Le nirvana de l’écolier français


Billet du jour


2 septembre 2010

Combien coûte la rentrée d’un écolier ? La question est rituellement posée chaque année, ce qui donne à diverses associations, de consommateurs et de parents d’élèves, l’opportunité de s’écharper à propos du vrai montant du budget de l’écolier. L’étalon de mesure est l’enfant entrant en 6ème : pourquoi avoir choisi cette classe, l’histoire ne le dit pas. Mais selon l’Association Familles de France, qui opère le calcul chaque année depuis 26 ans, ce coût s’élève cette année à 175,33 euros. Un chouïa de plus qu’en 2009 : pas de quoi sucrer son argent de poche à votre mouflet qui a redoublé son CM2. En tout cas, si l’évaluation est pertinente, on peut immédiatement en déduire que l’Etat se montre généreux avec les familles qui scolarisent leurs enfants. Car pour le même gamin de 6ème, l’allocation de rentrée scolaire (ARS) s’élève à 296,22 euros. Sans certitude que les sommes allouées soient affectées à ce à quoi elles sont destinées, comme le claironne depuis des années un Député qui plaide pour le versement de l’allocation sous forme de bons d’achat. Il n’est pas impossible, en effet, que la date de versement de l’ARS coïncide avec une vague d’acquisition d’écrans plats.

Quoi qu’il en soit, c’est le ministère de l’Education nationale qui fixe le contenu minimal du cartable et, grâce à l’aimable coopération des distributeurs, les « Essentiels » font l’objet d’une non moins aimable modération des prix. Même si d’aucuns prétendent que les articles offerts à bon marché sont de la camelote. Mieux vaut que la gomme ne coûte rien : c’est la première chose que les gosses boulotent pour calmer leur angoisse de la rentrée. Et si le compas est fragile, cela fera moins de gravures idiotes sur les pupitres. Bref, les parents ont toutes les raisons du monde d’être satisfaits. Et aussi de vivre en France. Car s’ils étaient américains, ils seraient directement confrontés aux dommages collatéraux de la misère des finances publiques. Aux States, les ressources de l’enseignement peuvent être très différentes selon les Etats. Mais qu’il s’agisse de taxes sur l’immobilier ou sur les casinos, les recettes sont en forte baisse. En foi de quoi est-il demandé à certains parents de fournir à leurs enfants, outre les « essentiels » du parfait écolier, une dotation de… papier-toilette, de produits d’entretien et même de marqueurs pour les professeurs. Et encore ces écoliers sont-ils des privilégiés. La situation est tellement mauvaise dans certains Etats que des cohortes d’enseignants ont été purement et simplement licenciés. Les enfants concernés sont priés de se munir d’un stock de kleenex. Car ils vont se faire suer, sans avoir de prof à chahuter.

La recette du jour

Education à l’auvergnate

Les enfants constituent un investissement coûteux. Dès leur naissance, émettez des warrants sur l’ARS à percevoir du début à la fin de leur scolarité, au prix du coût réel de la rentrée. Les fonds de pension vont se précipiter sur cette bonne affaire. A l’échéance, les warrants ne vaudront plus un clou : l’ARS aura disparu et l’école sera payante. Avec vos économies, offrez alors à vos enfants un précepteur de haute lignée.


Jean-Jacques Jugie