Élection présidentielle : 21 propositions de l’Ordre des architectes


Economie


22 mars 2017

À l’approche de l’élection présidentielle, l’Ordre des architectes interpelle les candidats sur plusieurs enjeux de société où les architectes sont partie prenante : la nécessaire construction de logements, un aménagement urbain et territorial équilibré, la qualité de conception et d’exécution dans la réhabilitation, l’économie numérique et le respect de l’indépendance de la profession d’architecte. Les architectes soumettent 21 propositions aux candidats à la présidentielle. En toute responsabilité, ils veulent répondre par leurs compétences et par l’éthique de leur profession aux attentes de nos concitoyens pour un cadre de vie écologique, pour une qualité architecturale et urbaine qui exprime notre culture commune dans toute sa diversité de ses besoins.

L’architecture, le projet urbain sont une expression de la culture et une manifestation concrète des évolutions sociales et économiques de la société. La crise climatique et l’économie numérique vont transformer notre environnement et nos modes de vie. Nous concevons différemment l’aménagement des territoires, l’urbanisation et la construction ou la réhabilitation des bâtiments.
Les architectes français et leurs agences sont présents sur tout le territoire, dans les métropoles, les villes moyennes et les territoires ruraux. Ils conçoivent et prescrivent environ 55 milliards de travaux par an. Ils sont une profession « ressource » au service des politiques publiques du logement et de l’aménagement du territoire.

À l’approche de l’élection présidentielle, l’Ordre des architectes interpelle les candidats sur plusieurs enjeux de société où les architectes sont partie prenante :
- Construire plus de logements au bon endroit, répondant aux besoins et aux contraintes environnementales.
- Aménager et urbaniser en respectant les équilibres entre territoires ruraux et métropolitains, entre acteurs privés et publics.
- Promouvoir une qualité de conception et d’exécution de la réhabilitation de l’existant pour valoriser les biens et encourager les propriétaires et les collectivités à investir.
- Favoriser l’économie numérique dans la filière du bâtiment et assurer la protection du public tout en développant la recherche architecturale et urbaine.
- Respecter l’indépendance de la profession d’architecte afin de garantir le meilleur service aux usagers, renforcer la délégation de service public de l’ordre pour la qualité architecturale et urbaine.

Construire, réhabiliter, aménager.

Les architectes sont des acteurs majeurs d’un aménagement responsable et raisonné du territoire.
L’avenir de l’aménagement est de donner à tous, un espace où il fait bon vivre à proximité des transports, qui promeut et met en œuvre la mixité sociale, fonctionnelle et intergénérationnelle, conditions du lien social.

Satisfaire aux objectifs d’économie foncière, de sobriété énergétique, de décarbonation de l’environnement, au droit au logement pour tous, c’est répondre à quelques impératifs :
Construire en contextualisant la politique du logement en fonction des spécificités des territoires ; la diversité des situations géographiques appelle des réponses spécifiques qu’il s’agisse de la production de logements sociaux, de la typologie des logements ou de l’application des normes.
Réhabiliter les bâtiments et instaurer une économie circulaire de toute la filière du bâtiment. Réhabiliter l’existant pour tenir les objectifs de la COP 21 et pour réduire la précarité et la dépendance énergétique.
Aménager les territoires péri-urbains ou ruraux avec un urbanisme de projet pour répondre au plus près des réalités de terrain, à la diversité des situations, mais également aux aspirations et aux besoins des habitants : moyens de transport, patrimoine, environnement naturel, activités spécifiques… accessibilité aux réseaux numériques, aux services publics.

Propositions  :

1- Pour améliorer la qualité architecturale et environnementale des constructions dès les petits projets :
Systématiser le recours à l’architecte quelle que soit la surface du projet sur des territoires volontaires et notamment dans les sites patrimoniaux remarquables. Le bâti ancien, appelle, en cas de rénovation ou d’extension, une intervention fine, sensible, qui nécessite analyse et expertise.

2 - Instaurer un permis de construire déclaratif  :
Le permis de construire déclaratif serait créé pour les travaux réalisés en dessous du seuil de recours obligatoire à l’architecte.
Il permettrait au pétitionnaire qui a choisi de faire appel à un architecte pour élaborer son projet, d’obtenir un permis de construire dans des délais plus courts, puisque le permis déclaratif serait accordé sans instruction. Ce nouveau dispositif s’inscrirait dans les mesures de simplification à destination des particuliers car il limiterait leurs démarches administratives ;
Il s’inscrirait également dans les mesures de simplification en faveur de l’administration, l’instruction de la demande de permis de construire étant remplacée par le constat du dépôt en mairie d’un dossier complet, comprenant un projet architectural obligatoirement établi par un architecte. Le maire conserverait son droit de retrait s’il estime l’autorisation illégale.

