Crowdfunding : Investisseurs, et si vous franchissiez le pas ?


Economie


16 octobre 2015

En plein boom actuellement, le crowdfunding est un mode de financement participatif qui séduit de plus en plus de particuliers souhaitant diversifier leurs sources de revenus, et offrant des rendements prometteurs et des possibilités de défiscalisation pour les investisseurs. Le point avec Valérie Ammirati (ci-contre), du cabinet d’expertise-comptable Skynet à Nice, qui est intervenue jeudi 8 octobre devant les membres de DCF06 pour les sensibiliser sur les pratiques, les risques et les avantages côté investisseur de cette nouvelle méthode de financement.

C’est en voulant trouver des fonds pour l’un de ses clients en difficulté que Valérie Ammirati, à la tête du cabinet Skynet à Nice depuis 2001, s’est intéressée de près au phénomène du crowdfunding. « Nous n’arrivions pas à boucler un financement. En désespoir de cause, nous avons monté un dossier sur une plateforme de crowdfunding et, en l’espace d’un mois, 250.000 € ont été récoltés ! », raconte cette experte en sauvetage d’entreprises.

Appelé aussi financement participatif, le crowdfunding (littéralement le « financement par les foules ») est le fait de financer des projets, des startups ou des PME, via un grand nombre de personnes, chacune apportant une petite somme d’argent. C’est un nouveau mode de financement qui permet de récolter des fonds en dehors des circuits classiques.

« En clair, c’est le fait de demander un peu d’argent à un grand nombre d’investisseurs », explique la chef d’entreprise. Ce phénomène né outre-Atlantique n’est pas si nouveau que cela - la statue de la Liberté, symbole d’amitié entre la France et les Etats-Unis, n’avait-elle pas fait l’objet d’une campagne de collecte de fonds via les moyens de l’époque, loteries, spectacles et surtout dons de près de 100.000 souscripteurs, pour son financement en 1875 ? -, mais il prend de plus en plus d’ampleur dans le monde et maintenant en Europe sous l’effet des réseaux sociaux et de l’essor du numérique.

Un fonctionnement simple et accessible au plus grand nombre

Car c’est bien là l’une des particularités du crowdfunding : celle d’utiliser Internet comme canal de mise en relation entre le porteur de projet qui ne possède pas les fonds nécessaire au démarrage de son activité, et l’investisseur, qui souhaite investir un peu d’argent dans des projets ou des entreprises en devenir. L’un et l’autre se rencontrent ainsi sur Internet via une plateforme dédiée et agréée par l’AMF (voir encadré ci-dessous), dont le rôle est de coordonner et d’administrer la collecte de fonds. Les projets sont présentés par leurs porteurs et les investisseurs choisissent de financer celui ou ceux qui leur plaisent à hauteur de ce qu’ils souhaitent investir.

Concrètement comme cela se passe ? L’entrepreneur poste son projet sur une plateforme de crowdfunding en ligne en indiquant le montant dont il a besoin. Le crowdfunding peut revêtir plusieurs formes. Tout d’abord le don. Les internautes investissent parce qu’ils croient en la cause défendue par le projet. Ils reçoivent, en guise de récompense, des rétributions intangibles et non pécuniaires (des remerciements sur un support de communication, des cadeaux personnalisés…).
Autre forme de crowdfunding : le prêt rémunéré (on parle aussi de « crowdlending »). Les investisseurs prêtent une somme qui sera remboursée par le porteur de projet avec des intérêts en fonction de la durée et du montant prêté. Cette pratique s’apparente aux prêts traditionnels proposés par les banques, à ce détail près que, dans le cas du crowdfunding, le contributeur connaît la destination de son prêt et peut donc quantifier l’impact de son investissement. Enfin, il y a l’apport en capitaux propres avec une prise de participation au capital de l’entreprise : les investisseurs reçoivent, en échange de leurs apports, des parts de capital social dans le projet financé. « Pour l’investisseur, l’intérêt est d’obtenir dans quelques années une belle plus-value lors de la revente de ses parts ! », souligne Valérie Ammirati. Ce sont surtout ces deux dernières formes de crowdfunding qui intéressent en priorité les investisseurs.

L’art et la manière de se passer des banques

Si le crowdfunding connaît aujourd’hui un tel engouement, c’est essentiellement en raison de sa simplicité de fonctionnement avec un système de levée de fonds plus accessible aussi bien aux entrepreneurs que pour ceux qui souhaitent investir. D’un côté, les entrepreneurs qui rencontrent des difficultés à trouver des financements parviennent à lever des capitaux en un temps record. Et ce n’est pas tout. « Une campagne de crowdfunding offre en effet au crowdfunder une visibilité sans précédent sur le net. Il peut même espérer faire le buzz et ainsi se faire connaître », affirme Valérie Ammirati. Une excellente publicité en somme...

Côté contributeurs, ce concept permet de les réconcilier avec le fait d’investir. En effet, avec le crowdfunding, c’est l’investisseur qui est aux commandes de son investissement et qui compose en quelques clics son portefeuille. « C’est une manière d’en finir avec le monopole des banques et des compagnies d’assurance et de garder la main sur les fonds que l’on prête », assure Valérie Ammirati. Plutôt que de miser sur des placements peu rémunérateurs (Livret A : 1 %, PEL : 2 %) ou trop aléatoires (obligations ou actions en Bourse…), investir dans une startup ou soutenir des projets qui vont créer des emplois et participer au dynamisme de certains territoires, c’est s’assurer d’un investissement transparent tout en s’engageant aux côtés d’entrepreneurs avec la possibilité de les accompagner dans le développement de leur activité.

