Loi MACRON : Jean-Charles MARCH, Président de la Chambre des Notaires 06, explique la nouvelle Etude d’impact


Droit


26 mars 2015

L’avis du Conseil d’État du mois de décembre dernier regrettait l’absence d’étude d’impact sur la loi MACRON.

Le Conseil Supérieur du Notariat avait alors pris la décision de faire réaliser par sa Direction des affaires économiques une étude interne pour examiner les conséquences économiques et sociales de la loi MACRON.
Cette dernière s’est notamment traduite par la « carte de France des licenciements dans le notariat » en cas d’application de la loi MACRON, que nous vous avions communiqué au mois de janvier.
À cette époque, et alors que les débats sur sa loi venaient de débuter à l’Assemblée nationale, le Ministre de l’Économie avait critiqué haut et fort cette étude du C.S.N., n’hésitant pas à la qualifier « d’escroquerie intellectuelle ». Face à ces nouvelles attaques, la profession a pris la décision de faire réaliser, par un cabinet extérieur cette fois-ci, une nouvelle étude d’impact pour démontrer que ses calculs et projections, réalisées en interne par le C.S.N., étaient correctes.

L’étude est désormais achevée et vous trouverez ci-dessous sa synthèse.

Cette étude a été adressée aux Sénateurs qui examinent la loi MACRON en Commission spéciale.

Présentation de l’étude par Jean-Charles MARCH, Président de la Chambre des Notaires des Alpes Maritimes

"Vous noterez que le chiffre d’affaire des Offices diminuera de 10 à 20% en cinq ans si la loi est appliquée en l’état.
Les marges de nos Offices baisseront de 14 à 26% selon la règlementation tarifaire qui sera adoptée.
De plus la liberté d’installation prévue dans le texte ne fera qu’accroître la diminution de la rentabilité des Offices.
Les petits Offices, et les jeunes qui viennent d’acquérir des Offices avec un endettement importants ne pourront supporter de telles pertes financières. Ils sont voués à une disparition certaine.
Les autres offices ne pourront s’adapter et survivre qu’en diminuant des charges. Cela impactera principalement des emplois du notariat.
5.000 à 10.000 licenciements seront effectués pour sauvegarder les entreprises notariales.
Nous ne pouvons accepter un tel scénario.
N’oublions pas qu’aujourd’hui le principal problème est la crise économique.
De nombreux Offices sont déjà en difficultés financières, uniquement à cause de la situation économique.
L’effet conjugué de cette réforme, en pleine crise économique, détruira de nombreux emplois. Était-ce le but recherché par nos gouvernants ?
La liberté d’installation devrait être limitée aux zones peu pourvues en offices notariaux.
Et la tarification de nos actes doit rester proportionnelle, et non négociable. Cela permettra de respecter une égalité entre les personnes qui franchissent le pas de nos Offices.
Enfin l’interprofessionnalité prévue par le projet (notaires- avocats - experts comptables) mettra fin à l’indépendance des professionnels, qui garantit aujourd’hui la sécurité juridique."

Note de synthèse - Etude d’impact du Projet de Loi « Croissance et Activités »

Principaux enseignements

- Du fait de la chute des prix de l’immobilier, le marché du notariat devrait être tendanciellement dégradé sur la période 2015-2020.
- Cette dégradation devrait se traduire par un chiffre d’affaires stable, une marge en baisse (-1,8% par an) ainsi qu’une baisse du nombre de collaborateurs non-notaires jusqu’à -4 900 personnes sur la période.
- La nouvelle tarification ainsi que la liberté d’installation sont les éléments de la loi « Croissance et Activités » les plus structurants pour le marché notarial.
- L’introduction des nouvelles dispositions tarifaires de la loi « Croissance et Activité » en 2016 devrait provoquer une forte baisse du chiffre d’affaires de la profession (scenarii de -10 à -20%), accompagnée par une chute de la marge (jusqu’à -26%).
- Cette baisse significative de l’activité ne devrait pas être suivi d’un effet de rattrapage à partir de 2017 mais rejoindre la dynamique tendancielle baissière du marché.
- Dans le cas d’une baisse des tarifs de -20%, le nombre de collaborateurs non-notaires pourrait baisser jusqu’à -9 500 personnes entre 2015 et 2020, s’ajoutant à la baisse tendancielle du nombre de collaborateurs.
- L’arbitrage des offices en faveur de la marge par rapport à l’emploi devrait être observé comme lors des baisses de chiffres d’affaires de 2008-2009 et 2013.

