Cessions d’entreprises et information des salariés : des précisions


Droit


4 novembre 2014

Un décret du 28 octobre permet l’entrée en vigueur du droit d’information préalable des salariés, en cas de projet de cession de leur entreprise, instauré par la loi Hamon relative à l’Economie sociale et solidaire.

La loi n° 2014-856 du 31 juillet 2014 relative à l’Economie sociale et solidaire (ESS) rend obligatoire l’information des salariés en cas de projet de cession pour les PME de moins de 250 salariés. Ces dispositions ne s’appliquent toutefois pas si la cession de l’entreprise est causée par une succession, la liquidation du régime matrimonial, la vente à un conjoint, à un ascendant ou à un descendant et si l’entreprise fait l’objet d’une procédure de conciliation, de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire.

Plus précisément, le texte prévoit que dans les entreprises de moins de 50 salariés, dépourvues de comité d’entreprise, lorsque le propriétaire d’un fonds de commerce veut le céder, les salariés en sont informés, au plus tard dans les 2 mois avant la cession, afin de permettre à un ou plusieurs salariés de l’entreprise de présenter une offre pour l’acquisition du fonds.

La cession peut toutefois intervenir avant ce délai dès lors que chaque salarié a fait connaître au cédant sa décision de ne pas présenter d’offre. Les salariés sont informés et tenus à une obligation de discrétion s’agissant des informations reçues, sauf à l’égard des personnes dont le concours est nécessaire pour leur permettre de présenter une offre de rachat. Ils peuvent notamment se faire assister par un représentant d’une chambre de commerce et d’industrie (ou d’agriculture ou d’artisanat). La même disposition est prévue lorsque que c’est un actionnaire détenant plus de 50% des parts sociales du capital d’une entreprise qui entend les céder. Le représentant légal doit notifier, sans délai, aux salariés cette information, en leur indiquant qu’ils peuvent présenter une offre d’achat. La cession peut être annulée dans les deux mois à la demande d’un salarié, si ces conditions n’ont pas été respectées.

Dans les entreprises de 50 à 249 salariés dont le chiffre d’affaires n’excède pas 50 millions d’euros pour un total de bilan ne dépassant pas 43 millions d’euros, l’exploitant qui souhaite céder son fonds de commerce doit en informer, et consulter, le comité d’entreprise (article L.2323-19 du Code du travail).

Il devra aussi, au plus tard en même temps, informer les salariés par tout moyen, de son intention de cession, en leur précisant qu’ils peuvent présenter une offre de rachat. Si ces dispositions ne sont pas respectées, la cession intervenue peut être annulée à la demande de tout salarié, dans les deux mois suivant la publication de l’avis de cession. Là encore, les salariés sont tenus à une obligation de discrétion sur les informations que leur transmet le chef d’entreprise et peuvent se faire assister par un représentant d’une CCI (ou chambre d’agriculture ou d’artisanat). Les mêmes dispositions s’appliquent aux entreprises de 50 à 249 salariés dont un actionnaire veut céder une participation représentant plus de 50% des parts sociales. La cession intervenue sans information du personnel peut être annulée si un salarié le demande dans les 2 mois suivant soit la publication de l’avis de cession du fonds de commerce, soit la publication de la cession de la participation au capital ou la date à laquelle tous les salariés en ont été informés.
Les organismes patronaux se montrent violemment opposés à cette réforme. Ils estiment qu’une disposition législative instaurant une contrainte légale, uniforme quelle que soit la taille ou l’activité de l’entreprise, s’avère absolument inopérante et donc dangereuse. En revanche, pour la secrétaire d’Etat au Commerce et à l’Economie sociale et solidaire, Carole Delga « il était important de donner ce droit aux salariés (...) », alors qu’on compte « au moins 26 000 suppressions d’emplois faute de repreneurs pour des entreprises qui sont saines », argumente t-elle.

Modalités de l’information

Le décret n° 2014-1254 du 28 octobre 2014 précise sous quelles formes les entreprises commerciales de moins de 250 salariés devront avertir leur personnel, à partir du 1er novembre et, au plus tard, deux mois avant toute cession du fonds de commerce ou de la majorité des parts sociales. Cette information pourra être effectuée par courrier recommandé ou mail avec accusé de réception, par affichage, remise en main propre, acte extrajudiciaire, au cours d’une réunion ou « par tout autre moyen de nature à rendre certaine la date de réception ». L’article D 23-10-1 du Code de commerce prévoit que le délai de deux mois s’apprécie au regard de la date de cession, « entendue comme celle à laquelle s’opère le transfert de propriété ». Les salariés devront respecter une obligation de discrétion sur les informations ainsi délivrées, « sauf à l’égard des personnes dont le concours est nécessaire pour leur permettre de présenter au cédant une offre de rachat ».
Selon le guide que le ministère de l’Economie publie pour les entreprises, l’information donnée aux salariés porte simplement sur la volonté de procéder à une cession et sur la possibilité donnée aux salariés de présenter une offre d’achat. « La loi n’impose la transmission d’aucune autre information et d’aucun document relatif au fonctionnement, à la comptabilité ou à la stratégie de l’entreprise », indique Bercy. Et faute d’avoir été mis au courant du projet de cession, tout salarié pourra désormais contester la procédure de rachat et en obtenir annulation devant le tribunal de commerce. Cette action pourra être intentée dans les deux mois suivant la publication de l’avis de cession du fonds.


François TAQUET, avocat, conseil en droit social