Les actifs immatériels : quel atout pour les territoires ?


Economie


15 décembre 2015

Infrastructures routières et numériques performantes ne suffisent pas à stimuler l’économie d’un territoire. D’autres facteurs, comme la connaissance ou la réputation y contribuent de plus en plus. Une récente table ronde a exposé quelques unes de ces politiques publiques, parfois intuitives, qui s’appuient sur ces actifs immatériels.

Comment stimuler la vitalité d’un territoire local ? Depuis 2010, au niveau européen, la stratégie de Lisbonne vise l’excellence en matière d’économie de la connaissance. Mais le sujet concerne également les collectivités... Le 27 décembre, à Paris, lors d’une matinée organisée par l’Apie, l’Agence du patrimoine immatériel de l’Etat, une table ronde sur « Les actifs immatériels dans les territoires », a exposé trois démarches. Initiées par des acteurs de nature différente, chacune illustre comment la coordination entre des acteurs locaux génère ces fameux « actifs immatériels », eux mêmes, à leur tour, potentiellement fructueux pour l’ensemble du territoire....

Ainsi, la région Alsace a décidé de la création d’une marque, il y a trois ans. « Il s’agissait de préparer l’avenir d’une région qui a la réputation d’être riche, mais qui a vécu une traversée du désert qui n’est pas encore terminée. Il y avait un besoin de ressouder la population alsacienne autour de quelque chose qui fasse sens, qui corresponde à des valeurs partagées », explique Philippe Choukroun, directeur général de l’Agence attractivité de l’Alsace. Pour se faire, la région s’est adressé à Joël Gayet, spécialiste du marketing territorial, et a mis sur pied une agence qui regroupe diverses missions ( tourisme, recherche d’investisseurs étrangers, aide aux entreprises dans la commande publique, et accueil de tous les publics sur le territoire...). Le principe de la marque a séduit 3 300 entreprises, qui l’ont adoptée et l’arborent. « Pour elles, c’est un signe de ralliement à un territoire dans lequel elles se reconnaissent. Il y a même des sociétés allemandes ou américaines qui le font, car pour leur personnel, c’est important », précise Philippe Choukroun. Le dispositif comporte aussi un label, « Excellence Alsace », attribué aux sociétés qui remplissent certains critères économiques, éthiques et environnementaux. Mais le propos va au delà du seul milieu économique : aujourd’hui, la marque Alsace compte aussi 3 000 « ambassadeurs », des individus qui en véhiculent l’image dans leur cercle personnel. Elle dispose aussi d’1,7 million de fans sur le réseau social Facebook : « cette cote d’amour énorme, c’est un capital formidable (…) La marque constitue un facteur de cohésion et mobilisation », commente Philippe Choukroun.

Un cercle vertueux.. pas simple à enclencher

Autre démarche, celle-ci initiée par un pôle de compétitivité, Mov’eo, dédié à l’automobile, sis à cheval entre la Normandie et l’Ile-de-France. « Ces pôles sont nés de la volonté politique de regrouper trois catégories d’acteurs, les grands groupes, les PME et les centres de recherche, sur un territoire. Ils ont une vocation économique de croissance et d’emploi. Il s’agit d’avoir des retombées concrètes pour le territoire », rappelle Frédéric Guernalec, vice-président intelligence économique de Mov’eo. Dans ce cadre, la mission du pôle consiste à « favoriser des projets en faisant de l’ animation, des rencontres entre les acteurs, et en procédant à la labélisation de projets ou d’entités », analyse Frédéric Guernalec.

Autant de démarches qui supposent de la confiance entre les différentes parties prenantes. Sur ce point en particulier, le pôle a un rôle à jouer, en établissant des règles et en mettant en place des outils à même de rassurer des PME qui peuvent s’inquiéter de se voir « piquer » des idées par des grandes entreprises, et aussi ces dernières, soucieuses que les chercheurs ne publient dans des revues scientifiques avant que les brevets ne soient déposés...Au final, un cercle vertueux se dessine, où le pôle contribue à valoriser ses différents contributeurs - et, partant, le territoire- , entraînant une ultérieure valorisation du pôle et de ses composants. Ainsi, la participation de Mov’eo à des projets comme le Grand Paris sert sa visibilité et celle de l’ensemble des entreprises qui en font partie. En France, être labélisé par Mov’eo, « pour une PME, c’est très important », précise le vice-président du pôle. Reste que la démarche s’avère complexe à mettre en place. « Pour travailler sur l’attractivité du territoire, il faut avoir des acteurs qui jouent le jeu », rappelle Frédéric Guernalec, regrettant que si Toulouse est immédiatement associé à l’aéronautique, la Normandie ne l’est pas – encore - à l’automobile. Exemple, Mov’eo n’a pas été repéré comme expert sur ces problématiques, par les médias, lors de la récente affaire des moteurs truqués de Volkswagen.

Indispensable composante culturelle

Troisième démarche qui s’appuie sur les actifs immatériels locaux, celle initiée par le Musée de l’air et de l’espace, au Bourget, en Ile-de-France. Pour Catherine Le Berre, directrice marketing, ventes et communication de l’établissement, le musée et le territoire contribuent mutuellement à s’enrichir. Les échanges sont nombreux, avec par exemple la contribution d’associations à la bonne marche de l’établissement, ou d’ADP, Aéroports de Paris. Mais surtout, actuellement, le musée s’intègre dans les projets actuels de transformation du territoire, puisqu’il se situe dans la zone du futur cluster aéronautique du Grand Paris. « Nous menons une réflexion avec les collectivités territoriales sur le développement d’un projet de grand musée, avec 75 millions d’euros des travaux. De manière intuitive, nous nous sommes appuyés sur ces liens avec le territoire, sur ces actifs immatériels territoriaux. C’est indispensable, car le musée ne pourrait pas assurer lui même son avenir. Mais depuis quatre ans, je constate que le positionnement n’est plus d’aller quémander de l’argent, mais de dire : nous sommes une richesse pour vous, voulez vous que nous travaillions ensemble ? », analyse Catherine Le Berre...


Anne DAUBREE