En procédure adaptée, la collectivité n’est pas tenue d’engager les négociations avec une société pour lui permettre de lever la non-conformité de son offre


Droit


27 novembre 2014

Un arrêt récent de la Cour Administrative d’Appel de Paris vient d’apporter de précieuses précisions sur la latitude offerte aux collectivités publiques pour faire face à des offres irrégulières en procédure adaptée. On sait que le Conseil d’Etat a, dans un arrêt très remarqué , indiqué que l’acheteur public peut, en procédure adaptée, inviter à la phase de négociation une société ayant déposé une offre irrégulière. La Haute-Juridiction administrative pose simplement une limite : à l’issue des négociations, le marché doit être attribué à un candidat ayant présenté une offre régulière. Les négociations doivent, par conséquent, permettre au candidat de régulariser son offre.

C’est ce cadre juridique que vient de préciser l’arrêt de la Cour Administrative d’Appel de Paris.

Dans cette espèce, la Région Ile-de-France a lancé une consultation, selon la procédure adaptée, en vue de l’attribution d’un marché public portant sur l’installation d’une clôture séparative avec réalisation de deux portails véhicules et d’un portillon piétons et création d’une loge pour le contrôle d’accès. Le règlement de la consultation demandait de manière classique aux candidats de transmettre un planning d’exécution des travaux respectant les exigences du cahier des charges. Ce dernier document indiquait que le délai d’exécution du marché était de deux mois à compter de l’ordre de service de démarrage des travaux, période de préparation du chantier incluse avec une date de prévisionnelle de début des travaux au 1er juillet 2010. La société Multiclo a, ainsi, déposé une offre sans fournir de planning d’exécution.

Mettant en œuvre la jurisprudence du Conseil d’Etat, la Région Ile-de-France a invité cette société à régulariser son offre, avant le lancement des négociations, en produisant le planning d’exécution des travaux demandé.

La société Multiclo a alors produit le planning demandé en prévoyant un délai d’exécution de 2 mois et demi avec un début d’exécution des prestations au 1er septembre 2010. Pour justifier sa position, la société Multiclo a indiqué au maître de l’ouvrage que le délai prévu dans le cahier des charges était irrationnel en raison de la période de congé estival et du délai d’études nécessaires pour la réalisation du bâtiment. La Région Ile-de-France a, alors, considéré que l’offre déposée par la société Multiclo était irrégulière et n’a donc pas invité cette société à participer aux négociations. Non-contente de son éviction, cette société a dans le cadre d’un recours au fond sollicité l’annulation du marché et l’allocation d’une indemnité de 140.000 € au titre du manque à gagner subi.

Saisi de cette espèce, la Cour Administrative d’Appel de Paris apporte deux précisions intéressantes à l’état du droit découlant de l’arrêt du Conseil d’Etat précité.

Tout d’abord, le juge d’appel s’est prononcé sur l’obligation pesant sur l’acheteur public de lancer les négociations avec un candidat « s’obstinant » à présenter une offre irrégulière. Le Conseil d’Etat avait, d’ores et déjà, jugé qu’en cas de dépôt d’offres irrégulières, l’acheteur public est libre de décider d’entamer ou non les négociations avec cette société. Mais qu’en est-il lorsque l’acheteur public a « mis en demeure » avant la phase de négociation le candidat de régulariser son offre. Est-il obligé d’entamer les négociations avec ce candidat pour aboutir à ce que les informations complémentaires fournies par ce candidat aboutissent à une « offre régulière ». La Cour répond assez logiquement par la négative à cette interrogation et s’inscrit dans la lignée de la jurisprudence du Conseil d’Etat. Même après avoir mis en demeure le candidat de régulariser son offre, l’acheteur public ne se trouve pas dans l’obligation d’entamer les négociations avec ce candidat s’il s’avère que son offre demeure irrégulière. La décision de ne pas inviter aux négociations la société qui persiste à déposer une offre irrégulière n’engendre donc pas une rupture d’égalité entre les candidats. Appliquée au cas d’espèce, cette solution conduit à valider la décision d’éviction de la société Multiclo. Cette société qui souhaitait « bénéficier » de la phase de négociation pour démontrer à l’acheteur public l’irrationalité du planning d’exécution imposé dans le cahier des charges se voit donc privée légalement de cette possibilité.

Cet arrêt présente un second intérêt majeur en ce que la société requérante essaie, de manière de faire un lien entre « passation » et « exécution » du marché.

Pour démonter l’illégalité de la décision d’éviction, la société Multiclo a, ainsi, indiqué que la société attributaire n’avait finalement débuté l’exécution des travaux que le 21 juillet 2010 (au lieu du 1er juillet) et que le délai de 2 mois n’avait pas été respecté. L’irrespect par la société attributaire du planning contractuel semble, de facto, démontrer que le planning contractuel était « irrationnel » ainsi que le prétendait la société requérante. Son offre n’aurait pas dû être rejetée. La Cour se montre, sur ce point, assez sévère puisqu’elle refuse de considérer que le simple fait que la société attributaire n’ait pas respecté le planning contractuel ne permet, à lui-seul, de démontrer que ce planning est « irrationnel ».

Cette position semble discutable et incite les candidats à « promettre » tout et n’importe quoi au stade de l’offre. Il est, à notre sens, préjudiciable que le Juge ne prenne pas plus en compte les éléments d’exécution pour examiner la légalité d’une procédure de passation. Ceci pourrait permettre de sanctionner les maitres d’ouvrages qui oublient que tout ce qui brille n’est pas or, ainsi qu’a pu le constater un chevalier à la triste figure.


Antoine ALONSO GARCIA - Cabinet ALONSO MAILLIARD - (...)