« Avec le crowdfunding, on maîtrise son investissement et on choisit soi-même le projet dans lequel on investit, ajoute Valérie Ammirati. On s’inscrit ainsi dans un phénomène de financement participatif, ce qui permet de créer du lien avec l’entrepreneur et de prendre part à des projets de proximité et/ou à taille humaine. Une bonne façon de se sentir utile, en donnant un coup de pouce à de jeunes entreprises ».

Sans compter que certains placements peuvent offrir des rendements très intéressants (de l’ordre de 4 % à 10 % de rendement brut par an en moyenne), ainsi que certains avantages fiscaux. Au niveau des déductions, il n’y a pas d’avantage spécifique si on choisit un prêt classique. En revanche, lorsque l’on entre au capital d’une entreprise, l’investisseur peut déduire : soit 50 % de la somme investie de son Impôt Sur la Fortune, soit 18 % de la somme investie de son Impôt Sur le Revenu.

Diversifier et privilégier les petits placements

Avant de franchir le pas, il faut néanmoins s’assurer de certaines choses : choisir une plateforme agréée qui délivre des informations complètes et transparentes sur le projet à financer, étudier le profil de l’entreprise emprunteuse, vérifier les rendements nets d’impôts, et puis, bien sûr, laisser parler son intuition et ses goûts. « La clef de la réussite ? La diversification de ses placements car comme chacun le sait, il ne faut pas mettre tous ses œufs dans le même panier », assure Valérie Ammirati. Mieux vaut donc répartir son argent entre plusieurs projets, voire même s’inscrire sur plusieurs plateformes, et ne pas y investir une part trop importante de son épargne, même si les plateformes de crowdfunding assurent filtrer les projets (seules 5 à 10 % des demandes de financement qui leur parviennent seraient retenues).

Enfin, quid des risques encourus ? « Il n’y a pas plus de risques avec le crowdfunding que lorsque l’on joue en bourse ! On peut parfaitement faire un prêt à partir de 20 € si on le souhaite ». Et Valérie Ammirati de conclure : « C’est tout l’intérêt du crowdfunding : celui de permettre à tout le monde d’être investisseur sans disposer de sommes importantes. Le crowdfunding me paraît donc intéressant surtout sur des petits placements. Si l’on souhaite investir une somme importante, il est préférable de rester sur des placements classiques ».

Jusqu’où ira le crowdfunding ?

Outre le prêt, le don et la prise de participation, il existe des façons moins classiques de contribuer au financement participatif. Tout d’abord l’immobilier. Certaines plateformes (telles que Homunity) permettent d’investir collectivement dans l’immobilier locatif comme dans une SCI. Avec Crowdfunding-immo, on prête de l’argent à un promoteur à un taux fixe et à la fin de l’opération, on perçoit son rendement avec ses intérêts.

Attention : il ne s’agit pas d’acquérir de l’immobilier mais bien de prêter des fonds. « Il faut néanmoins garder à l’esprit que les opérations immobilières peuvent être longues, et donc que l’on ne récupèrera la somme que plusieurs années après », indique Valérie Ammirati.

Autre forme de contribution : l’investissement plaisir, avec la plateforme Terra Hominis par exemple. Ici, on aide de jeunes viticulteurs à faire démarrer leur activité. Les investissements commencent à partir de 1.300 € jusqu’à 2.500 € et on reçoit sa rétribution en bouteilles de vin. Une aubaine pour les collectionneurs ! On peut aussi investir dans la recherche pharmaceutique. Avec la plateforme My Pharma Company, on reçoit des royalties sur les ventes de médicaments.

Quelle plateforme de crowdfunding choisir ?

Afin de favoriser le développement de ce secteur en pleine croissance, le crowdfunding est encadré en France par le décret n°2014-1053, entré en vigueur le 1er octobre 2014. Ainsi, les plateformes dédiées doivent désormais être agréées par l’Autorité des Marchés Financiers, selon le statut correspondant à leur activité : le statut de Conseiller en Investissement Participatif pour les plateformes d’investissement au capital et le statut d’Intermédiaire en Financement Participatif pour les plateformes qui proposent aux particuliers des financements sous formes de prêts rémunérés ou non.

S’il existe sur la toile pléthores de plateformes de financement participatif, certaines sont généralistes (Kiss Kiss Bank Bank, Ulule, Kickstarter…), tandis que d’autres sont spécialisées dans un type de financement bien précis, comme les projets écologiques ou le micro-crédit. Un point commun cependant : toutes perçoivent une commission (facturée aux porteurs de projets) sur les collectes de fonds réussies.

Parmi les plateformes de crowdfunding qui ont le vent en poupe auprès des investisseurs, on peut citer Unilend, Lendopolis et Finsquare. Leur particularité : celle de proposer uniquement de financer des emprunts, comme si le contributeur jouait le rôle d’une banque. Un système potentiellement moins rémunérateur mais aussi moins risqué puisque les créanciers sont prioritaires par rapport aux actionnaires en cas de défaut.


Maé Daillière