L’économie circulaire en pratiques


Economie


18 novembre 2014

Produire sans polluer, donner de la valeur aux déchets… des pionniers de l’économie circulaire décrivent leurs expériences. Avec une invitation à la réflexion : en arriver à produire des tanks en économie circulaire ne représenterait pas forcément un grand progrès pour l’humanité…

En Suisse, le Canton de Genève a inscrit l’économie circulaire dans sa constitution. L’Ecosse déploie une politique zéro déchet. Le Japon a promulgué des lois cadre imposant l’économie circulaire, et la Chine entend développer 100 villes modèles dans le domaine…

Petit tour du monde de ces nouvelles pratiques, proposé par Olivier Dubigeon, spécialiste du développement soutenable, en introduction à une série de témoignages sur les « entreprises pionnières en économie circulaire ». C’était le 29 octobre, à Nanterre, dans le cadre des Rencontres de l’innovation citoyenne.

Face à la raréfaction des ressources naturelles disponibles, l’économie classique, linéaire, est un « non sens », rappelle Olivier Dubigeon. Depuis plusieurs années, il est vrai, des efforts sont réalisés en matière d’optimisation des modèles industriels, de tri de déchets, d’éco-conception… « C’est bien, mais ce n’est pas suffisant, dans un monde où les ressources sont finies. Il faut passer à une échelle supérieure », juge Olivier Dubigeon. Seulement voilà, définir « l’échelle supérieure » ne va pas de soi. Certaines modalités qui suscitent parfois l’engouement ne résolvent pas forcément les problèmes de base. Exemple, le passage d’une économie de la possession à celle de l’usage. « Une grande partie de l’impact écologique réside dans l’usage », met en garde l’expert. Autre questionnement : se mettre à fabriquer des tanks en économie circulaire, est ce vraiment la bonne idée ? En clair, « à quoi servent les produits ? Quel développement sert cette économie circulaire ? On peut faire de l’économie circulaire sans servir un développement soutenable », analyse Olivier Dubigeon, qui invite à s’interroger sur l’utilité sociale du mode de production.

Moquette et deuxième vie du plastique

C’est manifestement une question que l’on se pose chez Interface, un fabricant de moquettes modulaires, qui témoigne ce jour là. « Notre PDG était un visionnaire. Il y a vingt ans, déjà, il avait conscience que notre modèle n’était pas pérenne, car la moquette est issue du pétrole. Et elle met 700 ans à se décomposer… Il a donc repensé l’entreprise », expose Laure Rondeau, responsable relations extérieurs et développement durable de l’entreprise. « L’économie circulaire, chez nous, c’est partout », ajoute-t-elle. En 1994, l’entreprise se fixe un objectif ambitieux : zéro impact sur l’environnement en 2020. La démarche concerne donc chaque étape du processus : l’élimination des déchets, la nocivité des émissions au niveau des usines et des produits, l’énergie renouvelable, le recyclage, le transport et aussi, la sensibilisation des parties prenantes. Avantage de la démarche, « cela force l’innovation », explique Laure Rondeau, qui évoque une constante remise en question, une recherche pour améliorer les process… . Aujourd’hui, déjà, l’usine aux Pays-Bas fonctionne à 100% avec des énergies renouvelables et n’emploie pas d’eau dans le processus de fabrication. Aucun déchet ne part plus pour la décharge.

Autre exemple d’application de l’économie circulaire, celui d’APR2, entreprise qui fait de l’ « upcycling », en donnant de la valeur économique aux déchets. Ici, on se concentre sur la transformation de déchets d’équipements électriques et électroniques (D3E), pour en faire… du mobilier urbain. L’entreprise, co-fondée il y a quatorze ans par Daniel Ouaknine, directeur-général, compte aujourd’hui quelque 85 salariés, entre le Nord-Pas de Calais et les Yvelines. La spécificité de l’entreprise, c’est d’avoir trouvé une méthode pour tirer parti du plastique issu des divers scanners, unités centrales, écrans… En collaboration avec la recherche universitaire, l’industriel a élaboré un composite. Celui-ci associe ce plastique broyé, micronisé à un second déchet, de la sciure de bois provenant d’une scierie proche, dans les Yvelines. Le granulé composite obtenu sert à réaliser des pièces pour fabriquer du mobilier urbain. En plus, « nous voulions associer développement durable et économie sociale et solidaire », précise Daniel Ouaknine. APR2 est donc une entreprise adaptée, qui emploie majoritairement des personnes en situation de handicap.


Anne DAUBREE