Le nouveau régime juridique et fiscal des attributions d’actions gratuites aux salariés après l’adoption de la loi Macron


Droit


30 septembre 2015

La loi Macron a modifié de manière assez substantielle le régime juridique et fiscal des attributions d’actions gratuites par les entreprises à leurs salariés.

Cette modification s’inscrit dans le cadre d’un ensemble de mesures destinées à relancer la croissance et, en particulier, à faciliter le développement de l’actionnariat salarié qui est enfin reconnu comme pouvant être un moteur pour l’économie. Il est vrai que les alourdissements de prélèvements obligatoires portant sur les actions gratuites qui avaient été mis en œuvre à la fin de l’année 2012 avaient considérablement atténué l’attractivité de ce mécanisme. La loi Macron semble vouloir tourner une page à cet égard aussi.

Le nouveau dispositif s’applique aux actions gratuites dont l’attribution a été autorisée par décision collective extraordinaire des actionnaires postérieure à la publication de la loi (soit à compter du 8 août 2015).

Les principaux aménagements visant à favoriser l’actionnariat des salariés dans leurs entreprises sont les suivants :

1) Aménagements des délais d’acquisition et de conservation des actions gratuites (Article L225-197-1 modifié du Code de commerce)
-  La période dite d’acquisition des actions, qui est déterminée par décision collective extraordinaire des actionnaires, ne devra pas être inférieure à un an (au lieu de 2 ans pour les actions attribuées par décision collective extraordinaire des actionnaires intervenant au plus tard le jour de la publication de la loi.

-  Il n’est plus nécessaire que les actionnaires fixent une période de conservation des actions devant courir à compter de l’attribution définitive des actions (auparavant une période minimale de deux ans était obligatoire).

-  Cependant, la durée cumulée des périodes d’acquisition et de conservation des actions ne pourra pas être inférieure à 2 ans.

Il résulte de cet aménagement, en particulier, que les salariés bénéficiaires d’actions gratuites pourront désormais (si les actionnaires en ont décidé ainsi) devenir propriétaires des actions à la fin d’une période minimum de deux ans (qui pourra correspondre intégralement au délai d’acquisition en l’absence de fixation d’un délai de conservation) et pourront ainsi en disposer immédiatement.

2) Aménagement de la contribution patronale spécifique et suppression de la contribution salariale
Les attributions d’actions gratuites étaient soumises à deux contributions spécifiques, l’une patronale et l’autre salariale.
- Le régime de la contribution patronale, est profondément modifié : la contribution était antérieurement due au taux de 30 % le mois suivant la date de la décision d’attribution des actions. La contribution patronale est désormais due au taux de 20 % et devient exigible le mois suivant la date d’acquisition des actions par le bénéficiaire. L’assiette de la contribution patronale est désormais la valeur des actions attribuées telle que calculée à leur date d’acquisition.
- Certaines PME (celles qui occupent moins de 250 personnes et dont le chiffre d’affaires annuel n’excède pas 50 millions d’euros ou dont le total du bilan annuel n’excède pas 43 millions d’euros) sont désormais exonérées de la contribution patronale sur les actions gratuites si :
a) elles n’ont procédé à une distribution de dividendes depuis leur création ;
et
b) les actions gratuites sont attribuées (en cumulant celles attribuées pendant l’année en cours et les 3 années précédentes) dans la limite, par salarié, du plafond annuel de la sécurité sociale (soit 38 040 € en 2015).
- La contribution salariale spécifique qui était applicable au taux de 10% est, au demeurant, supprimée pour le gain d’acquisition des actions gratuites attribuées en vertu de toute autorisation donnée postérieurement à la publication de la présente loi.
En contrepartie, il est à noter que le gain d’acquisition est désormais soumis aux prélèvements sociaux sur les revenus du patrimoine (CSG-CRDS et autres prélèvements : prélèvement social, contribution additionnelle et prélèvement de solidarité) au taux global de 15,5 % (au lieu du forfait social salarial de 8% qui était applicable depuis septembre 2012).

3) Application au gain d’acquisition du régime des plus-values mobilières et de la CSG :
Il existe pour les salariés bénéficiaires d’actions gratuites deux types de gains imposables :
-  L’un est le gain d’acquisition qui est égal à la valeur des actions à la date à laquelle les actions sont effectivement acquises
-  L’autre est la plus-value de cession qui est réalisée, le cas échéant, en cas de cession des actions gratuites acquises.
Le gain d’acquisition sera désormais imposé comme la plus-value de cession d’actions en appliquant l’abattement pour durée de détention de droit commun (ou, le cas échéant, celui prévu en faveur des titres de PME cédés par des dirigeants prenant leur retraite).
La durée de détention doit être décomptée à partir de la date d’acquisition des actions gratuites (Art. 150-0 D, I quinquies-7° nouveau du Code Général des Impôts) et prendre fin à la date du transfert de la propriété desdites actions.
En conséquence, le gain d’acquisition demeure imposable au barême progressif de l’impôt sur le revenu, mais bénéficie, comme la plus-value imposable qui pourra être réalisée, d’un abattement lié à la durée de détention des actions.
Ces mesures vont dans le bon sens pour les entreprises et leurs salariés.
On revient sur quelques années d’alourdissement et de découragement de l’actionnariat salarié. Il n’est jamais trop tard pour revenir sur des fondamentaux dont l’économie a besoin.

Mais surtout, il conviendrait en la matière (comme en toute autre matière fiscale) que les gouvernants acceptent d’appliquer un principe de stabilité législative et réglementaire permettant de pérenniser les mécanismes que l’on veut promouvoir.


Jean-Michel NOGUEROLES - LEXWELL - Avocat associé. (...)