit primaire réel de 8,7% de son PIB (12,3% de déficit total). Sa dette représente à la même époque 178% du PIB (contre 159% « seulement » en 2012). Le Grèce n’est donc pas « sauvée » mais continue de s’enfoncer. Les créanciers devront ainsi se faire de nouveau écorner et les Grecs devront percer de nouveaux trous à leur ceinture pendant pas mal de temps. Quant à la Commission, sa propagande devient aussi grossière que celle de l’OTAN à l’égard de l’Ukraine.

La recette du jour

Comptabilité à la carte

Vos affaires sont durablement compromises et vous redoutez le dépôt de bilan. Ne paniquez pas. Adoptez un nouveau plan comptable qui fasse abstraction des dépenses qui vous dérangent. Si cela ne suffit pas, demandez conseil à la Commission européenne : elle est sacrément balèze dans l’ingénierie budgétaire.


Jean-Jacques Jugie