Places de marché : quelles obligations à l’égard des utilisateurs ? (2/2)


Droit


1er octobre 2015

Les marketplaces, acteurs du e-commerce, en pleine expansion, sont tenues de prendre certaines précautions sur le plan juridique et de respecter des règles, dont les plus récentes prévues par la loi Macron du 6 août dernier. Second volet du cadre juridique qui leur est applicable : les obligations souscrites à l’égard des utilisateurs.

Traitement des données personnelles

La question du traitement des données à caractère personnel des utilisateurs effectué par la marketplace peut, en premier lieu, être évoquée.

L’éditeur de la marketplace intervient en qualité de responsable du traitement au sens de
l’article 3 de la Loi Informatique et Libertés du 6 janvier 1978, dès lors qu’il détermine les finalités et les moyens des opérations ainsi menées.

Outre le respect des obligations déclaratives auprès de la Cnil (Commission nationale Informatique et Libertés) lui incombant, le responsable du traitement sera également tenu de s’assurer du consentement des acheteurs à voir leurs données communiquées à des tiers, en l’espèce, les vendeurs, aux fins de mise en relation. Dès lors que ces derniers peuvent être situés en dehors de l’Union Européenne, les contraintes propres à la sécurisation du flux de données transfrontières devront, en outre, être respectées.

Avis et commentaires des internautes

Il s’agira aussi, pour l’éditeur de la plateforme proposant un dispositif d’évaluation des transactions, de fixer les conditions relatives aux éventuels avis et commentaires susceptibles d’être postés par les internautes, en lien avec les achats réalisés, ou les vendeurs avec lesquels ils ont été en contact. Il est ainsi recommandé aux plateformes de s’assurer de l’absence de mise en ligne, par les utilisateurs, de commentaires et avis portant atteinte à l’ordre public, aux bonnes mœurs, présentant un caractère illicite ou menaçant les droits et intérêts de tiers. Les hypothèses les plus courantes de responsabilité à cet égard sont celles liées aux infractions issues du droit de la presse (diffamation et injure, notamment).

La responsabilité de la plateforme dépendra du dispositif de modération retenu. En présence d’une modération a priori (contrôle avant la mise en ligne), l’éditeur de la place de marché assurera, ce faisant, la fixation préalable du contenu mis en ligne et sera susceptible de voir sa responsabilité directement engagée en raison du caractère illicite du commentaire ou de l’annonce concernée.

Au contraire, une modération a posteriori lui fera bénéficier du régime de responsabilité allégée reconnu aux hébergeurs. Ainsi, en présence d’un contenu qui apparaîtrait comme illicite, sa responsabilité ne pourrait être engagée qu’à défaut de réaction prompte de sa part, à la suite d’une notification en ce sens, qui lui serait adressée dans les conditions de l’article 6 de la Loi pour la confiance dans l’économie numérique du 21 juin 2004.

La Cour de Justice de l’Union Européenne est venue rappeler que la responsabilité de la plateforme dépendait de son rôle, actif ou passif. En effet, un rôle actif est indispensable pour que puisse être contestée à la plateforme la qualification d’hébergeur. Le rôle actif se caractérise généralement par une assistance fournie au vendeur, la possibilité laissée d’optimiser des annonces, de les promouvoir etc. Dans une décision largement commentée, la Cour de cassation, elle-même, a apporté sa contribution sur le sujet, en retenant l’optimisation des ventes, l’aide fournie par la plateforme dans la description des objets, la mise en place d’un service d’assistance au vendeur, l’envoi de messages spontanés aux acheteurs pour les encourager à acquérir des objets, pour caractériser le rôle actif d’eBay, lui conférant la connaissance et le contrôle des contenus litigieux (1).

Loi Macron : de nouvelles obligations

Par ailleurs, depuis cet été, la loi Macron du 6 août 2015 ( pour « la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques ») met de nouvelles obligations à la charge de toute personne dont l’activité consiste à mettre en relation, par voie électronique, plusieurs parties en vue de la vente d’un bien, ou de la fourniture d’un service notamment.

Il s’agit ainsi désormais, pour les éditeurs de places de marché, de délivrer aux utilisateurs une information « loyale, claire et transparente sur les conditions générales d’utilisation du service d’intermédiation et sur les modalités de référencement, de classement, et de déréférencement des offres mises en ligne ». Le décret d’application de cette nouvelle mesure, qui devra préciser les informations à communiquer, est attendu pour décembre prochain.

Il revient également à la marketplace de mettre à la disposition des vendeurs un espace leur permettant de communiquer aux acheteurs potentiels l’ensemble des informations précontractuelles prévues à l’article L 121-17 du Code de la consommation (droit de rétractation, garanties, mode de règlement des litiges...).

Enfin, il faut rappeler que les éditeurs de marketplaces ont désormais l’obligation, depuis le décret du 11 mars 2015 (2), de tenter, avant de porter un différend devant le juge compétent, de rechercher la résolution amiable de celui-ci, par le biais de la conciliation ou de la médiation. Ils devront justifier des diligences accomplies dans ce cadre auprès du juge saisi.

Un dernier conseil : le projet de loi sur le numérique, rendu public ce 26 septembre, est soumis aux observations du grand public et des différents acteurs du Web, pendant trois semaines : l’occasion pour les éditeurs de marketplaces de faire entendre leur voix et la spécificité de leur activité !


Viviane GELLES, avocat au barreau de Lille