Introduction

Le cabinet de conseil EY a accompagné le Conseil Supérieur du Notariat dans l’évaluation de l’impact économique des principales dispositions de la loi « Croissance et Activité » (texte de la loi au 9 février 2015).

Cette étude s’est focalisée sur cinq dispositions :
- Modification de la tarification des opérations notariales ;
- Extension de la liberté d’installation ;
- Limite d’âge d’exercice à 70 ans ;
- Augmentation du plafond de nombre de notaires salariés par notaire associé de deux à quatre ;
- Promotion de l’interprofessionnalité avec la facilitation de la création de sociétés d’exercice en commun de plusieurs fonctions du droit.

La réalisation d’une enquête en ligne avec Opinion Way ainsi que des entretiens qualitatifs avec des notaires associés et salariés représentatifs de la diversité des offices et des territoires ont appuyé les hypothèses de modélisation retenues pour mesurer les impacts de la loi. De la même manière, l’analyse de la période 2003-2013 a permis d’identifier des tendances et hypothèses structurantes afin de modéliser le passé, le comparer avec l’observé et ainsi de fiabiliser les projections 2014-2020.

La modélisation des impacts de la loi « Croissance et Activité » s’est concentrée sur la tarification et la liberté d’installation qui ont été identifiées par les notaires individuels et associés interrogés comme étant les mesures les plus structurantes. Son objet est de pouvoir distinguer les évolutions du marché notarial liées à la loi des évolutions tendancielles anticipées sur la période 2015-2020 (Scénario 0%). Les projections ont été réalisées sur la base des indicateurs macro-économiques et démographiques de référence (PIB, inflation, nombre de transactions immobilières, évolution du prix des logements anciens, nombre de naissances, mariages et décès).

Les contours de la réforme n’étant pas encore connus de manière définitive, EY et le CSN ont convenu de deux scenarii ont été testées pour étudier les sensibilités :
- Scénario 20% de baisse du chiffre d’affaires total du notariat, basé sur des hypothèses CSN traduites par EY (par exemple, taux unique sur les transactions immobilières à 0,825%, remises automatiques de 200€ pour les biens de 100k€ à 300k€, changement de coefficient pour les donations et partages anticipés etc.) et création progressive de 850 offices dans le cadre de la liberté d’installation ;
- Scénario 10% de baisse du chiffre d’affaires total du notariat, proposé afin de mesurer une sensibilité du marché notarial aux évolutions tarifaires et création progressive de 850 offices dans le cadre de la liberté d’installation.

La présente note synthétise les principaux enseignements de l’étude restituée au comité du Conseil Supérieur du Notariat le 24 mars 2015.

Hors effet de la loi, le marché notarial devrait tendanciellement se dégrader à horizon 2020

Le chiffre d’affaires de la profession devrait être stable sur les 5 années à venir.

Le chiffre d’affaires du notariat devrait être stable entre 2015 et 2020, avec une croissance annuelle de +0,2% par an (+60M€ sur la période, en euros courants). Aucun effet de rattrapage ne devrait être observé malgré la baisse significative de chiffre d’affaires de 2013 (-9,4%).

La stabilité du chiffre d’affaires s’explique essentiellement par les performances du marché de l’immobilier, les opérations liées au secteur immobilier représentant plus de 50% du CA du marché notarial. Cette sensibilité aux tendances de l’immobilier a été observable durant la période 2003-2007 où le chiffre d’affaires de la profession a significativement augmenté (+8% par an en moyenne), dans un contexte de hausse soutenue des prix de l’immobilier. A contrario, la tendance baissière des prix (entre -2,5% et -1% par an sur la période) entre 2015 et 2020 devrait annuler l’effet volume lié à la reprise du nombre de transactions immobilières (1) à partir de 2015. A titre d’exemple, toutes choses égales par ailleurs, une croissance de 2% des prix de l’immobilier entre 2016 et 2020 serait nécessaire pour que le notariat retrouve son niveau de chiffre d’affaires de 2012 (6 800M€).

