L’état d’urgence, le cadeau patate chaude de François à Emmanuel


Economie


1er juin 2017

L’état d’urgence a été instauré le 14 novembre 2015 après les attentats du Bataclan et des terrasses. Il a depuis été prorogé, sans aucun jour d’interruption, à cinq reprises.

Créé en 1955 à l’occasion des "événements" d’Algérie, pour permettre au ministère de l’Intérieur d’agir - perquisitions, assignations à domicile, etc. - sans avoir à en référer préalablement à l’autorité judiciaire, il fait depuis près de deux ans l’objet d’un débat passionné aussi "politique" que "philosophique".
D’un côté, il y a les tenants d’une ligne pour qui les questions de sécurité priment. Pour eux, elles justifient cette parenthèse exceptionnelle et sans limitation tant que le risque demeure. Manchester vient rappeler tragiquement que le moment n’est pas encore venu de baisser la garde.
De l’autre, il y a des juristes, des politiques, des syndicalistes et... le Conseil d’État qui estiment au contraire qu’il ne saurait être que "temporaire" et donc non renouvelable à l’infini, comme il semble en prendre le chemin.

En quittant l’Élysée, François Hollande a laissé à son successeur une patate chaude.

Si tant est qu’il ait voulu, il n’avait plus en fin de mandat la légitimité d’imposer une sortie pour "faire plaisir" aux juristes sourcilleux contre une opinion publique à vif après les attentats et réclamant majoritairement des mesures de sécurité. D’autant que, sauf fouilles de sacs à l’entrée des magasins et des concerts, les dispositions de l’état d’urgence n’interfèrent pas de façon visible dans la vie quotidienne des gens ordinaires ne se trouvant pas en délicatesse avec la police.
Emmanuel Macron a déjà tranché pour le court terme : une 6ème prorogation doit être adoptée par le Parlement avant le 15 juillet, avec effet jusqu’au 1er novembre. Ce qui donnera un peu de "temps au temps" pour préparer la suite. Elle consistera soit à imposer de nouvelles prorogations, soit à acter une sortie qui paraît quand même assez peu probable en l’état.
Le piège est donc solidement refermé sur l’exécutif qui se retrouverait dans une position intenable si un nouveau Bataclan ou une nouvelle Promenade des Anglais intervenait peu de temps après une éventuelle sortie...
Le pouvoir aura beau mettre sa patte en améliorant la surveillance, en renforçant ou transformant "Vigipirate" et "Sentinelle", sa marge de manœuvre reste aussi étroite que la situation est fragile. Toute la classe politique doit, sans arrière-pensées préparer une sortie aménagée de l’état d’urgence. Ce ne sera pas facile, quand on constate la facilité française à polémiquer sur des sujets graves qui devraient pourtant réunir. Il faudra veiller à ne pas déchirer l’unité nationale qui demeure le meilleur rempart contre la barbarie.


Jean-Michel Chevalier