DIRIGEANT : gare à l’abus de biens sociaux !


Droit


13 octobre 2014

Les Notaires vous informent - Lors d’une sortie entre amis, vous avez réglé la note sur le compte de votre entreprise ? Votre épouse vous accompagne dans vos déplacements à l’étranger, aux frais de la société ? Elle n’y occupe aucun poste mais qu’importe. Ces pratiques apparemment banales sont pourtant constitutives d’un délit lourdement sanctionné : l’abus de biens sociaux (ABS).

Selon la loi, commettent un abus de biens sociaux, « les présidents, gérants, administrateurs qui, de mauvaise foi, font un usage des biens ou du crédit de la société dans un intérêt contraire à celle ci, à des fins personnelles ou pour favoriser une autre société ou entreprise dans laquelle ils sont intéressés directement ou indirectement. »
Ces dispositions sont applicables aux sociétés françaises de type SA, SARL, EURL, SAS (unipersonnelle ou non), les sociétés d’exercice libéral, sociétés en commandite par actions. Sont également concernées les sociétés d’assurance quelle que
soit leur forme, les sociétés de construction, les coopératives, certaines sociétés d’économie mixte, les sociétés civiles de placement immobilier et enfin les caisses d’épargne.

La société et son dirigeant :deux personnes et deux patrimoines distincts

« C’est le patrimoine de la société que la loi a voulu protéger contre les agissements abusifs de ses dirigeants de droit mais aussi de fait, comme un mandataire, par exemple » souligne Maître Sabine Debusigne, Notaire
« La forme sociétale crée une barrière étanche entre le patrimoine de la société et celui des associés. »

Malgré cela grande est la tentation de la confusion, alors comment éviter un ABS ?

Les trois conditions de l’abus de biens sociaux :

L’usage, l’intérêt contraire à la société, les fins personnelles .

L’usage
 : Il n’est pas nécessaire qu’il y ait volonté d’appropriation définitive, un prélèvement temporaire suffit. Ainsi, un chef d’entreprise qui avait perçu des sommes dues à la société, puis les avait remboursées a-t-il été condamné. La compensation n’efface pas le délit.

L’intérêt contraire : il s’examine au regard des statuts et de l’objet social. Un problème s’est posé pour l’utilisation de fonds sociaux dans le but d’obtenir un avantage futur pour la société « Une telle utilisation ayant pour objet un délit, la corruption, est contraire à l’intérêt social de la société et porte atteinte à son crédit et à sa réputation » précise Maître Debusigne

Les fins personnelles
 : Elles peuvent être directes, c’est le cas du gérant qui s’octroie des rémunérations excessives ou sans exercer d’activités ou du président d’une SA faisant payer ses dépenses personnelles de voyages et ses honoraires d’Avocat à la société. Elles sont indirectes lors que le dirigeant signe des traites fictives pour venir en aide à une société amie.

Le cas particulier des groupes de sociétés

Ne constitue pas un ABS, l’acte accompli, non dans l’intérêt de la société, mais dans celui du groupe à la condition que les sociétés appartiennent au même groupe, que l’opération qui a justifié l’acte soit dictée par un intérêt économique, social ou financier commun au groupe, et, bien évidemment, que la rémunération versée ne soit pas excessive ou dépourvue de contrepartie.

Prescription et dissimulation

« D’une certaine manière, l’abus de biens sociaux est un délit quasi imprescriptible puisque la prescription triennale ne court qu’à compter du jour où les faits sont apparus et ont pu être constatés. Et ce n’est pas toujours au moment de la présentation des comptes annuels », remarque Maître Debusigne. Ainsi, les comptes doivent être suffisamment révélateurs et ne pas dissimuler les opérations abusives ». Généralement les faits sont dénoncés par le nouveau gérant, un associé, un salarié,
un concurrent, voire des tiers insatisfaits. Mais attention, si ces personnes ont bénéficié des actes, elles peuvent être poursuivies pour recel d’abus de biens sociaux.

Des sanctions particulièrement lourdes

Le dirigeant, président ou administrateur qui s’est rendu coupable d’abus de biens sociaux risque une peine d’emprisonnement de cinq ans assortie d’une amende de 375 000 euros. Cette sanction sévère peut être assortie d’une interdiction d’exercer une activité commerciale ou de diriger une société de manière définitive ou pour une durée de dix ans au plus. En outre, depuis 2013, le juge est également susceptible de prononcer l’interdiction des droits civiques et de famille à titre de peine complémentaire. Il faut ajouter que les actionnaires ont la faculté d’exercer une action civile au nom de la société victime des agissements de son dirigeant et/ou de ses administrateurs. Cette action dite action sociale ut singuli peut donner lieu à des dommages et intérêts.


Service Rédaction