Les compagnies mutiques


Billet du jour


31 août 2010

Avez-vous remarqué combien les compagnies d’assurance sont devenues silencieuses ? Depuis… et bien depuis que la crise a éclaté dans un ciel bouffi de profits. Elles qui occupent d’ordinaire le devant de la scène, pour vanter la magie de leurs produits et leur ascèse dévotieuse envers les assurés, elles qui conçoivent de nouveaux contrats à la même cadence que les grands couturiers leurs collections, les compagnies sont devenues mutiques et leur génie créatif semble s’être tari. Quelle est donc la cause du flétrissement de leurs instincts vitaux ? Ont-elles suffisamment de clients à dorloter pour négliger d’en acquérir de nouveaux ? Ont-elles décidé de s’épargner le coût pharaonique d’une communication systématique pour mieux gâter leurs assurés et leurs actionnaires ? Ou bien ont-elles mobilisé toutes leurs forces au nettoyage des écuries, sachant qu’elles sont par nature de gros investisseurs et qu’elles auraient bien pu engranger des monceaux de titres corrompus, ceux dont les alchimistes de la finance américaine se sont défaussés un peu partout sur la planète ? Longtemps les compagnies ont été beaucoup plus riches qu’elles ne le prétendaient ; il est à craindre qu’elles ne soient aujourd’hui singulièrement moins opulentes qu’elles devraient l’être. Il est en tout cas hautement improbable qu’une crise financière de l’ampleur de celle que nous connaissons n’ait pas affecté la valeur réelle de leurs actifs. Il est donc possible que leur pudique discrétion témoigne de la volonté de ne pas attirer l’attention sur leur impécuniosité.

Pourtant, les compagnies vont devoir abandonner leur humble réserve, à la faveur du débroussaillage des niches fiscales prévu par le projet de budget. Les fonds collectés et gérés par les Assureurs sont tellement importants qu’ils constituent un gisement tentateur pour tout gouvernement en mal de ressources. En foi de quoi les contrats complémentaires à l’assurance-maladie, jusqu’à ce jour exonérés de taxe pour leur caractère « solidaire et responsable », vont-ils désormais être assujettis. Et l’assurance-vie, qui collecte plus de la moitié de la fortune financière des Français, notamment grâce à ses vertus immunitaires à l’égard de la fiscalité, va continuer d’être sclérosée par des bactéries malignes censées « corriger les anomalies » (avérées) du régime actuel, avant de corriger tous les épargnants qui ont légitimement placé leurs économies dans ce véhicule rémunérateur et choyé par Bercy. Pour faire bonne mesure, la « réserve de capitalisation » des compagnies, une poire pour la soif permettant d’atténuer l’impact des variations défavorables de taux d’intérêt, seront maintenant imposées. Avec un petit rappel cette année pour « solder le passé ». Si après ça les Assureurs continuent de se taire, c’est soit qu’ils ont honte de leur aisance, soit qu’ils n’ont même plus les moyens de protester. La réponse ne devrait pas tarder.

La recette du jour

Menu pauvre homme

Vos finances sont calamiteuses et il vous faut nourrir la famille. Commencez par vider vos réserves de conserves. Puis servez une soupe « au pauvre homme » tant que vos poules vous gratifient d’un œuf quotidien. A l’interruption hivernale de la ponte, servez de la poule au pot jusqu’à extinction de la colonie. Puis planquez-vous dans le poulailler en attendant le passage hypothétique du Père Noël.


Jean-Jacques Jugie