La stabilité de la démographie (2) (principal inducteur de croissance d’opérations notariales tels que les donations et partages anticipés, les déclarations de succession, les contrats de mariages, les notoriétés etc.) d’une part, et l’absence d’une reprise économique marquée (3) d’autre part rendent d’autant plus sensible le chiffre d’affaires du notariat aux tendances du marché immobilier.

La marge du notariat devrait poursuivre sa baisse amorcée en 2011 avec une baisse annuelle moyenne de l’ordre du -1,8% par an, soit environ 200M€ sur la période.

Dans un contexte où le chiffre d’affaires du notariat devrait être stable, la marge devrait chuter de l’ordre de -1,8% par an, passant de 1 600M€ en 2015 à 1 400M€ en 2020. Cette chute de la marge d’environ -200M€ ramènerait celle-ci à son niveau de 2003. L’impact amplifié des variations de chiffre d’affaires sur la marge est une dynamique constatée sur la période 2003-2013 où les hausses de CA se traduisaient par des hausses accrues de marge et où des ralentissements de croissance ou des baisses de CA se traduisaient par des baisses accentuées de la marge4.
La dégradation de la marge en valeur devrait également se traduire par une baisse de la performance des offices caractérisée par une chute du taux de marge de 3pts, passant de 23-25% en 2015 à 20-22% en 2020, soit un niveau plancher constaté depuis 2003.

La dégradation tendancielle de la marge du notariat devrait se traduire par la baisse du nombre de collaborateurs non-notaires de 4 900 personnes.

Afin de mesurer les impacts en emplois des tendances du marché notarial, nous avons analysé le comportement des offices entre 2003 et 2013. Nous avons ainsi identifié pour chaque catégorie d’office des seuils de marge par collaborateur non-notaires en-deçà desquels les offices diminuaient leur masse salariale. La modélisation avec ces seuils de l’évolution du nombre de collaborateurs non-notaires entre 2003 et 2013 a dressé des résultats très proches de l’observé (écart moyen de 4%).

De 2003 à 2013, le nombre de collaborateurs non-notaires (clercs, assistants, professions support) a été stable, malgré des baisses significatives lors des périodes de crises (2008-2009, 2013). A partir de 2015 néanmoins, la stabilité du chiffre d’affaires de la profession ainsi que la baisse de la marge devrait marquer une réduction tendancielle du nombre de collaborateurs non-notaires pouvant atteindre jusqu’à 4 900 personnes. Comme observé lors des crises de 2008-2009 et 2013, la masse salariale devrait en effet constituer la principale variable d’ajustement des offices afin de préserver leur marge. A titre de comparaison, la baisse du nombre de collaborateurs non-notaires lors de ces deux crises avait atteint respectivement 4 920 et 1 330 personnes avec une baisse respectivement de -18% et -6% du chiffre d’affaires.

Cette baisse tendancielle du nombre de collaborateurs non-notaires devrait s’étaler de façon homogène sur l’ensemble de la période 2015-2020 en l’absence de reprise nette de l’activité.

La loi « Croissance et Activité » devrait accentuer la tendance baissière du marché notarial

Les impacts les plus importants de la loi « Croissance et Activité » seraient liés à la nouvelle tarification et à la liberté d’installation

L’enquête en ligne menée avec Opinion Way (5) ainsi que les entretiens qualitatifs menés avec des notaires associés et salariés indiquent que la tarification et la liberté d’installation sont les mesures de la loi « Croissance et Activité » devant avoir l’impact le plus significatif sur les offices notariaux. A ce titre, 96% des notaires individuels et associés interrogés affirment connaître ces dispositions et leurs potentiels impacts. Respectivement 98% et 94% des notaires individuels et associés interrogés sont d’ailleurs défavorables à ces mesures, y voyant une remise en cause de leur modèle économique et du mode d’exercice de leur profession (introduction d’une concurrence plus forte, risque pour la qualité des services, viabilité du conseil gratuit etc.).

