Vidéoprotection et lecture automatisée des plaques d’immatriculation : pas pour les communes !


Droit


15 octobre 2014

Numérique - Collectivités-
Pour la Cnil, saisie d’une demande d’autorisation par une commune , les services de police municipale ne font pas partie des autorités légalement habilitées, à mettre en œuvre un dispositif de lecture automatisée des plaques d’immatriculation.

Le dispositif LAPI, un système de « Lecture automatisée des plaques d’immatriculation » des véhicules permet d’analyser les flux vidéos issus de boîtiers de prise de vue afin de capturer et de lire en temps réel les plaques d’immatriculation des véhicules passant dans le champ des caméras de vidéoprotection. La Commission nationale de l’Informatique et des Libertés (Cnil) a été saisie, par la commune de Gujan-Mestras, en Gironde, d’une demande d’autorisation concernant un dispositif de vidéoprotection couplé à un système LAPI. Ce type de traitement est effectivement soumis à une demande d’autorisation préalable de la Cnil, dans la mesure où les enregistrements du dispositif de vidéoprotection installé sur la voie publique sont utilisés dans des traitements automatisés permettant d’identifier, directement ou indirectement, des personnes physiques (article L. 252-1 du code de la sécurité intérieure).

Mis en œuvre par la police municipale de Gujan-Mestras, le dispositif visait à collecter et enregistrer dans une base de données les plaques d’immatriculation de tous les véhicules empruntant la voie publique filmée, ainsi que la photographie de ces véhicules et leur horaire de passage. Ces données, conservées pendant 21 jours, devaient alors être mises à disposition de la gendarmerie nationale, sur réquisition judiciaire, afin d’identifier des auteurs d’infractions.
Dans le cadre de l’instruction de cette demande d’autorisation, la Cnil, rappelle, dans un premier temps, que seuls les services de police et de gendarmerie nationales, ainsi que ceux des douanes, peuvent mettre en œuvre des dispositifs fixes ou mobiles de contrôle automatisé des données signalétiques des véhicules prenant la photographie de leurs occupants, en application des articles L. 233-1 et L. 233-2 du Code de la sécurité intérieure.

De surcroît, les finalités pour lesquelles de tels traitements peuvent être mis en œuvre concernent uniquement la prévention, la constatation et la répression d’infractions particulièrement graves, ainsi que, à titre temporaire, la préservation de l’ordre public (art. L. 233-1 du code de la sécurité intérieure).
Ainsi, en l’état actuel de ces dispositions, les services de police municipale ne font pas partie des autorités légalement habilitées, à mettre en œuvre un tel dispositif de contrôle automatisé des plaques d’immatriculation. Dès lors, en l’absence de base légale, la Cnil ne pouvait donc que rejeter la demande d’autorisation de la commune de Gujan-Mestras .

Collecte disproportionnée

Enfin, dans la perspective d’éventuelles évolutions législatives, il est utile de reprendre les observations de la Commission sur ce projet de traitement afin d’analyser si au fond, il respectait les principes fondamentaux de la loi Informatique et Libertés du 6 janvier 1978 modifiée.

A ce titre, la Cnil relève, en effet, que l’éventuelle mise à disposition, sur demande ponctuelle et sur réquisition judiciaire, des données enregistrées dans un tel traitement ne saurait constituer une finalité déterminée, explicite et légitime, comme l’exige la loi Informatique et Libertés. Ce, dans la mesure où ces autorités constituent des tiers autorisés à accéder, dans le cas d’une procédure judiciaire, à tout traitement de données utile à la manifestation de la vérité.

De même, la mise en œuvre d’un tel dispositif pourrait conduire, estime la Cnil, à identifier tous les véhicules - et par conséquent leurs occupants - empruntant la voie publique pour entrer ou sortir du territoire d’une commune. Cette collecte massive de plaques d’immatriculation et de photographies des véhicules, sans justification particulière, constituerait, par son caractère excessif, un manquement au principe de proportionnalité de la loi (un traitement ne peut porter que sur des données à caractère personnel adéquates, pertinentes et non excessives au regard des finalités pour lesquelles elles sont collectées et de leurs traitements ultérieurs).
Enfin, la Cnil rappelle que les dispositions législatives précitées du Code de la sécurité intérieure limitent la durée de conservation des données signalétiques des véhicules et de la photographie de leurs occupants à huit jours, sauf en cas de rapprochement positif avec les traitements automatisés des données relatives aux véhicules volés ou signalés, ainsi que le système d’information Schengen sur les personnes recherchées. Elle considère que toute durée de conservation supérieure serait dès lors contraire aux dispositions de l’article 6-5° de la loi Informatique et Libertés.
C’est au regard de ces motifs, que la Commission a ainsi refusé la mise en œuvre, par la commune de Gujan-Mestras, d’un traitement automatisé ayant pour finalité le contrôle des données signalétiques des véhicules collectées à partir de caméras de vidéoprotection.


Nicolas Samarcq, juriste, consultant Informatique et (...)