3-Conforter le fonctionnement et le financement des CAUE
Les CAUE jouent un rôle de conseil pour la qualité des constructions et la préservation des paysages tant auprès des particuliers que des collectivités territoriales. Ils doivent donc être pérennisés et financés.

Pour améliorer la qualité des documents d’urbanisme :
4- Rendre obligatoire l’expertise de compétences pluridisciplinaires dont celles d’un d’architecte lors de la réalisation des documents d’urbanisme (SRADETT, SCOT, PLUI) afin de valoriser les projets urbains et territoriaux et de mieux maîtriser les « droits à construire ».
Un urbanisme de projet éco-responsable implique un renforcementdu conseil et de l’expertise auprès de tous les élus.

5-Mettre en place une procédure spécifique de revitalisation des centres urbains non métropolitains et des bourgs ruraux.
Il n’existe pas à ce jour, de cadre juridique encadrant les projets de revitalisation des centres-bourgs qui ne peuvent se faire qu’au cas par cas ; il apparaît donc essentiel de donner des outils de financement et de remembrement foncier aux élus.

6- Pour améliorer la rénovation thermique des bâtiments
Instituer un diagnostic global préalable à tous travaux sur le parc existant. Ce diagnostic permettrait de proposer des solutions de rénovation performantes à même de garantir à l’usager un meilleur confort, d’augmenter la valeur patrimoniale de son bien et de le prémunir contre les pathologies éventuelles liées à une rénovation mal pensée.
Ce diagnostic, destiné aux particuliers, serait mis en place grâce à un « forfait étude/rénovation » financé par un fonds public. Il serait le premier élément du passeport numérique de la rénovation.

7- Mettre en place des plans concertés de rénovation pour des ensembles bâtis de même typologie ou de même époque qui seraient ensuite déclinés au cas par cas permettant notamment la réhabilitation des ensembles pavillonnaires, de bâtiments aux systèmes constructifs semblables.

8- Faire de la rénovation écologique une action de sensibilisation et de communication collective d’envergure, emmenant tout le secteur du cadre de vie : acteurs publics, professionnels de l’immobilier, entreprises, industriels, et citoyens.

Fabriquer une ville éco-responsable dans le respect de l’intérêt général.

Depuis plusieurs années, on assiste à un bouleversement de la fabrication de la ville : diminution drastique des ressources des collectivités territoriales, raréfaction de la dévolution traditionnelle de la commande publique et montée en puissance des acteurs privés qui se voit confier le financement, la réalisation, l’aménagement, et au-delà l’entretien et la maintenance d’ouvrages publics voire d’îlots et de quartiers entiers. Comment accompagner cette évolution et garantir la décision publique en faveur de l’intérêt général et des valeurs d’usage de la ville ?

Pour les architectes, qui ont la responsabilité de contribuer à cet intérêt commun et d’accompagner les innovations que portent les mutations actuelles, il est nécessaire que les élus continuent de définir les grandes orientations urbaines et remplissent leur rôle de garant de l’intérêt public.

Propositions

Pour garantir l’intérêt général dans les projets urbains et architecturaux privés
9- Fixer un cadre réglementaire des consultations immobilières lancées par les élus locaux, associant promoteurs et architectes. Ce cadre garantissant transparence et équité, devra comporter les règles de déroulement de la consultation, et les critères d’attribution, ainsi qu’un cahier des charges établissant les obligations respectives des promoteurs privés et des maîtres d’œuvre, et de la collectivité publique durant la consultation.
10- Attribuer lors des consultations privées d’initiative publique, le foncier au promoteur sur la base de la qualité du projet architectural et non sur le seul critère du prix d’achat de la parcelle.
11- Assurer la rémunération des équipes de maîtrise d’œuvre ayant participé à la consultation.