Afin de convertir les évolutions de la tarification en impact chiffre d’affaires par type d’actes, nous avons opéré une simulation sur un échantillon d’actes représentatifs répertoriés dans la base Taxation 2013 du CSN. Nous avons pu ainsi traduire dans nos projections des scenarii de baisse des tarifs en % de chiffre d’affaires par type d’opérations notariales (ventes, prêts, attestation notariées, donations et partages anticipés etc.).

Outre la nouvelle tarification et la liberté d’installation, les autres dispositions de la loi « Croissance et Activité » devraient avoir un impact mesuré sur le notariat.

- La limite d’âge d’exercice à 70 ans pour les notaires individuels et associés ne devrait pas avoir un impact marqué sur la profession dès lors que le nombre de diplômés notaires et le rythme des prestations serments devrait permettre d’absorber l’effet de cette mesure autant que l’effet structurel de pyramide des âges. Par ailleurs, la mesure est majoritairement bien perçue par les notaires interrogés dans l’enquête en ligne (77% des notaires favorables), celle-ci permettant d’ouvrir des opportunités d’association aux notaires actuellement salariés.
- De la même façon, la hausse du plafond du nombre de notaires salariés par notaire individuel et associé de 2 à 4 est majoritairement approuvé (59%). Cette disposition semble concerner essentiellement les grands offices et semble constituer un paradoxe pour les notaires interrogés dès lors qu’elle ne favorise pas l’association des notaires actuellement salariés.
- Enfin, l’interprofessionalité est perçue comme plus problématique. 80% des notaires interrogés dans l’enquête en ligne y sont défavorables. Les entretiens qualitatifs menés font ressortir une crainte liée à la modification du statut de notaire : ils craignent de perdre leur autonomie et leur indépendance dans la conduite de leurs affaires. La nécessité de coopérer avec d’autres professions du droit est certes largement reconnue mais l’opportunité d’opérer dans des structures capitalistiques partagées (et minoritaires) est contestée car elle génèrerait un risque important de conflits d’intérêts.
Considérant donc que la tarification ainsi que la liberté d’installation sont les deux dispositions les plus structurantes, nous avons modélisé deux scenarii de baisse du CA total :
- Scénario 20% ;
- Scénario 10%.

La liberté d’installation a également été modélisée dans chacun des deux scenarii 10% et 20%. Une méthode de répartition de la marge6 par notaire individuel et associé à son niveau médian, retraité des différentiels de niveaux de vie par département, a permis d’estimer à 850 le nombre d’offices pouvant être créés, correspondant à 1 250 notaires. Cette méthodologie est fondée sur le présupposé que les départements où la marge par notaire individuel ou associé est plus élevée que la moyenne sont les départements où une sous- concentration de notaires devrait être observée7. La création des nouveaux offices a été modélisée en suivant une montée en puissance progressive à partir de 2016 (43 créations la première année, 280 en 2020). Il s’agirait d’une augmentation forte du rythme de création d’offices au regard des 20 offices créés chaque années en moyenne sur la période 2003-2013.

Compte tenu du maillage territorial du notariat et du caractère contraint de la demande, la taille du marché n’est que marginalement élastique au nombre d’offices. Considérant néanmoins qu’une création n’aurait pas de sens économique sans poche de valeur non adressée, nous avons fait l’hypothèse que la création d’un office génère une activité (et un chiffres d’affaires) supplémentaire de 10% dans sa zone d’activité. Cette hypothèse nuance l’effet partage de chiffre d’affaires et de marge lié à l’installation de nouveaux offices.

Suite à l’entrée en vigueur de la loi « Croissance et Activité », le chiffre d’affaires du notariat devrait diminuer de 10 à 20% entre 2015 et 2020.

