Les nuggets mal famés


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31 juillet 2014

Vous étiez prévenu : les nuggets constituent un danger environnemental redoutable. Pas aussi redoutable que les centrales nucléaires japonaises, mais pas loin. Dès avril 2006, le journal metro sonnait l’alerte : « Greenpeace accuse McDonald’s et le géant américain du soja Cargill de "saccager" les forêts amazoniennes en y cultivant le soja nécessaire à alimenter les poulets qui finiront en nuggets ». Pour oser une affirmation aussi péremptoire, il faut être en mesure d’identifier un poulet à nuggets. En fait, c’est assez facile : il s’agit d’un volatile, ou quelque chose s’en approchant, qui se compose principalement de peau, de cartilage, d’os et de gras (de poulet, s’entend). Car la chair de poulet est souvent minoritaire, tout particulièrement dans les nuggets de large marché commercialisés aux Etats-Unis – que l’on se rassure, c’est nettement mieux chez nous. Ainsi donc, Greenpeace regrettait alors que les géants de l’agroalimentaire détruisissent la biodiversité d’une forêt multimillénaire au profit de la culture intensive de soja – transgénique, bien entendu –, destiné à engraisser des candidats à la nuggetisation – un processus qui ne suscite manifestement pas l’enthousiasme des écolos. Le deuxième trait caractéristique du poulet à nuggets, c’est d’être (mal) élevé en Asie. En Chine, tout particulièrement, où le « socialisme de marché » excelle à trouver de la valeur ajoutée dans des produits innovants : le lait pour bébés, aussi mélaminé qu’une table en formica des années 50, ou le « minerai de poulet » exclusivement destiné à la confection de nuggets, provenant quelquefois du recyclage d’entrailles périmées depuis la fin de la Dynastie Qing (ou un peu après…)

Greenpeace peut faire la nouba : Cargill va cesser de nourrir les volailles asiatiques avec du soja amazonien. Car le fabricant chinois de minerai de poulet s’est fait prendre la main dans la poubelle avant de se faire virer, et tout le monde doit se confondre en excuses hypocrites. Désormais, McDo va directement gaver ses clients avec le soja en cause – sous forme de tofu, un fromage de lait de soja, qui sera mélangé à du « minerai de poisson », par exemple, ainsi nommés les raclures de fonds de filets des pêcheurs (avant leur pourrissement intégral). Vous devrez attendre votre prochain passage à Hongkong, où se déroule l’expérience, pour mesurer la contribution de ces nouveaux nuggets à la gastronomie internationale. Mais pour l’écologie, désolé : ce sera comme avant, en Amazonie, pour les champs de soja. En revanche, les camps de concentration chinois pour poulets-nuggets se libèrent. Ils sont d’ores et déjà proposés à la location.

La recette du jour

Nugget et écologie

Nous n’avez jamais été tenté par les nuggets de poulet. C’est compréhensible. On ne serait pas surpris d’apprendre, un jour prochain, que le minerai de poulet est extrait des récifs chevalins de Hollande, affiné dans les usines à cassoulet du Sud-Ouest avant d’être expédié dans les nuggeteries chinoises. Toute cette gabegie de CO2 en chemin, ce n’est vraiment pas écolo…


Jean-Jacques Jugie