Pour conforter la qualité des constructions publiques
12- Systématiser, quel que soit le marché en réhabilitation ou en construction neuve, les règles assurant l’indépendance de la maîtrise d’œuvre en limitant les dispositifs dérogatoires apportés à la loi MOP. 13-Garantir l’indépendance de la maîtrise d’œuvre constitue un enjeu majeur pour une création architecturale de qualité dans un objectif d’optimisation du coût global.

Poursuivre l’évolution de la profession, accompagner la numérisation de l’économie, conforter l’indépendance

Les agences sont de tailles diverses, mais le plus souvent il s’agit de petites ou très petites entreprises. Elles sont innovantes dans leurs structures, capables de s’associer avec souplesse et d’intégrer ponctuellement des compétences pointues pour réaliser un projet particulier. Les architectes sont des acteurs du numérique, qu’ils utilisent depuis longtemps dans tous les actes du métier. La dématérialisation et l’utilisation de la maquette numérique, le « BIM » changent dès aujourd’hui les modes de construction des bâtiments et des villes ; et les architectes sont engagés pour répondre à ces mutations. L’économie digitale transforme l’offre et la demande d’architecture, elle une opportunité pour la profession d’architecte ; mais pour la protection du public et pour que l’architecture reste un élément majeur de la culture, il faut donner des règles à ces nouvelles pratiques.

Si l’architecture est une profession réglementée, elle est pourtant très concurrentielle. Soumise à une concurrence internationale forte, aucun numerus clausus, aucune restriction d’établissement, aucun barème d’honoraires ne l’encadrent. Le capital des agences d’architecture doit être détenu par une majorité d’architectes, afin de préserver l’indépendance créative de la profession et empêcher concrètement un autre acteur de la filière de s’approprier la conception des projets architecturaux. La réglementation de la profession permet l’essentiel : que l’architecte puisse exercer sa mission librement auprès du maître d’ouvrage, public ou privé, en ne servant aucun autre intérêt, et dans le souci de la qualité des constructions et du cadre de vie.

La réglementation est donc véritablement au service de la protection des usagers de la ville et des bâtiments.

Propositions

13- Sécuriser l’offre numérique proposée dans le domaine de l’architecture pour préserver les intérêts du public et renforcer les moyens de contrôle de la représentation professionnelle.

14- Garantir l’indépendance de la création architecturale dans les agences en maintenant les règles actuelles de composition des sociétés d’architecture (détention de la majorité du capital et des droits de vote par des architectes).
15- Accompagner les acteurs de la filière du bâtiment vers le numérique avec la poursuite des travaux du Plan de Transition numérique dans le bâtiment pour le développement des outils et procédures adaptées à toutes les tailles d’acteurs pour éviter les ruptures de chaines au sein de la filière.
16- Accélérer l’accès de l’administration aux outils et procédures numériques pour dématérialiser l’instruction des permis de construire et élaborer les projets urbains à l’aide d’une maquette numérique ; pour en accroître la communicabilité, construire en concertation avec les citoyens, une pédagogie de la fabrication du cadre bâti et une diffusion de la culture urbaine et architecturale.

Replacer l’architecture, discipline transversale, au centre des enjeux de la construction

Le rapport d’information sur la création architecturale publié le 2 juillet 2014, soulignait que « dès que le recours à un architecte n’est pas obligatoire, il est clair que la plupart des maîtres d’ouvrage, publics ou privés, institutionnels ou particuliers, préfèrent s’en dispenser, pour des raisons principalement financières ou par déficit d’information. Pourtant, dans d’autres pays européens, le recours à l’architecte relève d’un réflexe culturel profondément ancré. Dès lors, pour remédier à une situation extrêmement dommageable pour la qualité du cadre de vie et l’attractivité des territoires, il est apparu nécessaire de trouver les moyens de susciter, au sein de la population, une véritable envie d’architecture. »

Propositions :

17- Développer la culture architecturale dès l’enseignement primaire afin de permettre aux futurs citoyens de s’initier aux bases de la culture architecturale.
18- Développer la concertation citoyenne autour des projets d’aménagement et des projets urbains.

19- Reconnaitre le statut de l’architecte dans la fonction publique territoriale.
20- Créer un laboratoire national de recherche du cadre de vie et des laboratoires de recherche en architecture et en urbanisme dans les ENSA. Implanter une école nationale supérieure d’architecture dans chaque région de France
21- Mettre en place une délégation interministérielle à l’architecture et à l’urbanisme chargée de donner des avis ou d’élaborer des propositions sur les questions architecturales et urbaines.


Valérie Noriega