Compte tenu de l’absence de dynamique conjoncturelle favorable, l’impact de la réforme tarifaire devrait se traduire directement sur le chiffre d’affaires de la profession. Selon les scenarii tarifaires retenus, le chiffre d’affaires devrait ainsi diminuer de 10 à 20% en 2016, soit de 580M€ à 1 250M€. Suite à cette baisse, il devrait reprendre sa dynamique tendancielle stable (+0,2% de croissance annuelle entre 2017 et 2020).

Figure 1 - Evolution du CA total du notariat (M€) entre 2003 et 2020

La variation du chiffre d’affaires du notariat en 2016 serait d’une ampleur comparable à celle de la crise de 2008-2009 (-18% en cumulé vs. jusqu’à -20% en 2016). Néanmoins, les évolutions du marché notarial revêtiront une dimension structurelle alors que la crise précédente était conjoncturelle.

La forte baisse du chiffre d’affaires du notariat en 2016 devrait se traduire par une baisse de marge jusqu’à -26% (soit 360M€).

Comme observé sur les périodes 2008-2009 et 2013, la baisse du chiffre d’affaires de la profession devrait se traduire par une baisse immédiate de la marge, de façon amplifiée (-6% de CA en 2008 et -12% en 2009 et respectivement -19% et -24% de marge). Ainsi, la chute de la marge liée à la réforme tarifaire pourrait atteindre -26% dans le cas d’une baisse des tarifs de -20%. L’impact marge d’une baisse de 10% des tarifs s’élèverait à -14%, montrant que l’impact marge serait d’autant plus amplifié que la baisse du chiffre d’affaires serait élevée. A horizon 2020, la marge du notariat s’élèverait donc entre 1 000M€ et 1 200M€, contre 1 550M€ en 2015.

La marge chutant plus significativement que le chiffre d’affaires en 2016, la performance des offices sera directement affectée (jusqu’à -2pts en 2016, de 23-25% à 21-23%). La performance des offices devrait continuer à se détériorer (à raison d’un point par an pour atteindre 17-19% en 2020) sous le double effet de la dynamique tendancielle du marché et dans une moindre mesure de la liberté d’installation.
En effet, contrairement au chiffre d’affaires qui connaîtrait un forte baisse en 2016 puis reprendrait sa croissance tendancielle ensuite, l’évolution de la marge devrait être inférieure à sa dynamique tendancielle à compter de 2017 (-2,3% par an contre -1,8% par an tendanciellement), du fait de l’accélération de la création de nouveaux offices dans le cadre de la liberté d’installation. La taille du marché notarial étant peu élastique au nombre d’acteurs, la liberté d’installation génère un partage d’un même marché entre davantage d’acteurs, d’où des marges affectées.

Figure 2 - Evolution de la marge totale du notariat (M€) entre 2003 et 2020

L’ampleur de la baisse de la marge et de la performance des offices dépendra du comportement des offices au regard de l’emploi. Notre méthodologie s’appuie sur les comportements des offices sur la période 2003-2013 qui allaient dans le sens d’un arbitrage en faveur de la marge au détriment de l’emploi. Par exemple, lors de chocs 2008-2009 et 2013, le nombre de collaborateurs non-notaires a respectivement chuté de 4 900 et 1 300 personnes.

Entre 2016 et 2020, le nombre de collaborateurs non-notaires pourrait diminuer jusqu’à -9 500 personnes dans le cas d’une baisse de tarif de 20%

Sur l’ensemble de la période 2015-2020, la baisse du nombre de collaborateurs non-notaires pourrait aller jusqu’à -9 500 personnes dans le cas d’une baisse tarifaire de 20% (jusqu’à -5 000 personnes dans le cas du scénario 10%). La réactivité de cette baisse du nombre de collaborateurs non-notaires au regard de la baisse de marge devrait dépendre de la situation de chaque office suite aux deux crises de 2008-2009 et 2013 ainsi que sur l’ampleur du comportement de préservation de la marge.

