CONTRAT DE TRAVAIL : (...)

CONTRAT DE TRAVAIL : précision sur le changement du lieu de travail d’un salarié

En matière de changement de lieu de travail, deux situations peuvent se présenter : le contrat de travail est assorti d’une clause de mobilité, le contrat de travail ne comporte aucune clause de cette sorte.

Premier cas, le contrat de travail conclu entre le salarié et l’employeur contient ce qu’on appelle une clause de mobilité.

Il s’agit d’une clause qui permet à l’employeur de modifier l’endroit où s’effectue la prestation si l’intérêt de l’entreprise le justifie. En ce cas, le salarié ne peut refuser la mutation. Cependant, la clause doit indiquer la zone géographique de mobilité ; ce qui dans la pratique, est très difficile à prévoir à l’avance et dès le début du contrat.

Second cas, il y absence dans le contrat de toute clause de mobilité.

Il s’agit de savoir si le salarié peut refuser une telle modification géographique, et si ce refus ne justifie pas un licenciement. Par principe un contrat de travail doit contenir l’indication du lieu d’affectation du salarié pour l’accomplissement de sa tâche. Théoriquement un changement imposé de ce lieu doit entraîner une modification des éléments du contrat, par voie de conséquence, ce changement doit être précédé de l’accord du salarié ; dans la pratique cet accord doit se concrétiser par écrit, par un avenant au contrat de travail.

Beaucoup plus délicat est la situation où l’employeur a besoin de muter un salarié dans un autre point d’activité (nous disons bien, « a besoin » car l’employeur ne peut arbitrairement imposer une mutation si "l’intérêt de l’entreprise" ne la justifie pas. Si le salarié refuse cette modification du lieu du travail en se fondant sur les dispositions intangibles du contrat, (absence de clause de mobilité), la situation entre les parties sera bloquée. Deux situations se présentent alors. Ou bien l’employeur retire son projet et le contrat poursuit son cours tel quel, ou bien il passe outre le refus du salarié et procède à un licenciement.

Dans ce cas, l’employeur voudra arguer qu’il n’y a pas modification du contrat de travail si le nouveau lieu de travail se situe dans la même secteur géographique (cassation sociale -16 -12 -1998). À ce moment-là, il appartiendra au juge d’apprécier les critères de la justification du changement du secteur géographique.
La jurisprudence cependant a dégagé à cet égard un certain nombre de principes :
– le changement du lieu de secteur géographique doit être apprécié objectivement, de manière identique pour tous les salariés,
– la distance entre les deux sites, c’est à dire le site initial et le site prévu,
– les moyens de transport les desservant,
– la durée supplémentaire du trajet pour se rendre au nouveau site (cassation sociale 7 juillet 2016).
Cependant si ces conditions sont réunies - distance, moyens de transport, durée -, il existe malgré tout une condition supplémentaire :
- la situation familiale du salarié, qui ne doit pas devoir être bouleversée alors qu’elle est particulièrement difficile (on donnera l’exemple d’une mère célibataire ayant un enfant handicapé à charge (éditions Francis Lefebvre indicator, numéro 20, 15 septembre 2016).

Enfin pour terminer, intéressons nous au cas où l’employeur impose un déplacement occasionnel, en dehors du secteur géographique où le salarié travaille habituellement.
Une telle modification n’est possible que si elle est motivée par "l’intérêt de l’entreprise", et si elle est justifiée par des "circonstances exceptionnelles" et si le salarié a été informé préalablement de cette affectation et de sa durée prévisible (cassation sociale - trois - deux - 2010).

En résumé, il est nécessaire, dès la conclusion du contrat de travail, de prévoir une clause de mobilité, même pour le cas où elle ne serait pas ou seulement très rarement utilisée.

Par Maître Jean IOSCA
Avocat Honoraire

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