Le forfait-jours dans les cabinets d’expertise comptable à revoir


Droit


17 juillet 2014

Dans un arrêt du 14 mai dernier , la Cour de cassation a invalidé la clause de forfait- jours prévue dans la convention collective des cabinets d’expertise comptable et des commissaires aux comptes.

L’affaire concerne une ancienne salariée, cadre dans une société d’expertise comptable, qui avait accepté une clause de forfait-jours. Elle réclamait, néanmoins, 120 000 euros au titre de rappel d’heures supplémentaires, repos compensateurs, congés payés et travail dissimulé. Or, la durée de travail de l’intéressée était fixée, conformément aux dispositions conventionnelles à 217 jours travaillés.

La Cour de cassation donne gain de cause à la salarié, soulignant que « les dispositions de l’article 8.1.2.5 de la convention collective nationale des cabinets d’experts-comptables et de commissaires aux comptes ne sont pas de nature à garantir que l’amplitude et la charge de travail restent raisonnables et assurent une bonne répartition, dans le temps, du travail de l’intéressé, et, donc, à assurer la protection de la sécurité et de la santé du salarié ». L’occasion pour la chambre sociale de rappeler que toute convention de forfait en jours doit être prévue par un accord collectif dont les stipulations assurent la garantie du respect des durées maximales de travail ainsi que des repos, journaliers et hebdomadaires.

Pour la Haute cour, le droit à la santé et au repos figure au nombre des exigences constitutionnelles. Ensuite, les directives de l’Union européenne prévoient que les Etats membres ne peuvent déroger aux dispositions relatives à la durée du temps de travail que dans le respect des principes généraux de la protection de la sécurité et de la santé du travailleur.

Or, en l’espèce, les dispositions relatives au forfait-jour de la convention collective nationale des cabinets d’experts-comptables et de commissaires aux comptes se bornent à prévoir que la charge de travail confiée ne peut obliger le cadre à excéder une limite de durée quotidienne de travail effectif fixée à 10 heures et une limite de durée hebdomadaire de 48 heures ; le dépassement doit être exceptionnel et justifié par le cadre.
La convention laisse à l’employeur le soin de prendre les mesures pour assurer le respect des repos quotidiens et hebdomadaires. Et, le cadre disposant d’une grande liberté dans la conduite ou l’organisation des missions correspondant à sa fonction et dans la détermination du moment de son travail, elle pose le principe d’un examen avec l’employeur, des situations dans lesquelles les dispositions prises par l’entreprise pour assurer le respect des repos journaliers et hebdomadaires n’ont pu être respectées, afin d’y remédier.
Pour la chambre sociale, ces dispositions ne sont donc pas valables : insuffisantes pour garantir que l’amplitude et la charge de travail restent raisonnables et assurent une bonne répartition, dans le temps, du travail de l’intéressé, et, donc, à assurer la protection de sa sécurité et de sa santé.

Insécurité pour les situations passées

La Cour de cassation a déjà invalidé un certain nombre de conventions collectives sur la question des forfaits jours. Ainsi celles des branches Chimie (Cass soc, 31 janvier 2012), Aide à domicile en milieu rural (Cass soc, 13 juin 2012) et Commerce de gros (Cass soc, 26 septembre 2012). Le 24 avril 2013, c’était au tour du dispositif de la convention collective Syntec, au motif , là encore, que ses dispositions n’étaient pas de nature à garantir que l’amplitude et la charge de travail restaient raisonnables et assuraient une bonne répartition, dans le temps, du travail, et, donc, à assurer la protection de la sécurité et de la santé du salarié (Cass soc, 24 avril 2013). Suite à cette décision, le 1er avril dernier, un nouvel accord a été conclu dans la branche.

Problème : les nouveaux accords ne font que sécuriser les situations futures. En un mot, les employeurs concernés ont toujours une épée de Damoclès concernant les situations passées, dans le cadre de la prescription applicable en matière de salaire, soit trois ans.


François TAQUET, avocat, conseil en droit social