Voyage dans l’économie du foot


Economie


16 novembre 2010

Visite guidée dans l’économie du football professionnel, une filière qui pèse plus de 4 milliards d’euros de chiffre d’affaires et concerne 25 000 emplois, dont beaucoup au niveau local, d’après les professionnels.

2016 s’approche, et, avec elle, le championnat européen de foot qui se déroulera dans l’Hexagone. A la clef, la construction ou la rénovation de plusieurs stades, qui implique la contribution financière des collectivités locales et de l’Etat. Or, suite à la calamiteuse prestation des Bleus, cet été, en Afrique du Sud, c’est peu dire que le foot professionnel français a besoin de redorer son blason. L’UCPF, l’Union des clubs professionnels de football, s’y est employée fin octobre, en dévoilant, le jour même de l’ouverture des « Etats généraux du football » le premier baromètre « Foot pro », sur les impacts économiques et sociaux du football professionnel en 2010. Un bilan réalisé par le cabinet d’audit Ernst and Young. « Les clubs rayonnent sur une économie territoriale, dans les villes, les collectivités, et sur une économie nationale, avec les médias, les paris, l’économie des jeux en ligne » analyse Marc Lhermitte, associé chez Ernst and Young, lors de la présentation de l’étude. Cette économie présente une grande diversité : le chiffre d’affaires des 18 000 clubs, va de 7 à 200 millions d’euros, et leur nombre de salariés s’échelonne de 40 à 250 personnes.

Gros business

Au total, la filière du foot pro génère une activité évaluée à 4,3 milliards d’euros, par les consultants. L’économie locale concentre environ 1,3 milliard, le reste étant distribué entre les télévisions, les paris, les transports, la presse…Au niveau local, les transports, l’accueil, la restauration bénéficient tout particulièrement de cette somme, tout comme les quartiers qui se bâtissent autour des clubs et des stades. Bref, un euro investi dans un club génère 2,5 euros dans l’économie nationale, calculent les experts. Au chapitre des contributions fiscales et sociales, l’étude conclut à la génération de plus d’1 milliard d’euros de contributions au moins, directes et indirectes. Le solde serait donc positif, par rapport aux subventions reçues par les clubs, estimées à une quarantaine de millions d’euros par an. Mieux, au niveau local, de nombreux clubs figurent parmi les premiers contributeurs fiscaux. « C’est une activité de main d’œuvre, qui contribue largement fiscalement et socialement à la richesse du pays. Les masses salariales élevées que l’on nous reproche parfois, finalement, c’est bien pour la collectivité, car cela se traduit en charges sociales pour la collectivité » n’hésite pas à conclure Philippe Diallo, directeur général de l’UCPF.

Et 25 000 emplois seraient en jeu, d’après l’étude d’Ernst and Young. Les clubs représentent 21% de l’emploi, avec 1 140 joueurs professionnels, accompagnés d’une escouade encore plus nombreuse de formateurs, entraineurs, kinés, et personnel administratif. Hors club, les emplois locaux constituent 39% de l’emploi, notamment dans le BTP, l’hôtellerie et le commerce. Le solde (un peu plus de 10 000 emplois ) se répartit au niveau national, dans la presse, l’édition ou la grande consommation. « Pour chaque joueur qui court, ce sont 22 emplois dont bénéficient les personnes en France. (…) La croissance du football bénéficie à la croissance nationale » souligne Philippe Diallo, poursuivant sa démonstration selon laquelle ce qui est bon pour le foot est bon pour le pays.

Le foot, bienfaiteur de la nation ?

Les collectivités elles mêmes en sont convaincues, d’après l’échantillon de responsables locaux interrogés par Ernst and Young. 57% d’entre eux estiment que la présence du club a un effet positif sur l’image du territoire, quels que soient ses aléas sportifs. Et il a également un effet « significatif » sur le développement économique. Exemple : le stade. « Il est de plus en plus conçu comme un totem, un moyen de développer le territoire. Les collectivités bâtissent de plus en plus d’espoir sur la façon dont de nouveaux stades rénovés ont un effet sur l’aménagement urbain », note Marc Lhermitte. « Il y a une intégration en matière de plans de transport, de création d’espaces hôteliers, d’espaces commerciaux qui se structurent autour de l’enceinte sportive. Les élus intègrent cette donnée » se réjouit Philippe Diallo. Car, pour lui, les bienfaits que le foot apporte à la communauté vont bien au delà de l’aspect économique : développement durable, lien social… rien ne manque. D’après l’ UCPF, les problématiques de développement durable sont ainsi prises en compte dans les bâtiments sportifs, avec, par exemple, l’utilisation de pelouses synthétiques, ou de panneaux photovoltaïques.

Autre apport  : « servir de caisse de résonnance pour l’intérêt général », propose Philippe Diallo qui rappelle les 2 000 actions caritatives portées par les clubs, dans le domaine de la lutte contre le racisme ou de soutien à la recherche, par exemple. Deux clubs, le PSG et l’OM, disposent également de fondations, pour mener des projets spécifiques. Bref, « depuis juillet, le foot est fortement décrié sur la question des valeurs, donc, on voulait rappeler les initiatives prises par les clubs, où les joueurs s’impliquent souvent » précise Philippe Diallo. Autre des innombrables bienfaits du foot, d’après les professionnels : ses centres de formation : 290 000 heures de formation par an, et un taux de réussite au bac de 87% contre 85,5% dans la moyenne nationale. Sans parler des 100 millions d’euros versés de façon directe et indirecte au sport amateur, qui compte 12 000 licenciés, lesquels s’entrainent parfois dans les enceintes des clubs professionnels.

Alice au pays du ballon rond

Malgré tout, il y a des « inquiétudes » admet Jean-Pierre Louvel président de l’UCPF. Une quarantaine de clubs, notamment, affichent un déficit important. « Structurellement, et économiquement, le foot souffre d’un problème, car son mode de fonctionnement est basé sur les transferts. Aujourd’hui, ce marché s’est écroulé. (…). 2016 est un enjeu important pour l’économie du foot » analyse Jean-Pierre Louvel. Et l’Etat, d’après lui, n’a pas aidé, en mettant fin au dispositif fiscal du Droit à l’image collectif (Dic), qui avait suscité la polémique, en permettant aux clubs sportifs de verser aux joueurs une partie de leur rémunération en allégeant leur fiscalité. L’abolition du Dic est une « injustice totale (…) qui a un impact économique et social pour toute une nation » n’hésite pas à asséner Jean-Pierre Louvel. Bref, pour l’UCPF , le foot pro, c’est 12 millions de personnes qui se rendent dans les stades ( dont 40% ont moins de 35 ans), 85 millions qui suivent les championnats nationaux à la télé, 118 millions de connexions sur les sites internet des clubs, des retombées économiques et des emplois pour toute la nation, des valeurs, des joueurs qui s’engagent pour des causes humanitaires… Reste à comprendre comment un système aussi vertueux est parvenu à générer des débandades sportives et éthiques comme celles de l’Afrique du Sud, ou des phénomènes comme le hooliganisme dans les stades. A cela, l’étude de Ernst and Young ne répond pas.