Reconversion des sites

Reconversion des sites industriels : les apports de la loi Alur

Le volet « sites et sols pollués » de la loi 24 mars 2014 pour l’accès au logement et un urbanisme rénové ( loi « Alur ») vise à mieux encadrer les opérations de reconversion de sites industriels. Mesure la plus innovante : la possibilité, pour les industriels, de transférer leur obligation de remise en état du site à un tiers.

Etat des lieux

Les industriels relevant de la législation relative aux installations classées sont tenus de remettre leurs sites en état en fin d’activité. Cette remise en état se fait, sous le contrôle du Préfet, en fonction d’un « usage futur », déterminé, sauf exception, de manière concertée avec l’autorité compétente en matière d’urbanisme et, le cas échéant, avec le propriétaire. Cet usage futur est le « curseur » des obligations pesant sur l’industriel dans la gestion du passif environnemental : en cas de découverte ultérieure d’une pollution incompatible avec cet usage, l’exploitant peut se voir imposer de nouvelles mesures pendant trente ans. Mais il n’a pas à supporter la charge des mesures destinées à permettre un usage plus sensible, notamment si un projet immobilier plus « sensible » est conduit ultérieurement.

Le changement d’usage clairement encadré

L’obligation de remise en état ne concernant que les exploitants industriels et s’arrêtant à l’usage convenu au moment de la cessation d’activité, l’encadrement des opérations de reconversion, à l’initiative de tiers, était jusqu’alors imparfait. Il était nécessaire qu’une « police de la reconversion » prenne le relais. La loi Alur comble cette lacune en prévoyant désormais expressément que le maître d’ouvrage à l’initiative du changement d’usage doit définir des mesures de gestion de la pollution des sols et les mettre en œuvre. Cette mise en œuvre fait l’objet d’une attestation par un bureau d’études certifié. Le contrôle des autorités sera opéré en amont des opérations de reconversion (l’attestation devant être jointe au dossier de demande de permis de construire ou d’aménager), mais également tout au long du cycle de la reconversion (phase chantier, risques sanitaires pour les occupants) par le Préfet, qui se voit habilité à intervenir à tout moment à l’encontre du maître d’ouvrage à l’origine du changement d’usage.

L’obligation de remise en état assouplie

La possibilité, pour les industriels, de transférer leur obligation de remise en état est la mesure la plus innovante – et certainement la plus ambitieuse – du volet « sites et sols pollués » de la loi Alur.
L’industriel ne pouvait, jusqu’à présent, se défaire de son obligation de remise en état, même en cas de revente du site. Ce qui rendait particulièrement complexes les montages contractuels. Alors même que l’acte de vente pouvait organiser les conditions de la prise en charge de la dépollution par l’acquéreur, l’industriel restait juridiquement le seul « débiteur » de l’obligation de remise en état vis-à-vis du Préfet, pendant trente ans. Et, comme il a été indiqué, cette obligation était limitée à « l’usage » défini au moment de la cessation d’activité, alors que le projet de reconversion pouvait viser un usage beaucoup plus ambitieux.

La loi Alur assouplit le droit sur ce point en permettant à un tiers (dit « tiers intéressé ») de se substituer à l’industriel (avec son accord) pour réaliser les travaux de réhabilitation en fonction de l’usage que ce tiers envisage, déliant ainsi l’industriel de son obligation de remise en état. Cette substitution peut être opérée, soit au moment de la mise à l’arrêt du site, soit postérieurement.

L’avenir dira si ce mécanisme est efficace, mais on perçoit dès à présent qu’il ne pourra fonctionner qu’en présence d’acteurs sérieux. En effet, qui dit substitution dit transfert de responsabilité : le tiers intéressé endossant mécaniquement les habits de l’exploitant industriel, c’est lui seul qui répondra de la bonne mise en œuvre des mesures prescrites par le Préfet et s’exposera aux risques de sanctions. Par ailleurs, la substitution sera subordonnée, non seulement à la démonstration que le tiers intéressé dispose de capacités techniques et financières suffisantes, mais aussi, et surtout, à la constitution de garanties financières couvrant la réalisation des travaux. Le tiers devra donc obtenir une couverture, par exemple, auprès d’une banque ou d’une compagnie d’assurances, avec tous les coûts que cela peut induire.

D’un point de vue juridique et financier, le tiers intéressé n’a donc, de prime abord, qu’à y perdre. Il y gagnera toutefois un avantage concurrentiel fort sur le marché : celui de pouvoir proposer à l’exploitant un montage « clés en mains », responsabilité incluse. Le gain est ici considérable pour l’exploitant. Mais un risque résiduel demeure : le législateur n’a pas voulu couper définitivement le lien entre l’industriel et la pollution. Le texte lui impose, en effet, de « ré-assumer » son obligation de remise en état en cas de défaillance du tiers intéressé et d’impossibilité de mettre en œuvre les garanties financières. On peut cependant y voir un cercle vertueux. Plus l’interlocuteur choisi par l’exploitant sera solide, plus les risques seront limités. Les premiers temps de la mise en œuvre de la loi Alur devraient donc permettre une structuration du marché.

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