Coué de bois, Coué de fer...


Billet du jour


21 mai 2010

Les autorités disposent de plusieurs moyens pour tenter de conjurer une crise. La poupée vaudou est assez réputée, mais on ne trouve pas facilement le matériel approprié dans les ministères. La gousse d’ail n’est pas mal non plus, mais aucune éminence ne veut s’imposer une haleine de furet. Reste donc la magie du verbe, dont l’efficacité n’est hélas pas garantie. Ce matin, par exemple, sur le canal d’Europe 1, notre fringant ministre du budget est venu nous rassurer : "Nous sauverons coûte que coûte la monnaie unique parce que c’est notre bien commun" a-t-il martelé, la mèche en bataille. Pourquoi donc, l’euro est malade ? Meunooon : "L’euro n’est pas en danger parce qu’il y a cette détermination très forte" a-t-il ajouté. Ah bon, on se sent mieux : l’euro est tellement peu en danger que les 16 Etats concernés s’emploient à le « sauver coûte que coûte » – bien qu’ils n’aient plus un sou vaillant. On se demande ce qu’ils feraient s’il y avait le moindre danger : la bombe atomique ? Sans vouloir médire, M. Baroin, ce discours ressemble à du baragouin.

Dans la foulée, le président de l’Autorité des marchés financiers, dont l’autorité n’empêche pas les marchés de s’enliser, rajoutait une louche de confiance sur France Info : "C’est vrai que les Bourses ont dévissé mais que dans le même temps, l’euro a remonté, ce qui montre bien que nos partenaires asiatiques, mais aussi américains, ne vont pas laisser cette devise aller et flotter comme on le croit ou comme certains le croient". En effet, le rebond de l’euro ce jour est imputé à une intervention concertée des grandes banques centrales. Ce qui prouve que l’euro n’est pas en danger, évidemment. Mais peut-être est-il temps d’éclairer la lanterne de M. Jouyet : voilà longtemps que les monnaies « vont et flottent ». Telle est, sans qu’il soit besoin d’y croire, la règle commune en système de… changes flottants.

Le pompon revient toutefois au Gouverneur de la Banque centrale autrichienne. Dans un journal du cru, Ewald Nowotny déclare : "La BCE ne souhaite pas des taux de changes volatils, mais le cours actuel de l’euro face au dollar se situe à l’intérieur de sa bande de fluctuation historique". Bon, on comprend le souhait de la Banque : que l’euro flotte pépère peinard et qu’il ne tangue pas trop. Mais pas d’inquiétude : le cours reste dans « sa bande de fluctuation historique ». Bien vu, Ewald : les bornes de la bande historique sont respectivement de 0.83 et 1.61 contre dollar. A 1.25 aujourd’hui, il y a de la marge… Seule bonne nouvelle : le cours de la méthode Coué est en hausse. Mais Coué de bois, Coué de fer, s’ils mentent, nous irons en enfer.


Jean-Jacques Jugie