Charges locatives : les provisions sont possibles et la régularisation nécessaire


Droit


17 février 2015

La loi Pinel et son décret d’application du 3 novembre 2014 fixent désormais des règles impératives quant à la répartition des charges : le bail ne peut prévoir que tout pèsera sur le locataire. Quant aux modalités de recouvrement, les appels de provisions sur charges restent soumis à la liberté contractuelle, mais la loi impose une régularisation annuelle.

La Cour de cassation vient de déterminer la sanction applicable en cas d’omission de la régularisation annuelle des charges.

Les faits étaient antérieurs à la loi Pinel et non soumis à celle-ci. Mais la solution retenue est transposable sous l’empire des textes nouveaux. Le bail prévoyait, comme il est fréquent, le versement d’une provision trimestrielle sur charges accompagnant chaque terme de loyer. Une régularisation devait ensuite intervenir en fonction de l’arrêté annuel du compte de charges. Or le bailleur émettait les appels trimestriels de provision et le preneur s’en acquittait. En revanche, la régularisation annuelle n’avait jamais lieu.

Confronté à une demande en justice relative à des loyers impayés, le locataire a soulevé ce grief et sollicité que les provisions sur charges lui soient remboursées.

Il a obtenu gain de cause en appel, puis en cassation par un arrêt du 5 novembre 2014. La Cour de cassation juge que l’absence de régularisation des charges dans les conditions prévues au bail rend sans cause les appels de provisions à valoir sur le paiement des charges. Dès lors, le bailleur doit être condamné à rembourser les provisions versées par la société locataire.

Bien que fondée sur l’absence de régularisation annuelle telle qu’elle était prévue au bail, la solution est sévère. Le dictionnaire Robert définit la provision comme un acompte. Pourquoi reprocher au bailleur de s’être contenté des acomptes et de n’avoir pas réclamé le reliquat ? Certes le compte annuel (la « régularisation ») n’avait pas été établi, mais le bail ne prévoyait pas qu’il devait l’être à peine de déchéance pour le bailleur du droit à être payé des charges. Quoiqu’il en soit, bailleurs et gestionnaires seront à l’avenir bien avisés de procéder aux régularisations de charges.

Nouvelles règles

La loi Pinel et le décret d’application du 3 novembre 2014 fixent désormais des limites à ce qui peut être récupéré sur le locataire au titre des charges (art. R 145-35 nouveau C. com.). Plus largement, en dépassant le seul problème des charges, ne peuvent désormais être imputées au preneur les dépenses relatives aux grosses réparations visées à l’article 606 du Code civil (gros murs et voûtes, poutres et couvertures entières, digues, murs de soutènement et de clôture en entier. La Cour de cassation en fait une lecture extensive et y voit les réparations qui intéressent l’immeuble « dans sa structure et sa solidité générale »), les dépenses relatives aux travaux ayant pour objet de remédier à la vétusté ou de mettre les lieux en conformité avec la réglementation, dès lors que ces travaux relèvent des grosses réparations ci-dessus visées (art. R 145-35 C. com., issu du décr. du 3 nov. 2014).

Ne peuvent non plus être imputés au locataire :

- les impôts, taxes et redevances dont le redevable est le bailleur, sauf, à titre d’exception, la taxe foncière et les taxes additionnelles à la taxe foncière, ainsi que les impôts, taxes et redevances liés à l’usage du local ou à un service dont le locataire bénéficie ;

- les honoraires du bailleur liés à la gestion des loyers ;

- dans un ensemble immobilier, les charges, impôts, taxes et redevances et le coût des travaux relatifs à des locaux vacants ou imputables à d’autres locataires. La répartition entre locataires peut néanmoins être pondérée conventionnellement, sans qu’il soit précisé selon quels critères. Cette pondération doit être portée à la connaissance des locataires.

Un état récapitulatif annuel des charges, impôts, taxes et redevances incluant régularisation du compte de charges doit être communiqué au locataire au plus tard le 30 septembre de l’année suivante (art. L 145-40-2 nouveau C. com. et art. R 145-36 nouveau prévoyant en outre des règles spécifiques pour les immeubles en copropriété).

Les justificatifs ne sont communiqués au locataire qu’à sa demande. L’arrêt de la Cour de cassation du 5 novembre 2014 annonce d’ores et déjà la sanction que la juridiction suprême appliquera en cas d’omission de la régularisation annuelle des charges. Le bailleur étant privé du droit de percevoir les charges lorsque la régularisation omise n’était prévue que par le bail, il en sera a fortiori privé dès lors que cette régularisation est imposée par la loi.

Par Bernard-Henri DUMORTIER,
Docteur en droit, Avocat au barreau de Lille

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Bernard Henri DUMORTIER Docteur en droit, avocat au (...)