La notation et les bouffons


Billet du jour


24 août 2010

Si vous avez cru que les agences de notation allaient tenter de se faire oublier, après leurs brillants exploits de ces dernières années, votre triple A dans le pronostic est menacé de dégradation. Car voici que l’une d’entre elles vient de sortir son bulletin de la météo prévisionnelle pour les six mois à venir. « Compte tenu de la nécessité de se tenir à des mesures d’économies strictes pour plusieurs années, Moody’s estime que les craintes sur la croissance économique constituent un risque pour la notation des Etats » note l’Agence, sans l’intention de faire un trait d’humour. Après avoir exhorté les Etats à réduire la voilure, au moment où ces derniers étaient totalement encalminés sous la bonace persistante de l’économie, voilà qu’ils s’inquiètent maintenant des conséquences de cette stratégie jugée « nécessaire ». Mais leur inquiétude ne concerne pas l’avenir des populations, pourtant exposées au scorbut et à la famine si le navire reste trop longtemps immobilisé en haute mer ; elle ne concerne pas davantage la sécurité financière des Etats, pourtant menacés par les désordres de la banqueroute. Leur inquiétude concerne les risques qui pèsent sur la notation elle-même, comme si le jugement porté par eux sur l’honorabilité des nations constituait l’objectif indépassable de la gestion publique. Peu importe que vous n’ayez pas payé votre tailleur si votre chemise est propre.

Après avoir prescrit un régime d’austérité à des pays affaiblis, nos médecins de l’économie anticipent maintenant l’anémie prochaine des patients. Personne ne contredira ce diagnostic de bon sens. Mais puisque la thérapie qu’ils ont ordonnée est « nécessaire », ils seront contraints de durcir leurs prescriptions au fur et à mesure que les malades dépériront. La question n’est donc plus de savoir si ces derniers sont capables de retrouver la santé, mais plutôt quand leur agonie commencera. Dans la pratique péremptoire d’une science de bastringue, les médecins de Molière sont battus à plate couture par les modernes notateurs de l’orthodoxie gestionnaire. Auxquels les chefs d’Etat devraient imposer la coiffe pittoresque et les grelots des bouffons de cour, afin que le pékin soit averti que les vaticinations de ces professeurs de vertu ne sont que facéties d’un goût douteux.

La recette du jour

Menu anti cholestérol

En cas d’hypercholestérolémie, supprimez de votre alimentation tous les produits d’origine animale. Si les symptômes perdurent, supprimez successivement les animaux, les éleveurs, la crémière et le pot au lait, puis les dictionnaires contenant le mot « graisse ». En dernier recours, bannissez votre médecin et mangez ce qu’il vous plaît.


Jean-Jacques Jugie