Le crowdfunding s’ajoute aux autres modes de financement


Economie


1er octobre 2014

Certains n’ont pas attendu le décret d’application sur les nouvelles règles du crowdfunding et ont démarré dans le cadre juridique existant. Rencontre avec des plateformes actives, qui ont déjà levé ensemble 150 millions d’euros, et une entreprise qui y a eu recours, lors d’une table ronde organisée par l’AJPME.

Le décret d’application concernant les nouvelles règles du jeu du crowdfunding a été signé le 16 septembre, pour une entrée en vigueur ce 1er octobre. Il encadre les conditions d’immatriculation des « conseillers en investissement participatif » et des « intermédiaires en financement participatif » sur le registre des intermédiaires financiers. Mais certains n’ont pas attendu pour se lancer dans le crowdfunding pour les entreprises, s’inscrivant dans le cadre légal déjà existant. Témoignages, lors d’une matinée de débats organisée par l’AJPME (Association des journalistes PME), le 23 septembre à Paris.

Quelques chiffres, tout d’abord : cette année en France, les plateformes de crowdfunding vont récolter environ 150 millions d’euros, d’après les estimations de Financement Participatif France, association qui regroupe ces professionnels. « Il y a un doublement de la collecte d’une année sur l’autre. La tendance est spectaculaire, il y a un appétit grandissant des financiers et des porteurs de projet », explique Nicolas Lesur, président de l’association et fondateur de Unilend, une plateforme de crowdfunding. Déjà, le cap du million de Français ayant participé au financement, sous une forme ou une autre, a été dépassé.« Au-delà de l’effet mode, il y a le développement d’une tendance forte, avec l’économie collaborative. Il faut repositionner le crowdfunding dans ce courant là. Et à cela s’ajoute une certaine défiance envers l’ intermédiation financière qui existe depuis la crise de 2008 », complète Isabelle Savel présidente de Wiseed, une autre plateforme. Et pour Nicolas Lesur, « le fait que nos plateformes progressent montre que cela correspond à un besoin mal comblé sur le marché ».

L’autocariste et la start-up innovante

Sur Unilend, actif depuis novembre dernier, les TPE et les PME peuvent emprunter directement auprès d’individus ou d’autres entreprises. Au total, 2 000 prêteurs ont fourni 4,5 millions d’euros à une cinquantaine d’entreprises. En moyenne, celles-ci cherchent 80 000 euros. Elles proviennent de tous les secteurs, du fabricant de drones, à l’entreprise de bâtiment, en passant par un autocariste, ou un chimiste, et ce dans toute la France. « Ici, on répond aux besoins lambda de l’économie », commente Nicolas Lesur.

Coté prêteurs, ce sont à 80% des particuliers, pour l’essentiel des hommes, et plus de la moitié de moins de 40 ans. Le dispositif prévoit des prêts simples, entre 24 et 60 mois et amortissables mensuellement. Le plus gros prêt enregistré par la plateforme s’élève à 250 000 euros. Mais la moyenne s’établit beaucoup plus bas, à 400 euros, et celle du taux d’intérêt, à 9%. Avant d’être proposés, les projets passent par un processus de sélection. « On retient 5% des dossiers », précise Nicolas Lesur. Sur la plateforme Wiseed aussi, le processus de sélection est sévère. Mieux, les internautes qui participent pour partie. Après une pré-sélection par l’équipe de la plateforme, des projets sont mis en ligne pour être soumis au jugement des internautes qui les notent et prononcent des intentions d’investissement. La plateforme, ouverte en 2009, a levé au total 9 millions d’euros qui ont été distribués auprès d’une quarantaine de startups. Ici aussi, « on est sur des progressions très fortes », commente Isabelle Savel, présidente de Wiseed. Et pour elle, la plateforme intervient dans un secteur qui souffre d’un manque de financement : le moment de l’amorçage, même si la récente création des fonds d’investissement d’amorçage améliore la situation. « Nous avons l’ambition de démocratiser l’investissement dans les PME non cotées, auprès des particuliers, alors que cette démarche était réservée aux business angels », ajoute-t-elle.

Formules de financement mixtes

Sur la plateforme, des dispositifs ont été spécifiquement conçus en ce sens : jusqu’à 150 investisseurs peuvent être réunis en holding, laquelle disposera d’un représentant dans l’entreprise financée à hauteur de 5 à 25% de son capital . Une formule qui « facilite le co-investissement », par exemple aux cotés de fonds d’investissements ou de business angels, ajoute Isabelle Savel.

Par ailleurs, Wiseed lui même investit aussi dans les entreprises. « C’est le support d’une approche où, au-delà du financement, on considère que notre rôle est d’ accompagner la startup dans sa vie », explique Isabelle Savel, elle-même à la tête d’un réseau de business angels. Et si à l’arrivée, les résultats financiers sont loin d’être garantis pour les investisseurs, « c’est le financement de l’amorçage qui est risqué, pas le crowdfunding en soi », insiste Isabelle Savel. Chez Wiseed, les prêteurs sont plutôt des hommes, jeunes (moins de 45 ans). Le ticket minimum part de 100 euros et celui moyen atteint 2 800 euros. Les souscripteurs investissent en général deux fois dans l’année. Ce sont eux qui ont ainsi permis à Vincent Viaud, président de Pur etc de financer le développement de son projet de restauration rapide à base de produits locaux, de saison et si possible, bio. Pour son premier financement qui visait à développer une enseigne, Vincent Viaud, a eu recours au système bancaire. « C’était très compliqué », se souvient le jeune entrepreneur, qui est tout de même parvenu à cumuler, en tout, un capital de 150 000 euros. Après des premiers succès, pour développer l’entreprise, il a préféré se tourner vers Wiseed et a levé 200 000 euros. « Au final, cela a permis un effet de levier avec la banque : on a doublé la somme », explique Vincent Viaud. Puis, au printemps dernier, Pur etc est reparti pour un tour sur la plateforme, levant cette fois ci plus de 400 000 euros, abondés par la suite par des banques privées et Bpifrance, banque publique d’investissement. Pour Isabelle Savel, il y a de la place pour tous les financeurs. « Les besoins sont énormes. Il est nécessaire de mobiliser toutes les ressources de financement », estime la présidente de Wiseed.


Anne DAUBREE