Figure 3 - Evolution du nombre de collaborateurs non-notaires entre 2003 et 2020

L’évolution tarifaire devrait expliquer l’essentiel de la baisse du nombre de collaborateurs non-notaires, représentant 70% à 80% de la baisse d’emplois (3 800 à 7 800 personnes respectivement dans les scenarii 10% et 20%), le solde étant affecté à la liberté d’installation.

Les conséquences de la loi devraient légèrement plus affecter les petits offices avec une traduction territoriale directe.

L’impact en chiffres d’affaires de la Loi « Croissance et Activité » devrait être comparable pour tous les types d’offices. En revanche, les offices les plus petits et aujourd’hui les plus fragiles (offices de type M1 dans notre typologie8) devraient voir leur marge et leur performance davantage diminuer que les offices plus grands et moins fragiles (types M3). A ce titre, la part des offices M1 dans la marge totale du notariat devrait chuter de deux points.

De la même manière, les offices M3 devraient mieux parvenir à préserver l’emploi que les offices M1, la part des offices M3 dans le total des emplois de collaborateurs non-notaires devant augmenter de 2 points alors que la part des offices M1 devrait diminuer d’autant.

Ces dynamiques devraient se traduire territorialement, compte tenu du maillage du notariat. En effet, les départements ruraux où les offices M1 sont particulièrement concentrés devraient être plus impactés en terme de marge et d’emplois que les départements plus urbains où la concentration d’offices M2 et M3 est plus importante.
8 Notre modèle repose sur une segmentation des offices en trois catégories selon un critère de taille et de fragilité (mesurée au regard du niveau de marge par ETP). Les offices M1 sont des offices plus petits et fragiles que les offices de catégorie M3. La répartition géographique de ces offices est assez structurante dès lors que l’on observe une concentration accrue d’offices M1 dans les départements ruraux ou au faible dynamisme économique alors que les offices M3 sont essentiellement urbains.

Perspectives et ruptures potentielles sur le marché notarial

Les hypothèses utilisées dans le modèle font apparaître une sensibilité forte sur trois critères :
- Le marché notarial devrait être tendanciellement dégradé entre 2015 et 2020. La variation des prix de l’immobilier ancien et la reprise économique plus forte sont deux dimensions qui pourraient faire évoluer la tendance baissière/stable du marché. Les effets des dispositions de la loi « Croissance et Activité » en termes de marge et d’emplois seraient en effet plus mesurés dans un contexte économique plus porteur.
- Le rythme de création des offices impulsé par la liberté d’installation telle que modélisé est particulièrement intense (850 offices créés en 5 ans contre une centaine sur les 5 années précédentes). La modération de ce rythme pourrait diminuer la baisse de marge et du nombre de collaborateurs non-notaires.
- L’arbitrage des notaires en faveur de la marge par rapport à l’emploi est structurant dans notre modèle. Une évolution des arbitrages liée au caractère structurel de la réforme ou à la nécessité de conserver plus d’emplois pour ne pas nuire à la capacité de production des offices limiterait en effet l’impact emplois.
Nos interactions avec les notaires individuels, associés et salariés nous ont permis d’identifier des tendances ou perspectives qui pourraient à plus long terme être accélérées par la mise en oeuvre de la loi :
- La désintermédiation des notaires sur certains actes via internet pourrait compromettre une part significative de l’activité des notaires (testaments etc.). La numérisation du notariat (favorisant par exemple une participation accrue du client dans la préparation de l’acte à distance, cf. « self care ») ainsi que des services résolument tournés vers les attentes des clients pourraient à ce titre constituer une opportunité stratégique pour les offices notariaux.
- Une dynamique de réorganisation des offices favorisant la mutualisation de ressources sur des actes simples et aujourd’hui financés par la péréquation pourrait permettre de restaurer la marge sur certains actes tout en minimisant le risque de sélection des dossiers par les notaires.
- Malgré l’opposition des notaires assez largement soulignée durant nos entretiens qualitatifs, la constitution de Maisons du droit et du chiffre avec d’autres professionnels du secteur (avocats, huissiers, experts comptables etc.) pourrait être favorisée par l’interprofessionalité et permettre d’améliorer le service client.


Service Rédaction