Fantasmes de vacances


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28 juillet 2014

A quoi reconnaît-on l’entrée dans la grande période des vacances estivales ? Oui, d’accord : il suffit de regarder le calendrier. Mais on ne veut pas parler ici des évidences, mais de ces petits signes qui font du présent un moment différent des périodes ordinaires. Non, pas le temps qu’il fait : ces jours-ci, la météo comble les jardins potagers mais indispose les vacanciers. Non, pas la faiblesse de l’activité : chez nous, la conjoncture reste dans les choux tout au long de l’année, même si Frère François, depuis sa tour élyséenne, voit poudroyer le Soleil sur les jeunes pousses qui verdoient. Non, pas davantage la trêve dans les conflits nouveaux ou immémoriaux, comme il est d’usage pendant les grandes chaleurs : cette année, il semble que les haines aient besoin de cuire et de recuire afin de rester brûlantes pour l’éternité. Le sapiens a atteint un tel niveau de civilisation qu’il a porté très haut le seuil de la stupidité crasse, et au sommet l’art sophistiqué de la barbarie primale.

Voilà ce qui nous fait dire que les esprits sont en vadrouille : quand on entend des réflexions tout-à-fait inattendues dans la bouche des éminences qui les profèrent. « Nous travaillons trop. Avec trois jours de travail par semaine, nous aurions plus de temps pour nous détendre, pour la qualité de vie ». C’est sûrement vrai. Et qui a tenu des propos aussi hérétiques dans le climat néolibéral ambiant ? Mélenchon ? Besancenot ? L’arrière-petit-fils de Trotski ? Que nenni. On vous le donne en mille : il s’agit du milliardaire mexicain Carlos Slim – deuxième fortune de la planète. Papi Carlos serait-il tombé sur la tête ? En fait, pas vraiment. Il faut lire sa proposition jusqu’au bout : travailler (un peu) moins mais (beaucoup) plus longtemps. Trois journées de boulot de 11 heures par semaine et la retraite à 75 ans (le format est promis à un bel avenir). Ce qui laisse quatre jours pleins qu’il faudra bien occuper : un gisement considérable pour l’industrie du loisir, dans laquelle Slim n’est pour l’instant que modérément investi. Mais ça devrait changer. Avec ce que lui rapporte le téléphone, il pourrait construire, par exemple, une kyrielle de casinos –lesquels sont rares au Mexique. Mais ils ne rapportent pas autant que le trafic de ce que vous savez.

La recette du jour

Rêve mexicain

Vous venez d’entendre une proposition qui vous enchante : ne travailler que trois jours par semaine. Pincez-vous. Si vous étiez bien éveillé, endormez-vous : il s’agit d’un milliardaire qui essaie de bâtir une deuxième fortune sur votre dos. Il ne vous aura pas, mais vous prendrez quand même votre retraite à 75 ans.


Jean-Jacques Jugie