Retraites : le modèle russe


Billet du jour


1er septembre 2010

Ah, ces Russes ! Ils ne manquent pas de résistance aux difficultés (la population) ni d’opiniâtreté (leurs dirigeants). Voyez par exemple les Moscovites : ils ont été enfumés comme un renard dans son terrier par de monstrueux incendies de forêt et ils semblent s’en être sorti tour ragaillardis. Comment auraient réagi les Parisiens si la forêt de Chantilly avait brûlé ? On le sait déjà : son Maire aurait été suspecté d’avoir passé un deal avec les négociants de charbon de bois, afin de financer la campagne présidentielle de 2027 – quand les jeunes pousses de l’économie seront enfin écloses. Voyez le Premier ministre et Vice-président Poutine : l’autre jour, il paradait en tête d’une concentration de motards venus du monde entier, juché sur une bécane assez vaste pour transporter une famille nombreuse et assez puissante pour labourer un champ beauceron. Hier, rompant les rangs d’une procession d’Officiels, il tombait la veste de son costume Armani pour faire quelques échanges de beach-volley avec les plaisanciers, au risque d’abîmer ses beaux mocassins vernis de chez Gucci. Cela s’appelle occuper le terrain médiatique, et les méthodes russes sont à peine plus rustiques que celles adoptées aujourd’hui par les Européens raffinés.

Il n’y a pas que le ramdam à usage interne des nouveaux tsars pour énerver nos propres dirigeants. Il y a aussi les interminables atermoiements au sujet du Mistral, le merveilleux porte-hélicoptères français que Moscou devait nous acheter par bottes de douze, équipés de la bimbeloterie sophistiquée et coûteuse qui caractérise les joujoux militaires modernes. Finalement, il n’est maintenant question que d’un seul navire, qui sera peut-être construit en Russie sous licence, ou peut-être acheté à la Corée. Agaçant. Et au moment où notre pays va s’écharper sur la réforme des retraites, voilà que la Russie augmente celles de ses citoyens de près de… 50% ! Une véritable provocation. Certes, la pension moyenne s’élève désormais à 7.600 roubles par mois, soit environ 195 euros : pas de quoi s’autoriser un train de vie à la Nicolas II, mais cette pension représente quand même plus de 35% du salaire moyen. Pour un pays qui était totalement ruiné à la chute du Mur, ce n’est pas si mal, n’est-ce pas ? Et drôlement encourageant pour nous qui ne sommes pas encore complètement décavés : sur la base de ce modèle, nos retraites ne devaient baisser que de 30%. Pas de quoi faire une Révolution d’octobre. Ni de septembre.

La recette du jour

Bortsch d’entraînement

Tout futur retraité doit s’habituer le plus tôt possible à son futur régime. En cuisinant régulièrement un bortsch maigre, cette soupe de légumes gueusards que l’on peut cultiver en cave ou sur un balcon. Car lorsqu’après quelques lustres de retraite parcimonieuse, les pensions seront augmentées de 50%, on pourra ajouter à la soupe un os de bœuf ou une queue de cochon qui en fera un bortsch de roi.


Jean-Jacques Jugie