38,25 !


Billet du jour


30 juillet 2010

La Banque de France vient d’honorer la deuxième moitié de la mission – capitale – qui lui est assignée. C’est en effet à la mi-janvier et à la mi-juillet qu’elle doit calculer le taux de rémunération (t) applicable au livret A pour les six mois à venir. Un travail de bénédictin consistant à résoudre l’équation suivante :

t = Max [(Euribor 3 mois + Eonia)/4 + Inflation/2 ; Inflation+0.25%]

Une telle formulation confère le sérieux et la neutralité scientifiques à la détermination du taux, même s’il faut un peu moins de 15 secondes pour obtenir le résultat. Mais cette présentation exonère désormais l’exécutif de toute suspicion d’arbitraire, ce qui était souvent le cas avant que le Gouvernement Raffarin ne fasse adopter un calcul automatique. Qui restera automatique jusqu’à ce qu’un autre gouvernement le modifie.

Mais enfin, nous devons une fière chandelle à Raffarin. En ces temps compliqués où toutes nos institutions cherchent trois sous pour faire un franc, la tentation aurait été grande de laisser le taux au ras des pâquerettes. Au contraire, grâce à la formule magique, votre livret A sera rémunéré à 1,75% au lieu de 1,25%. En supposant qu’il soit au plafond, vous allez ainsi gagner 38,25 euros de plus jusqu’à la fin de l’année. Un vrai carton : commandez donc une autre bouteille de rosé au déjeuner. Vous gagnerez même davantage si, comme nombre de vos contemporains, vous disposez de plusieurs livrets. Ce qui, on s’en doute, est formellement prohibé, bien que mollement réprimé. On dénombre en effet environ 60 millions de comptes, ce qui justifie l’appellation de « placement préféré des Français ». C’est même un peu beaucoup pour 65 millions d’habitants, nourrissons compris. Mais enfin, vous êtes bien pardonnable d’avoir oublié que vous avez ouvert un livret dans chacune de vos banques, en certifiant sur l’honneur (et en petits caractères) que vous n’en aviez pas d’autre. Rassurez-vous : c’est beaucoup moins grave que d’oublier 78 millions sur des comptes suisses qui sont, eux aussi, exonérés d’impôt. Au moins tant que votre maître d’hôtel n’enregistre pas les conversations avec votre gestionnaire de fortune, pour les refiler aussitôt à la presse.

La recette du jour

Recette de la recette

Il ne suffit pas à votre réputation de maitre-queux de produire une cuisine d’exception. Un jour ou l’autre, il faut avouer la recette. Faites-le alors de façon à ce que l’exercice paraisse complexe voire insurmontable. Et si vous le pouvez, insérez des équations ésotériques. Personne ne vous imitera et votre prestige en sera grandi.

PS : Afin de pouvoir s’adonner totalement aux vertus diététiques de la gastronomie estivale, le billettiste interrompt sa popote électronique jusqu’au 18 août. Pour apaiser d’éventuelles petites faims, l’intégralité de La Martingale Saint-Preux sera mise en ligne. Bonnes vacances !


Jean-Jacques Jugie