Quel avenir pour l’aéroport de Nice ?


Economie


2 avril 2015

La privatisation de l’aéroport de Nice aura bien lieu même si elle sera encadrée après une négociation entre le Député-Maire, Christian Estrosi, et le Ministre de l’Economie, Emmanuel Macron.

En route vers la privatisation.

Le capital de la société gestionnaire de l’aéroport de Nice sera donc bien ouvert, comme le prévoit l’article 49 de la désormais fameuse loi Macron.
Après avoir passé le cap de l’Assemblée Nationale en février, le texte du Ministre de l’Economie est désormais examiné au Sénat. Un texte qui va être amendé après la rencontre entre le Député-Maire de Nice, Christian Estrosi, et Emmanuel Macron à Bercy le 18 mars dernier.

Ils ont abouti à un terrain d’entente au terme de plusieurs semaines d’échanges musclés par médias interposés. Christian Estrosi a obtenu que la privatisation de l’aéroport de Nice soit davantage encadrée. En clair, il s’agit pour les acteurs locaux de conserver une influence afin de ne pas tout céder à un opérateur privé à de seules fins de rentabilité.
D’où toute une série de garde-fous introduits dans la loi avec, entre autres, le maintien des emplois, le développement des projets prévus pour les terminaux 1 et 2, et l’implication étroite des collectivités locales.
Et surtout, le Président de la Métropole a négocié le versement de 10% des produits de la vente (estimée à 1 milliards d’euros) pour financer les lignes 2 et 3 du tramway et le pôle multimodal de Nice-Ouest.

En réalité, chacun des deux hommes peut se targuer d’avoir remporté cette manche. Le Ministre Macron peut se féliciter que le principe de la privatisation ne soit pas remis en cause malgré les vives protestations des élus azuréens emmenés par Christian Estrosi.
De son côté, le Maire de Nice peut estimer à bon droit avoir obtenu des concessions qui seront introduites dans le texte, sous l’œil vigilant de la Sénatrice Dominique Estrosi-Sassone, désignée par ses pairs rapporteur spécial de la loi Macron.

Patriotisme niçois

Macron et Estrosi se sont pourtant violemment affrontés sur ce dossier. A fronts renversés d’ailleurs. Le patron de Bercy, appartenant à un gouvernement de gauche, défendait bec et ongles le désengagement de l’Etat pour récupérer des marges de manœuvres financières. L’ancien ministre de l’Industrie, certes gaulliste social mais membre d’une famille politique plutôt ouverte aux idées libérales, partait en guerre contre ce qu’il considérait être une menace pour l’attractivité de la Côte d’Azur.
Christian Estrosi a très vite compris que cette question pouvait lui permettre de se poser en avocat du patriotisme niçois. Personne ne peut lui en faire reproche. Le Maire de Nice a tout simplement fait de la politique : autrement dit, il a défendu les intérêts de son territoire et pris à témoin l’opinion publique niçoise.
Christian Estrosi aurait pu chercher à rassembler d’autres collectivités pour racheter les participations de l’Etat, actionnaire principal de l’aéroport de Nice.

Front anti-privatisation à Bordeaux

A Bordeaux, par exemple, un front anti-privatisation s’est tout récemment constitué par-delà les clivages politiques autour d’Alain Juppé, Maire UMP de Bordeaux, et d’Alain Rousset, Président PS de la Région Aquitaine. Même si l’aéroport de Bordeaux-Mérignac n’est pas sur la liste d’Emmanuel Macron, les élus et la CCI ont préféré prendre les devants...

Les collectivités locales (Conseil régional, Conseil général, Ville de Mérignac, Bordeaux Métropole) ont donc décidé d’acquérir des actions actuellement détenues par l’Etat pour contrôler, à terme, la majorité du capital de l’aéroport.
A Nice, cette union sacrée n’ayant pas été possible, il ne restait plus à Christian Estrosi que l’arme du rapport de forces avec le gouvernement.
D’où le référendum qui a été organisé le 19 février dernier : sur les 216 000 Niçois appelés aux urnes, 36 000 d’entre eux ont rejeté la privatisation. Au-delà de la polémique sur l’opportunité de l’organiser, au moins cette consultation aura-t-elle permis un large débat sur l’avenir de l’aéroport de Nice.
D’autant que ce dernier constitue, en effet, un formidable outil économique qui dépasse les frontières de notre région. Faut-il rappeler que les retombées économiques annuelles sont évaluées en moyenne à 7 milliards d’euros ? Faut-il rappeler qu’il s’agit du deuxième aéroport de France avec 11,6 millions de passagers en 2014 ?

Qui ?

L’aéroport de Nice demeure un véritable joyau économique pour une Côte d’Azur qui risque d’attendre longtemps une Ligne Grande Vitesse et dont le réseau autoroutier arrive à saturation.
Que va-t-il se passer désormais ? Une fois passée l’épreuve du Parlement, le processus de privatisation va suivre son cours.
Il est certain que la prise de contrôle de la société gestionnaire de l’Aéroport de Nice va susciter les convoitises des grands groupes privés.
Dans le viseur de tous ces groupes, bien évidemment, la machine à cash que représentent les parkings de l’aéroport…Inutile de dire que ceux-ci rapportent beaucoup, beaucoup d’argent, eu égard aux tarifs en vigueur !
Alors qui ? Pourquoi pas des entreprises comme Vinci, Eiffage ou Véolia ? Pourquoi pas les Aéroports de Paris qui ont déjà publiquement manifesté leur intérêt pour le dossier niçois ? Pourquoi pas des investisseurs étrangers à l’image du consortium sino-canadien qui s’intéresse à un autre aéroport, celui de Toulouse, lui aussi offert au secteur privé par le gouvernement ?

Réponse dans quelques semaines. Affaire à suivre…


Romain THOMAS