Fonctionnaires : est-il vraiment judicieux d’en diminuer le nombre ?


Décryptage


16 mars 2017

Peut-on avoir les mêmes services avec moins de fonctionnaires ? C’est l’une des questions les plus clivantes sur la table des prochaines élections présidentielles et législatives...

Un des enjeux de la présidentielle

Les comptes publics sont dans le rouge depuis... plus de 40 ans, mais la profondeur du trou - bientôt 100% du PIB - impose des mesures difficiles que l’on ne pourra pas éternellement différer. Parmi celles-ci, la question de la réduction du nombre des fonctionnaires s’est invitée dans la campagne des présidentielles au point, pour une partie de l’électorat, d’en faire l’un des principaux enjeux.

Dégraisser le mammouth

Les libéraux - au sens large - pensent qu’avec ses 5,4 millions de fonctionnaires la France fait figure de dinosaure dans le monde moderne. Pour eux, il faut absolument dégraisser le mammouth pour retrouver de la compétitivité, réorganiser les services publics en tenant compte des "progrès" technologiques, et confier au privé certaines tâches encore réalisées par l’État.

Objectif impossible ?

Alors que, par le dogme du non-remplacement de un sur deux, Nicolas Sarkozy avait supprimé 100 000 postes sous son quinquennat (et 300 000 autres s’il avait été élu en 2017), François Fillon promet la disparition de 500 000 fonctionnaires en cinq ans. Un programme "radical", qui inquiète les salariés du public, mais aussi une partie de son électorat, conscient de la difficulté de l’objectif.

Promesses de campagne

Pour Emmanuel Macron, ce sera - 40 000 postes ; pour Benoit Hamon + 40 000 ; pour Jean-Luc Mélenchon + 400 000 ; pour Marine Le Pen il faut "un État fort" mais moins de fonctionnaires territoriaux... On le voit, les propositions des candidats sont variées et chiffrées, mais on ne sait trop sur quelle base de calcul, sinon sur celle de l’arithmétique simpl(ist)e ? qui colle rarement à la réalité sociale et politique...

Impact direct

Si les promesses de réduction sont mises en application, elles modifieront en profondeur la vie des citoyens, bien au delà du strict aspect comptable "moins de fonctionnaires = moins de dépenses". Dans nos juridictions par exemple, les postes "non pourvus" et les absences non remplacées pèsent sur les délais, ce dont pâtissent justiciables et professionnels du Droit.

Dans la moyenne européenne

Avec 80 fonctionnaires pour 1 000 habitants, la France est au même niveau que la Belgique. L’Allemagne, l’Italie et l’Espagne (60 postes) sont sur la médiane, loin derrière le Danemark (145) mais bien devant la Roumanie et la Tchéquie qui ne comptent que 10 agents publics pour 100 000 habitants.

Le risque de la rue

Politiquement, le sujet est ultrasensible. Il a été beaucoup reproché à Nicolas Sarkozy d’avoir taillé dans les effectifs de police et de gendarmerie alors qu’au même moment il entendait renforcer la sécurité. C’est pourquoi, au delà des incantations de la période électorale, les candidats évitent de dire où ils vont faire porter les efforts. Pour éviter les défilés dans la rue...

Contradictions

Hôpitaux à bout de nerfs, policiers épuisés par l’état d’urgence, malaise dans l’éducation nationale (spécialité bien française)... Le chantier est vaste !
Alors que la fonction publique est le premier employeur en France, la Cour des comptes tire la sonnette d’alarme sur les dérapages du secteur public, tout en estimant que l’État doit disposer des moyens pour être impartial et efficace. La quadrature du cercle...


Jean-Michel Chevalier