La Suisse revalorise l’impôt


Billet du jour


21 juillet 2010

Le premier semestre a été très favorable aux exportations, qui ont augmenté de plus de 8%. Une belle performance, n’est-ce pas ? C’est celle de… la Suisse : l’horlogerie a cartonné et la métallurgie a le vent en poupe (grâce aux fondeurs d’or, en particulier, qui ont de la peine à satisfaire la demande). Ces statistiques ne comptabilisent pas les exportations de capitaux, qui ont dû représenter un joli paquet sur la période : à force de pilonner le secret bancaire et de traîner devant les tribunaux quelques grands noms de la banque helvétique, lesquels se sont souvent, il est vrai comportés comme des gougnafiers, les Etats qui souffrent de l’érosion de leurs recettes ont fini par inquiéter sérieusement les nomades fiscaux. Si bien que certains ont préféré « régulariser » leur situation, mais ils sont peu nombreux ; beaucoup ont préféré l’exil en des paradis plus exotiques, même si les risques de truanderie y sont potentiellement plus coûteux que la bonne vieille imposition.

Non seulement les Suisses ont-ils accru leurs productions traditionnelles, mais on les soupçonne de vouloir maintenant exporter leurs économistes. Qu’on en juge à cette affirmation qui a dû réjouir tous les gouvernements européens : « Supprimer l’impôt sur les successions est une erreur » a déclaré Marius Brülhart, professeur à l’Université de Lausanne, qui vient de publier une étude sur la question. Depuis des lustres les cantons suisses n’ont cessé d’écorner l’impôt sur l’héritage, certains allant même jusqu’à le supprimer. Avec les modalités particulières d’imposition sur le revenu (au forfait négocié, dans certains cantons), le dispositif a évidemment suscité un afflux de nouveaux résidents, plutôt fortunés. Mais pas suffisamment, nous dit le Professeur, pour compenser la chute des recettes qui en résulte. En foi de quoi recommande-t-il de reprendre la saine habitude d’imposer les transmissions. Au moment où les douceurs fiscales de la Suisse glissent doucement vers le rayon des souvenirs heureux, il est assez amusant de voir une éminence économique dénigrer la « concurrence fiscale » qui a fait la fortune du pays. On ne voudrait pas médire, Marius, mais votre étude nous paraît un peu téléphonée. Même si l’on partage avec vous le sentiment que la concurrence fiscale a le même effet que le fendant. Elle revigore à petites doses, mais son abus fait perdre tout discernement.

La recette du jour

Concentré d’apostasie

Pour brûler ce que vous avez adoré sans vous rendre ridicule, il n’y a pas d’autre recette que le recours à l’esbroufe et à la mauvaise foi. Si vous n’y parvenez pas, externalisez la prestation auprès d’un économiste distingué.


Jean-Jacques Jugie