Ruptures conventionnelles : où en est-on ?


Droit


5 décembre 2014

Malgré l’assujettissement des ruptures conventionnelles au forfait social de 20% et malgré la mise en place d’un différé d’indemnisation dissuasif, le recours à la rupture conventionnelle comme mode de rupture négociée du contrat de travail semble vouloir résister. Il faut sans doute y voire la démonstration du besoin de souplesse dont les entreprises et leurs salariés ont tant besoin et dont elles sont encore privées malgré les effets d’annonce à répétition peu ou pas suivies d’effet.

En cette fin d’année 2014, il nous a semblé utile de faire un point sur l’état des principaux arrêts rendus cette année par la Cour de Cassation, ceci dans le prolongement de l’article publié dans cette même tribune au mois de février 2014 (Semaine du 21 au 27 février 2014 n° 3607).

L’existence d’un différend n’affecte pas par elle-même la validité de la convention de rupture

L’existence au moment de sa conclusion d’un différend entre les parties au contrat de travail n’affecte pas, par elle-même, la validité de la convention de rupture conventionnelle. Encore faut-il que ce différend ait vicié le consentement du salarié. Dès lors, faute pour la Cour d’Appel de caractériser un tel vice du consentement, la rupture est licite (Cass. Soc. 19 novembre 2014 n° 13-21979). Il est intéressant de relever que, dans cette affaire, la salariée avait signé sa rupture conventionnelle le lendemain de son entretien préalable en vue de son éventuel licenciement.

Confirmation de l’absence de délai impératif entre la date de l’entretien et la date de signature de la rupture conventionnelle

L’article L. 1237-12 du code du travail n’instaure pas de délai entre, d’une part, l’entretien au cours duquel les parties au contrat de travail conviennent de la rupture du contrat et, d’autre part, la signature de la convention de rupture prévue à l’article L. 1237-11 du code du travail (Cass. Soc. 19 novembre 2014 n° 13-21979).

Pas de rupture négociée hors rupture conventionnelle

Sauf dispositions légales contraires, la rupture du contrat de travail par accord des parties ne peut intervenir que dans les conditions prévues par les dispositions réglementant la rupture conventionnelle. En l’état d’un document signé par les parties qui ne satisfait pas aux exigences de l’article L. 1237-11 du code du travail, la rupture s’analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse (Cass. Soc. 15 octobre 2014 n°11-22.251).

Sauf en cas de fraude ou de vice du consentement, une rupture conventionnelle peut être valablement conclue au cours de la période de suspension consécutive à un accident du travail.

En matière de rupture conventionnelle durant une période de suspension du contrat de travail, la circulaire de la Direction Générale du Travail du 17 mars 2009 invitait à distinguer la nature de la suspension du contrat de travail. Elle admettait la rupture conventionnelle dans les cas de suspension ne bénéficiant d’aucune protection particulière (congé parental d’éducation congé, congé sabbatique, congé sans solde, etc.). Elle l’écartait en revanche dans les cas où la rupture du contrat de travail est rigoureusement encadrée durant certaines périodes de suspension du contrat (par exemple durant le congé de maternité en vertu de l’article L. 1225-4, ou pendant l’arrêt imputable à un accident du travail ou une maladie professionnelle en vertu de l’article L. 1226-9, etc.).

La Cour de Cassation n’est pas de cet avis et précise que, sauf en cas de fraude ou de vice du consentement, une rupture conventionnelle peut être valablement conclue en application de l’article L. 1237-11 du code du travail au cours de la période de suspension consécutive à un accident du travail ou une maladie professionnelle (Cass Soc 30 septembre 2014 n°13-16297) ;

L’absence d’information du salarié de la possibilité pour lui de se faire assister lors de l’entretien n’affecte pas nécessairement sa liberté de consentement.

La Cour de Cassation confirme ainsi que le fait pour l’employeur de ne pas informer le salarié de cette faculté d’assistance n’est pas, en lui-même, de nature à affecter la validité de la rupture conventionnelle (Cass. Soc. 19 novembre 2014 n° 13-21207).

Attention par contre aux informations données aux salariés lui exposant les conséquences de la rupture conventionnelle

La Cour de Cassation admet l’annulation d’une rupture conventionnelle au motif d’une information erronée donnée par l’employeur à son salarié concernant le calcul de l’allocation d‘assurance chômage, erreur de nature à vicier le consentement du salarié (Cass. Soc. 19 novembre 2014 n° 13-16372).

En conclusion, force est de constater que la Cour de Cassation poursuit la tendance déjà constatée en début d’année consistant à adopter des positions plutôt pragmatiques, ce dont on ne peut que se féliciter.


Maître Laëtitia BOETTO - Cabinet Capstan - Avocate au (...)