La guerre en ballon (rond)


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30 juin 2014

Nous vivons tous dans la croyance que les grandes stratégies géopolitiques se construisent autour des matières premières. Que le pétrole et le gaz naturel sont autrement plus précieux que le droit international ou les droits de l’Homme. Ce n’est sans doute pas complètement faux, convenons-en. Mais probablement un peu réducteur. Car il est un autre sujet qui obsède les populations de la Terre entière tout autant que leurs dirigeants : la coupe du monde de Football. La chienlit ukrainienne ou la poudrière du Moyen-Orient ne sont que pugilats de cour de récré face à la métaphore guerrière des rencontres sur le gazon brésilien. De petites nations anonymes peuvent défier de grandes puissances avec le même nombre de fantassins, et ambitionner de les vaincre. Onze gaillards et un ballon rond peuvent aisément supplanter des cohortes de diplomates et des bataillons de soldats. Il en résulte nécessairement des conséquences lourdes sur la gouvernance mondiale. Voyez par exemple le Ghana qui vient de mettre en place une commission d’enquête sur la participation du pays au Mondial. Et dans le même temps, le ministre des Sports a pris un carton rouge – il s’est fait virer pour insuffisance de résultats et management défaillant de l’équipe nationale : voilà ce qu’il en coûte de ne pas payer de primes aux joueurs, sous prétexte que l’équipe n’a pris que des raclées.

C’est donc avec une certaine appréhension que l’on attend le résultat des Bleus pour le match de ce soir. Si par extraordinaire – qu’à Dieu ne plaise ! – le Nigéria triomphait de la France, il s’ensuivrait inévitablement un sacré chambardement. Notre ministre des Sports serait limogée, et comme elle n’aime guère les contrariétés, elle ferait porter le chapeau au ministre des Finances, qui a refusé de graisser les crampons de nos équipiers ou de bakchicher l’arbitre. L’affaire remonterait au Premier ministre, qui mettrait en cause le Président, lequel dénoncerait la pingrerie de la Commission européenne. On voit d’ici la cascade de limogeages et de démissions, qui laisserait le pouvoir vacant jusqu’à Bruxelles. Ce serait alors l’occasion pour Michel Platini de briguer l’Elysée, avec Zidane au ministère de l’Intérieur (pour exploiter son inimitable coup de boule). Finalement, il vaudrait peut-être mieux que la France triomphe ce soir. Quitte à ce que le Trésor fasse l’avance des primes à nos valeureux soldats.

La recette du jour

Carrière à crampons

Ne vous interrogez plus sur l’orientation de vos enfants. Inscrivez-les à Sciences Fo. (Sciences Football). Le footeux est le seul professionnel de la planète qui touche une prime avant d’avoir commencé son match. Et pour peu qu’il joue au Nigéria, il encaisse son bonus en liquide.


Jean-Jacques Jugie